Madame Putiphar, vol 1 e 2. Petrus Borel
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Название: Madame Putiphar, vol 1 e 2

Автор: Petrus Borel

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de là, soldats inappréciables.

      Le séjour de Patrick au château pendant son enfance, son contact avec des gents de qualité, l’éducation féminine qu’il avoit partagée avec son inséparable Déborah, lui avoient donné l’exquis du bon ton: une élocution facile et choisie, de la représentation et de la réserve: toutes choses contrastant avec ses vêtements rustiques.

      Son amour pour Déborah n’étoit point le fruit de l’orgueil ou d’une sotte présomption. Il étoit fort antérieur à tout raisonnement, il datoit des premiers pas dans la vie. Une attraction fortuite, magnétique, avoit rapproché deux êtres isolés et frêles, voilà tout. Ils étoient passifs et sympathiques d’amour, mais non pas savants en amour. L’aimant subit sa loi naturelle sans plus de malice, sans savoir un mot de magnétisme: ce sont les savants, et non l’aimant, qui raisonnent. Quoique leur sentiment fût inaliénable, ils n’avoient eux-mêmes aucun document sur son intensité: ce n’est que par l’expérience et la comparaison qu’on arrive à fixer en son esprit la valeur des choses: toute valeur n’est que relative.

      Leur amour n’avoit point les dehors d’une passion; il n’avoit point de symbole extrême et violent; c’étoit un état doux, égal, constant; c’étoit une affection stagnante qu’ils croyoient sans doute inhérente à leur nature, et, comme le souffle et la nutrition, une condition absolue de leur existence. Mais, non, à parler plus simplement, ils ne croyoient rien; nonchalants du pourquoi? ils n’analysoient rien; c’est moi rétheur, qui crois et qui analyse. Ils étoient passifs d’amour, et voilà tout!

      Si la compagnie de Déborah avoit efféminé Patrick, celle de Patrick avoit donné à Déborah un peu de ce maintien cavalier, qui, bien loin de déparer les grâces pudiques, les rend plus amènes.

      Déborah s’exprimoit mieux que Patrick, mais elle comprenoit moins bien; mais elle ne saisissoit pas un ensemble, mais elle ne résumoit pas. Elle s’enflammoit et exécutoit tout d’abord: Patrick pesoit tout d’abord, exécutoit quelquefois, et s’enflammoit à la longue. Toutes ses sensations étoient extrêmes, joie et douleur; elle se laissoit abattre volontiers: toutes les sensations de Patrick étoient profondes; le doute pouvoit l’atteindre et l’affecter, mais nulle chose au monde n’avoit puissance de l’abattre. De la sensibilité spontanée et exclamatoire de Déborah découloit sa raison: la raison de Patrick engendroit sa sensibilité tardive et froide: l’une étoit concrète et l’autre abstraite.

      Les lignes des traits de Patrick étoient tangentes à la terre; celles des traits de Déborah tangentes à l’opposite. Son incarnat étoit brun pour une Anglo-Irlandoise, ses yeux et ses sourcils étoient noirs; et si ses cheveux n’avoient pas été échafaudés, saupoudrés, enrubanés, elle auroit eu le plus beau diadême, une longue chevelure de jayet.

      En somme, elle étoit plus constamment active que Patrick, plus déterminée par moins de prévoyance et, comme lui, rêveuse d’aventures.

      Après un long intervalle silencieux, Patrick, cessant d’errer dans les genêts, s’approcha de sa noble amie, toujours immobile et toujours accoudée sur le roc, comme une pleureuse de marbre sur un cénotaphe, comme une des lugubres statues des tombeaux de Canova.

      Et, lui prenant doucement la main, il s’assit auprès d’elle.

      – Oh! combien la nuit et l’ombre portent au recueillement, Debby! Oh! qu’à regret on trouble de ses causeries son beau silence! L’influence des scènes extérieures sur notre âme est telle, que, dans le calme des nuits, involontairement on parle à voix basse, comme, sous les voûtes sombres d’une église, un impie saisi malgré lui de respect par la majesté du lieu.

      – Oui, cela est vrai, l’obscurité nous fait rentrer en nous-mêmes, notre corps s’y amoindrit, s’y resserre, et l’expansion même y prend un caractère mystérieux.

      – Tantôt, Debby, lorsque je vous parlois par figures, lorsque je vous faisois de belles phrases, je vous disois que la morgue de la noblesse avoit creusé entre nous deux un fossé que nous ne saurions franchir qu’au prix de notre vie comme Rémus; je ne parlois pas juste: n’est-il pas toujours quelque moyen d’éluder la loi la plus textuelle? Obliquité et longanimité font plus qu’emportement et bravade. Si nous comblions ce fossé au lieu de nous risquer à le franchir, n’agirions-nous pas beaucoup plus sagement?

      – Oui, sans doute.

      – Je partirai, Déborah!

      – Nous partirons!.. Béni soit Dieu, qui nous a inspiré à touts les deux la même résolution! Oui, Patrick, il faut que nous partions!

      – Ce qui me fait un devoir de partir, me fait aussi le devoir de partir seul. S’il seroit mal à moi de ne pas m’éloigner de vous maintenant, il seroit encore plus mal à moi de vous entraîner, de vous arracher à votre famille, de vous enlever à l’opulence, pour ne vous offrir en échange que le sort hasardeux d’un malheureux exilé, et les chances de misère qui m’attendent peut-être. Je me sens capable de tout endurer, excepté de vous voir souffrir.

      – Ceci, Phadruig, est une fausse générosité: vous ne pourriez endurer me voir souffrir, dites-vous? et vous pourriez endurer me savoir souffrante. Votre générosité ressemble fort à celle de l’assassin qui frappe en détournant la vue.

      – Avant de me juger si sévèrement vous auriez dû au moins me laisser achever ma proposition, et vous auriez compris alors que, si dans mon fait il n’y a pas de générosité, au moins y a-t-il de la sagesse. Un enlèvement, un rapt est certainement une fort belle aventure de roman; mais, je vous en prie, devenons graves. Nous voici conspirateurs, mon amie, laissons le merveilleux de côté. Au point où en sont les choses aujourd’hui, l’heure de prendre un parti est venue. Il nous seroit impossible dorénavant de conserver sans périls le plus rare et le plus secret rapport, et toute rupture nous est impossible tant que touts deux nous habiterons cette terre; quittons-la; nos pas n’y fouleroient plus que des ronces. J’avois donc pensé qu’il seroit bien que je partisse seul et le premier, et que je me rendisse en France, où les gents de notre pays sont aimés et accueillis; où je compte quelques compatriotes amis dans l’armée, dans les régiments irlandois surtout, et dans le clergé. Avec leur secours et leur recommandation je trouverai facilement place dans une compagnie, où, avec la grâce de Dieu et mon épée, je tâcherai de faire mon chemin. La France n’est pas ingrate envers ces adoptifs, envers ceux qui comme moi lui vouent leur courage et leur sang. Aussitôt que j’aurai un emploi, aussitôt que je me croirai solidement établi, je vous le ferai savoir secrètement, et vous pourrez alors venir me rejoindre en toute sécurité.

      – Non, Patrick, non; quelle que soit la sagesse de cet arrangement, je n’y consentirai jamais. Nous partirons ensemble, je ne puis être séparée de vous; je vous en supplie, ne me laissez pas ici, je mourrois! D’ailleurs, je ne puis pas! c’est impossible! il faut que je m’arrache à cet enfer! Mon père doit prochainement me présenter encore un futur, un prétendu de son goût. Si je jette mon refus à celui-là comme aux autres, il a le projet de me faire incarcérer dans une maison de correction d’Angleterre. Vous le voyez, ceci ne nous laisse pas le choix; il faut absolument que je parte et bientôt.

      – S’il en est ainsi, Déborah, je n’ai plus qu’un seul mot à dire: fuyons!

      – De mon côté, aussi, j’avois fait maints projets, et quand je demandai à ma mère à venir encore à ce rendez-vous, qui seroit le dernier, c’étoit pour y dresser avec vous le plan de notre fuite. Je m’étois dit! si mon bien-aimé Pat veut consentir à s’exiler avec moi, quand j’aurai pu rassembler mes bijoux et mes objets les plus précieux, quand lui-même sera prêt, et que nous n’aurons plus aucun obstacle, une belle nuit, nous nous évaderons de Cockermouth-Castle et nous СКАЧАТЬ