Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ achepté par les siens, qui sont gens d'honneur et de bonne maison en Bretagne, et qui appartiennent à beaucoup de grands, comme à monsieur le connestable, qui aymoit fort son frère aisné, et qui luy ayda beaucoup en cette délivrance, laquelle ayant eue, il vint à la cour, et nous en compta fort à monsieur d'Estrozze et à moy de plusieurs choses, et entr'autres il nous fit ces comptes.

      Que dirons-nous maintenant d'aucuns marys qui ne se contentent de se donner du contentement et du plaisir paillard de leurs femmes, mais en donnent de l'appetit, soit à leurs compagnons et amis, soit à d'autres, ainsi j'en ai cogneu plusieurs qui leur louent leurs femmes, leur disent leurs beautez, leur figurent leurs membres et parties du corps, leur représentent leurs plaisirs qu'ils ont avec elles, et leurs follatreries dont elles usent envers eux, les leur font baiser, toucher, taster, voire voir nues? Que méritent-ils ceux-là, sinon qu'on les face cocus bien à point, ainsi que fit Gygès, par le moyen de sa bague, au roy Candaule, roy des Lydiens, lequel, sot qu'il estoit, lui ayant loüé la rare beauté de sa femme, comme si le silence luy faisoit tort et dommage, et puis la luy ayant monstrée toute nue, en devint si amoureux qu'il en joüit tout à son gré et le fit mourir, et s'impatronisa de son royaume. On dit que la femme en fut si désespérée pour avoir esté représentée ainsi, qu'elle força Gygès à ce mauvais tour, en lui disant: «Ou celuy qui t'a pressé et conseillé de telle chose, faut qu'il meure de ta main, ou toy, qui m'as regardée toute nue, que tu meures de la main d'un autre.» Certes, ce roy estoit bien de loisir de donner ainsi appetit d'une viande nouvelle, si belle et bonne, qu'il devoit tenir si chere.

      – Louis, duc d'Orléans, tué à la porte Barbette15 à Paris, fit bien au contraire, grand desbaucheur des dames de la Cour, et tousjours des plus grandes, car, ayant avec luy couché une fort belle et grande dame, ainsi que son mary vint en sa chambre pour luy donner le bon-jour, il alla couvrir la teste de sa dame, femme de l'autre, du linceul, et luy descouvrit tout le corps, luy faisant voir tout nud et toucher à son bel aise, avec desfense expresse sur la vie de n'oster le linge du visage ny la descouvrir aucunement, à quoy il n'osa contrevenir; luy demandant par plusieurs fois ce qui luy sembloit de ce beau corps tout nud: l'autre en demeura tout esperdu et grandement satisfait.

      Le duc luy bailla congé de sortir de la chambre, ce qu'il fit sans avoir jamais pu cognoistre que ce fust sa femme. S'il l'eust bien vue et recognue toute nue, comme plusieurs que j'ai veu, il l'eust cogneu à plusieurs signes possible, dont il fait bon le visiter quelquefois par le corps. Elle, après son mary party, fut interrogée de M. d'Orléans si elle avoit eu l'alarme et peur. Je vous laisse à penser ce qu'elle en dist, et la peine et l'altere en laquelle elle fut l'espace d'un quart-d'heure; car il ne falloit qu'une petite indiscrétion, ou la moindre désobéissance que son mary eust commis pour lever le linceul: il est vray, ce dist monsieur d'Orléans, mais qu'il l'eust tué aussi-tost pour l'empescher du mal qu'il eust fait à sa femme. Et le bon fut de ce mary, qu'estant la nuict d'amprès couché avec sa femme, il luy dit que M. d'Orléans lui avoit fait voir la plus belle femme nue qu'il vit jamais, mais, quant au visage, qu'il n'en sçavoit que rapporter, d'autant qu'il lui avait interdit. Je vous laisse à penser ce qu'en pouvoit dire sa femme dans sa pensée. Et de cette dame tant grande, et de M. d'Orléans, on dit que sortit ce brave et vaillant bastard d'Orléans, le soustien de la France et le fléau de l'Angleterre, et duquel est venue cette noble et généreuse race des comtes de Dunois.

      – Or, pour retourner encor à nos marys prodigues de la vue de leurs femmes nues, j'en sçay un qui, pour un matin un sien compagnon l'estant allé voir dans sa chambre ainsi qu'il s'habilloit, luy monstra sa femme toute nue, étendue tout de son long toute endormie; et s'estant elle-mesme osté ses linceuls de dessus elle, d'autant qu'il faisoit grand chaud, luy tira le rideau à demy, sy bien que le soleil levant donnant dessus elle, il eut loisir de la bien contempler à son aise, où il ne vid rien que tout beau en perfection, et y put paistre ses yeux, non tant qu'il eust voulu, mais tant qu'il put; et puis le mary et luy s'en allèrent chez le Roy. Le lendemain, le gentilhomme, qui estoit fort serviteur de cette dame honneste, luy raconta cette vision et mesmes lui figura beaucoup de choses qu'il avoit remarquées en ses beaux membres, jusques aux plus cachées; et si le mary le luy confirma, et que c'estoit luy-mesme qui en avoit tiré le rideau. La dame, de dépit qu'elle conceut contre son mary, se laissa aller et s'octroya à son amy par ce seul sujet; ce que tout son service n'avoit sceu gaigner.

      – J'ay cogneu un très-grand seigneur, qui, un matin, voulant aller à la chasse, et ses gentilshommes l'estant venu trouver à son lever, ainsi qu'on le chaussoit, et avoit sa femme couchée près de luy et qui luy tenoit son cas en pleine main, il leva si promptement la couverture qu'elle n'eut le loisir de lever la main où elle estoit posée, que l'on l'y vit à l'aise et la moitié de son corps; et en se riant, il dit à ces messieurs qui estoient présents: «Hé bien, messieurs, ne vous ay-je pas fait voir choses et autres de ma femme?» Laquelle fut si dépitée de ce trait, qu'elle lui en voulut un mal extrême, et mesme pour la surprise de cette main; et possible depuis elle le luy rendit bien.

      – J'en sçay un autre d'un grand seigneur, lequel, cognoissant qu'un sien amy et parent estoit amoureux de sa femme, fust ou pour luy en faire venir l'envie davantage, ou du dépit et désespoir qu'il pouvoit concevoir de quoy il avoit une si belle femme et luy n'en tastoit point, la lui monstra un matin, l'estant allé voir dans le lict tous deux couchez ensemble à demye nue: et si fit bien pis, car il luy fit cela devant luy-mesme, et la mit en besogne comme si elle eust été à part; encore prioit-il l'amy de bien voir le tout, et qu'il faisoit tout cela à sa bonne grace. Je vous laisse à penser si la dame, par une telle privauté de son mary, n'avoit pas occasion de faire à son amy l'autre toute entière, et à bon escient, et s'il n'est pas bien employé qu'il en portast les cornes.

      – J'ay ouy parler d'un autre et grand seigneur, qui le faisoit ainsi à sa femme devant un grand prince, son maistre, mais c'estoit par sa prière et commandement, qui se délectoit à tel plaisir. Ne sont-ils pas donc ceux-là coulpables, puis qu'ayant esté leurs propres maquereaux, en veulent estre les bourreaux? Il ne faut jamais monstrer sa femme nue, ny ses terres, pays et places, comme je tiens d'un grand capitaine, à propos de feu M. de Savoye, qui desconseilla et dissuada nostre roy Henry dernier, quand, à son retour de Pologne, il passa par la Lombardie, de n'aller ny entrer dans la ville de Milan, lui alléguant que le roy d'Espagne en pourroit prendre quelque ombre: mais ce ne fut pas cela; il craignoit que le roy y estant, et la visitant bien à point, et contemplant sa beauté, richesse et grandeur, qu'il ne fust tenté d'une extrême envie de la ravoir et reconquérir par bon et juste droit comme avoient fait ses prédécesseurs. Et voilà la vraye cause comme dit un grand prince, qui le tenoit du feu roy, qui cognoissoit cette encloëure: mais pour complaire à M. de Savoye, et ne rien altérer du costé du roy d'Espagne, il prit son chemin à costé, bien qu'il eust toutes les envies du monde d'y aller, à ce qu'il me fist cet honneur, quand il fut de retour à Lyon, de me le dire: en quoi ne faut douter que M. de Savoye ne fust plus Espagnol que François. J'estime les marys aussi condamnables, lesquels, après avoir receu la vie par la faveur de leurs femmes, en demeurent tellement ingrats, que, pour le soupçon qu'ils ont de leurs amours avec d'autres, les traittent très-rudement, jusques à attenter sur leurs vies.

      – J'ay ouy parler d'un seigneur sur la vie duquel aucuns conjurateurs ayant conjuré et conspiré, sa femme, par supplication, les en destourna, et le garantit d'estre massacré, dont depuis elle en a esté très-mal recogneue, et traittée très-rigoureusement.

      – J'ay veu aussi un gentilhomme, lequel ayant esté accusé et mis en justice pour avoir fait très-mal son devoir à secourir son général en une bataille, si bien qu'il le laissa tuer sans aucune assistance ni secours; estant près d'estre sentencié et condamné d'avoir la teste tranchée, nonobstant vingt mille escus qu'il présenta pour avoir la vie sauve; sa femme, ayant parlé à un grand seigneur de par le monde, et couché avec lui par la permission et supplication dudit mary, ce que l'argent n'avoit pu faire, sa beauté et son corps l'exécuta, et luy sauva la vie et la liberté. Du depuis il la traitta si mal que rien plus. Certes, tels marys, cruels et enragés, sont très-misérables. D'autres en ay-je cogneu qui n'ont pas СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Baudet ou Barbette, comme dit Mézeray.