Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Vies des dames galantes - Pierre de Bourdeille Brantôme страница 10

Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

isbn:

СКАЧАТЬ devez sentir glorieux quand vous me tenez sous vous et me suppeditez; mais aussi, quand il me plaist, s'il ne tient qu'à tenir le dessus, je le tiens par gayeté et une gentille volonté qui m'en prend, et non pour une contrainte. Davantage, quand ce dessus me déplaist, je me fais servir à vous comme d'un esclave ou forçat de gallere, ou, pour mieux dire, vous fais tirer au collier comme un vray cheval de charrette, en vous travaillant, peinant, suant, haletant, efforçant à faire les corvées et efforts que je veux tirer de vous. Cependant, moy, je suis couchée à mon aise, je vois venir vos coups, quelquefois j'en ris et en tire mon plaisir à vous voir en telles alteres; quelquefois aussi je vous plains selon ce qui me plaist ou que j'en ay de volonté ou de pitié; et après en avoir en cela très-bien passé ma fantaisie, je laisse là mon galant, las, recreu, débilité, énervé, qu'il n'en peut plus, et n'a besoin que d'un bon repos et de quelque bon repas, d'un coulis, d'un restaurant ou de quelque bon bouillon confortatif. Moy, pour telles courvées et tels efforts, je ne m'en sens nullement, si-non que très-bien servie à vos despens, monsieur le gallant, et n'ay autre mal si-non de souhaiter quelque autre qui m'en donnast autant, à peine le faire rendre comme vous: et, par ainsi, ne me rendant jamais, mais faisant rendre mon doux ennemy, je rapporte la vraye victoire et la vraye gloire, d'autant qu'en un duel celuy qui se rend est déshonoré, et non pas celuy qui combat jusques au dernier poinct de la mort.»

      – Ainsi que j'ay ouy compter d'une belle et honneste femme, qui une fois, son mary l'ayant esveillée d'un profond sommeil et repos qu'elle prenoit, pour faire cela, après qu'il eut fait elle luy dit: «Vous avez fait et moy non;» et, parce qu'elle estoit dessus luy, elle le lia si bien de bras, de mains, de pieds et de ses jambes entrelacées: «Je vous apprendray à ne m'esveiler une autre fois;» et, le demenant, secoüant et remuant à toute outrance son mary qui estoit dessous, qui ne s'en pouvoit defaire, et qui suoit, ahannoit et se lassoit, et crioit mercy, elle le luy fi faire une autre fois en dépit de luy, et le rendit si las, si atenu et flac, qu'il en devint hors d'aleine et luy jura un bon coup qu'une autre fois il la prendroit à son heur, humeur et appetit. Ce conte est meilleur à se l'imaginer et représenter qu'à l'escrire. Voilà donc les raisons de la dame avec plusieurs autres qu'elles ont alléguer. Encore l'homme réplique là-dessus: «Je n'ay point aucun vaisseau ny baschot comme vous avez le vostre, dans lequel je jette un gassouil de pollution et d'ordure (si ordure se doit appeler la semence humaine jettée par mariage et paillardise), qui vous salit et vous y pisse comme dans un pot. – Ouy, dit la dame, mais aussitost ce beau sperme, que vous autres dites estre le sang le plus pur et net que vous avez, je le vous vais pisser incontinent et jetter dans un pot ou bassin, ou en un retrait, et le mêler avec une autre ordure très-puante et sale et vilaine; car de cinq cents coups que l'on nous touchera, de mille, deux mille, trois mille, voire d'une infinité, voire de nul, nous n'engroissons que d'un coup, et la matrice ne retient qu'une fois; car si le sperme y entre bien et y est bien retenu, celuy-là est bien logé, mais les autres fort salaudement nous les logeons comme je viens de dire. Voilà pourquoy il ne faut se vanter de gasouiller de vos ordures de sperme, car, outre celuy-là, que nous concevons, nous le jettons et rendons pour n'en faire plus de cas aussitôt que l'avons receu et qu'il ne nous donne plus de plaisir, et en sommes quittes en disant: Monsieur le potagier, voilà vostre broüet que je vous rends, et le vous claque là; il a perdu le bon goust que vous m'en avez donné premierement. Et notez que la moindre bagasse en peut dire autant à un grand roy ou prince, s'il l'a repassée; qui est un grand mespris d'autant que l'on tient le sang royal pour le plus précieux qui soit point. Vrayment il est bien gardé et logé bien précieusement plus que d'un autre!» Voilà le dire des femmes, qui est un grand cas pourtant qu'un sang si précieux se pollue et se contamine ainsi salaudement et vilainement; ce qui estoit deffendu en la loy de Moyse, de ne le nullement prostituer en terre; mais on fait bien pis quand on le mesle avec de l'ordure très-orde et salle. Encore, si elles faisoyent comme un grand seigneur dont j'ay ouy parler, qui, en songeant la nuict, s'estant corrompu parmy ses linceuls, les fit enterrer, tant il estoit scrupuleux, disant que c'estoit un petit enfant provenu de là qui estoit mort, et que c'estoit dommage et une très-grande perte que ce sang n'eust esté mis dans la matrice de sa femme, dont possible l'enfant fust esté en vie. Il se pouvoit bien tromper par là, d'autant que de mille habitations que le mary fait avec la femme l'année, possible, comme j'ay dit, n'en devient-elle grosse, non pas une fois en la vie, voire jamais, pour aucunes femmes qui sont bréhaignes et stériles, et ne conçoivent jamais; d'où est venu l'erreur d'aucuns mescréants, que le mariage n'avoit esté institué tant pour la procréation que pour le plaisir; ce qui est mal creu et mal parlé, car encore qu'une femme n'engroisse toutes les fois qu'on l'entreprend, c'est pour quelque volonté de Dieu à nous occulte, et qu'il en veut punir et mary et femme, et d'autant que la plus grande bénédiction que Dieu nous puisse envoyer en mariage, c'est une bonne lignée, et non par concubinage; dont il y a plusieurs femmes qui prennent un grand plaisir d'en avoir de leurs amants, et d'autres non, lesquelles ne veulent permettre qu'on leur lasche rien dedans, tant pour ne supposer des enfants à leurs marys qui ne sont à eux, que pour leur sembler ne leur faire tort et ne les faire cocus si la rosée ne leur est entrée dedans, ny plus ny moins, qu'un estomach débile et mauvais ne peut estre offensé de sa personne pour prendre de mauvais et indigestifs morceaux, pour les mettre dans la bouche, les mascher et puis les crascher à terre. Aussi par le mot de cocu, porté par les oiseaux d'avril, qui sont ainsi appelez pour aller pondre au nid des autres, les hommes s'appellent cocus par antinomie13, quand les autres viennent pondre dans leur nid, qui est dans le c.. de leurs femmes, qui est autant à dire leur jetter leur semence et leur faire des enfants. Voilà comme plusieurs femmes ne pensent faute à leurs marys pour mettre dedans et s'esbaudir leur saoul, mais qu'elles ne reçoivent point de leur semence; ainsi sont-elles conscientieuses de bonne façon: comme d'une grande dont j'ay ouy parler, qui disoit à son serviteur: «Esbattez-vous tant que vous voudrez, et donnez-moi du plaisir; mais sur vostre vie, donnez-vous garde de ne rien m'arrouser là dedans, non d'une seule goutte, autrement il vous y va de la vie.» Si bien qu'il falloit bien que l'austre fust sage, et qu'il espiast le temps du mascaret14 quand il devoit venir.

      – J'ay ouy faire un pareil compte au chevalier de Sanzay, de Bretagne, un très-honneste et brave gentilhomme, lequel, si la mort n'eust entrepris sur son jeune age, fust esté un grand homme de mer, comme il avoit un très-bon commencement: aussi en portoit-il les marques et enseignes, car il avoit eu un bras emporté d'un coup de canon en un combat qu'il fit sur mer. Le malheur pour luy fut qu'il fut pris des corsaires, et mené en Alger. Son maistre, qui le tenoit esclave, estoit le grand-prestre de la mosquée de là, qui avoit une très-belle femme qui vint à s'amouracher si fort dudit Sanzay, qu'elle luy commanda de venir en amoureux plaisir avec elle, et qu'elle luy feroit très-bon traittement, meilleur qu'à aucun de ses autres esclaves, mais surtout elle lui commanda très-expressement, et sur la vie, ou une prison très-rigoureuse, de ne lancer en son corps une seule goutte de sa semence, d'autant, disoit-elle, qu'elle ne vouloit nullement estre polluée ny contaminée du sang chrestien, dont elle penseroit offenser grandement et sa loy et son grand prophète Mahomet; et de plus luy commanda qu'encore qu'elle fust en ses chauds plaisirs, quand bien elle luy commanderoit cent fois d'hasarder le pacquet tout à trac, qu'il n'en fist rien, d'autant que ce seroit le grand plaisir duquel elle estoit ravie qui luy feroit dire, et non pas la volonté de l'ame. Ledict Sanzay, pour avoir bon traittement et plus grande liberté, encor qu'il fust chrestien, ferma les yeux pour ce coup à sa loy; car un pauvre esclave rudement traitté et misérablement enchaisné peut s'oublier bien quelquefois. Il obéit à la dame, et fut si sage et si abstraint à son commandement, qu'il commanda fort bien à son plaisir, et moulloit au moulin de sa dame tousjours très-bien, sans y faire couller d'eau; car, quand l'escluse de l'eau vouloit se rompre et se déborder, aussitost il la retiroit, la resserroit et la faisoit escouler où il pouvoit; dont cette femme l'en ayma davantage, pour estre si abstraint à son estroit commandement, encor qu'elle luy criast: «Laschez, je vous en donne toute permission.» Mais il ne voulut onc, car il craignoit d'estre battu à la turque, comme il voyoit ses autres compagnons devant soy. Voilà une terrible humeur de femme; et pour ce il semble qu'elle faisoit beaucoup, et pour son ame qui estoit turque, et pour l'autre qui estoit chrestien, puisqu'il ne se deschargeoit nullement avec elle: si me jura-t-il qu'en sa vie il ne fut en telle peine. Il me fit un autre СКАЧАТЬ



<p>13</p>

Antonomasie.

<p>14</p>

Voyez Ménage, Dict. étym., au mot Mascaret