Récits d'une tante (Vol. 2 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 2 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32348

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СКАЧАТЬ ignoble que la tournure de cette princesse, si ce n'est ses discours. Elle était Bourbon: il nous fallait bien lui rendre des hommages, mais c'était avec dégoût et répugnance.

      Elle traînait à sa suite une fille, aussi disgracieuse qu'elle, et un fils si singulièrement élevé qu'il pleurait pour monter sur un cheval, se trouvait mal à l'aspect d'un fusil, et qu'ayant dû un jour entrer dans un bateau pour passer un bac il en eut des attaques de nerfs. La duchesse de Lucques assurait que les princes espagnols avaient tous été élevés précisément comme son fils. Mon père tâcha de la raisonner à ce sujet, mais ce fut sans autre résultat que de se faire prendre en grippe par elle.

      CHAPITRE IV

      La princesse de Galles. – Fête donnée au roi Murat. – Audience de la princesse. – Notre situation est pénible. – Message de monsieur le duc d'Angoulême. – Inquiétudes pour mon frère. – Marche de Murat. – Il est battu à Occhiobello. – L'abbé de Janson. – Henri de Chastellux.

      Monsieur Hill nous arriva un matin avec une figure encore plus triste que de coutume; sa princesse de Galles était en rade. Sous prétexte de lui céder son appartement, il l'abandonna aux soins de lady William Bentinck, se jeta dans sa voiture et partit pour Turin. Lady William en aurait bien fait autant s'il lui avait été possible. La princesse Caroline s'établit chez monsieur Hill.

      Le lendemain, nous vîmes apparaître dans les rues de Gênes un spectacle que je n'oublierai jamais. Dans une sorte de phaéton, fait en conque marine, doré, nacré, enluminé extérieurement, doublé en velours bleu, garni de crépines d'argent, traîné par deux très petits chevaux pies, menés par un enfant vêtu en amour d'opéra, avec des paillettes et des tricots couleur de chair, s'étalait une grosse femme d'une cinquantaine d'années, courte, ronde et haute en couleur. Elle portait un chapeau rose avec sept ou huit plumes roses flottant au vent, un corsage rose fort décolleté, une courte jupe blanche qui ne dépassait guère les genoux, laissait apercevoir de grosses jambes couvertes de brodequins roses; une écharpe rose, qu'elle était constamment occupée à draper, complétait le costume.

      La voiture était précédée par un grand bel homme monté sur un petit cheval pareil à l'attelage, vêtu précisément comme le roi Murat auquel il cherchait à ressembler de geste et d'attitude, et suivie par deux palefreniers à la livrée d'Angleterre, sur des chevaux de la même espèce. Cet attelage napolitain était un don de Murat à la princesse de Galles qui s'exhibait sous ce costume ridicule et dans ce bizarre équipage. Elle se montra dans les rues de Gênes pendant cette matinée et celles qui suivirent.

      La princesse était dans tout le feu de sa passion pour Murat; elle aurait voulu l'accompagner dans les camps. Il avait dû user d'autorité pour la faire partir. Elle n'y avait consenti qu'avec l'espérance de décider lord William Bentinck à joindre les forces anglaises aux armes napolitaines. Elle ne s'épargnait pas dans les demandes, les supplications, les menaces à ce sujet. On peut juger de quel poids tout cela était auprès de lord William qui, au reste, partit le surlendemain de son arrivée.

      Elle était aussi fort zélée bonapartiste. Cependant elle témoignait bien quelque crainte que l'Empereur ne compromit le Roi, comme elle appelait exclusivement Murat. Elle s'entoura bien vite de tout ce qui était dans l'opposition à Gênes et en fit tant, qu'au bout de quelques jours, le gouvernement sarde la fit prier de chercher un autre asile.

      Pendant le dernier carnaval, qu'elle venait de passer à Naples, elle avait inventé de faire donner un bal de souscription à Murat par les anglais qui s'y trouvaient. La scène se passait dans une salle publique. Au moment où Murat arriva, un groupe, formé des plus jolies anglaises costumées en déesses de l'Olympe, alla le recevoir. Minerve et Thémis s'emparèrent de lui et le conduisirent sur une estrade dont les rideaux s'ouvrirent et montrèrent aux spectateurs un groupe de génies, parmi lesquels figurait une Renommée sous les traits d'une des jolies ladys Harley. Elle tenait un grand tableau. La Gloire, représentée par la princesse, plus ridiculement vêtue encore que les autres, s'avança légèrement, enleva une plume de l'aile de la Renommée et inscrivit, en grandes lettres d'or, sur le tableau qu'elle soutenait, le nom des diverses batailles où Murat s'était signalé. Le public applaudissait en pâmant de rire; la reine de Naples haussa les épaules. Murat avait assez de bon sens pour être impatienté, mais la princesse prenait cette mascarade au sérieux comme une ovation glorieuse pour l'objet de sa passion et pour elle qui savait si dignement l'honorer. J'ai entendu faire la relation de cette soirée à lady Charlotte Campbell, celle des dames de la princesse qui l'a abandonnée la dernière. Elle pleurait de dépit en en parlant, mais son récit n'en était que plus comique. Il fallait avoir l'héroïne sous les yeux pour en apprécier pleinement le ridicule.

      C'était pour tromper le chagrin que lui causait sa séparation d'avec Murat que la princesse de Galles avait inventé de faire habiller un de ses gens, qui le rappelait un peu, précisément comme lui. Ce portrait animé était Bergami, devenu célèbre depuis, et qui déjà (assurait le capitaine du bâtiment qui l'avait amené de Livourne) usurpait auprès de sa royale maîtresse tous les droits de Murat, aussi bien que son costume; mais cela ne passait encore que pour un mauvais propos de marin.

      Il fallut bien aller rendre les hommages, dus à son rang dans l'almanach, à cette princesse baladine. Elle nous détestait dans l'idée que nous étions hostiles au Roi; elle se donna la petite joie d'être fort impertinente. Nous y allâmes avec lady William Bentinck, le jour et l'heure fixés par elle. Elle nous fit attendre longtemps; enfin nous fûmes admises sous un berceau de verdure où elle déjeunait vêtue d'un peignoir tout ouvert et servie par Bergami. Après quelques mots dits à ma mère, elle affecta de ne parler qu'anglais à lady William. Elle fut un peu déconcertée de nous voir prendre part à cette conversation, dont elle pensait nous exclure, et se rabattit à ne parler que des vertus, des talents royaux et militaires de Murat. Bientôt après, elle donna audience à mon père et entama un grand discours sur les succès infaillibles de Murat, sa prochaine jonction avec l'armée de l'empereur Napoléon et les triomphes qui les attendaient. Mon père se prit à rire.

      «Vous vous moquez de moi, monsieur l'ambassadeur?

      – Du tout, madame, c'est Votre Altesse Royale qui veut me faire prendre le change par son sérieux. De tels discours, tenus par la princesse de Galles à l'ambassadeur de France, sont trop plaisants pour qu'elle exige que je les écoute avec gravité.»

      Elle prit l'air très offensé et abrégea l'entrevue. Nous n'étions aucuns tentés de la renouveler. Elle prétendit que mon père avait contribué à lui faire donner l'ordre de partir; rien n'était plus faux. Si le gouvernement avait été stimulé par quelqu'un c'était plutôt par lady William Bentinck qui en était fort importunée. Lord William et monsieur Hill s'étaient soustraits à cet ennui.

      Nous étions dans un état cruel. Rien n'est plus pénible que de se trouver à l'étranger, avec une position officielle, au milieu d'une pareille catastrophe, lorsqu'il faut montrer une sérénité qu'on n'éprouve pas. Personne n'entrait dans nos sentiments de manière à nous satisfaire. Les uns proclamaient les succès assurés de Bonaparte, les autres sa chute rapide devant les alliés et l'humiliation des armes françaises. Il était bien rare que les termes fussent assez bien choisis pour ne pas nous froisser. Aussi, dès que les événements, par leur gravité irrécusable, nous eurent délivrés du tourment de jouer la comédie d'une sécurité que nous n'avions pas conservée un seul instant, nous nous renfermâmes dans notre intérieur, d'où nous ne sortîmes plus.

      Le marquis de Lur-Saluces, aide de camp de monsieur le duc d'Angoulême, arriva porteur de ses dépêches. Le prince chargeait mon père de demander au roi de Sardaigne le secours d'un corps de troupes qui serait entré par Antibes pour le rejoindre en Provence. Il venait d'obtenir un succès assez marqué au pont de la Drôme où, surtout, il avait déployé aux yeux des deux armées une valeur personnelle qui l'avait très relevé СКАЧАТЬ