Récits d'une tante (Vol. 2 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 2 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32348

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СКАЧАТЬ ayant recours à l'obligeance des seigneurs de la Cour, et surtout des ambassadeurs. L'accord qui se trouvait entre les girandoles de celui-ci et le plateau de celui-là fournit un intérêt très vif à la discussion de plusieurs soirées. Enfin arriva le jour du festin; nous étions une vingtaine. Le dîner était bon, magnifique et bien servi. Malgré l'étalage qu'on avait fait et qui me faisait prévoir un résultat ridicule, il n'y eut rien de pareil. Monsieur de Valese en fit les honneurs avec aisance et en grand seigneur. L'ennui et la monotonie sous laquelle succombent les habitants de Turin leur fait saisir avec avidité tout ce qui ressemble à un événement. C'est l'unique occasion où j'aie vu aucuns des membres du corps diplomatique priés à dîner dans une maison piémontaise.

      Les étrangers, comme je l'ai déjà dit, s'arrêtent peu à Turin; il n'y a rien à y voir, la société n'y retient pas et les auberges sont mauvaises.

      Nous vîmes Jules de Polignac passer rapidement, se rendant à Rome. Il y était envoyé par Monsieur. Je crois qu'il s'agissait de statuer sur l'existence des jésuites et surtout de la Congrégation qui, déjà, étendait son réseau occulte sur la France, sous le nom de la petite Église. Elle était en hostilité avec le pape Pie VII, n'ayant jamais voulu reconnaître le Concordat, ni les évêques nommés à la suite de ce traité. Elle espérait que la persécution qu'elle faisait souffrir aux prélats à qui le Pape avait refusé l'investiture pendant ses discussions avec l'Empereur compenserait sa première désobéissance. On désirait que le Pape reconnût les évêques titulaires des sièges avant le Concordat et non démissionnaires comme y ayant conservé leurs droits. Jules allait négocier cette transaction. Le Pape fût probablement très sage car, à son retour de Rome, il en était fort mécontent; il avait pourtant obtenu d'être créé prince romain, cela ne présentait pas de grandes difficultés. Il prolongea son séjour à Turin pendant assez de temps. Les jésuites commençaient à y être puissants; il les employa à se faire nommer chevalier de Saint-Maurice. Je n'ai jamais pu comprendre qu'un homme de son nom, et dans sa position, ait eu la fantaisie de posséder ce petit bout de ruban.

      L'ordre de l'Annonciade est un des plus illustres et des plus recherchés de l'Europe; il n'a que des grands colliers. Ils sont excellences. Le roi de Sardaigne fait des excellences, comme ailleurs le souverain crée des ducs ou des princes; seulement ce titre n'est jamais héréditaire. Quelques places, aussi bien que le collier de l'Annonciade, donnent droit à le porter. Il entraîne toutes les distinctions et les privilèges qu'on peut posséder dans le pays. Je conçois, à la rigueur, quoique cela ne soit guère avantageux pour un étranger, qu'on recherche un pareil ordre; mais la petite croix de Saint-Maurice, dont les chevaliers pavent les rues, m'a semblé une singulière ambition pour Jules. Au reste, quand on a bien voulu, s'appelant monsieur de Polignac, devenir prince du Pape, il n'y a pas de puérile vanité qui puisse surprendre. Cela ne l'empêchait pas de concevoir de très grandes ambitions.

      Quelque accoutumés que nous fussions à ses absurdités, il trouvait encore le secret de nous étonner. Les jeunes gens de l'ambassade restaient ébahis des thèses qu'il soutenait, il faut le dire, avec une assez grande facilité d'élocution; il n'y manquait que le sens commun.

      Un jour, il nous racontait qu'il désirait fort que le Roi le nomme ministre, non pas, ajoutait-il, qu'il se crût plus habile qu'un autre, mais parce que rien n'était plus facile que de gouverner la France. Il ne ferait au Roi qu'une seule condition: il demanderait qu'il lui assurât pendant dix ans les portefeuilles des affaires étrangères, de la guerre, de l'intérieur, des finances et surtout de la police. Ces cinq ministères remis exclusivement entre ses mains, il répondait de tout, et cela sans se donner la moindre peine. Une autre fois, il disait que, puisque la France était en appétit de constitution, il fallait lui en faire une bien large, bien satisfaisante pour les opinions les plus libérales, la lire en pleine Chambre, et puis, la posant sur la tribune, ajouter:

      «Vous avez entendu la lecture de cette constitution; elle doit vous convenir; maintenant il faut vous en rendre dignes. Soyez sages pendant dix ans, nous la promulguerons, mais chaque mouvement révolutionnaire, quelque faible qu'il soit, retardera d'une année cet instant que nous aussi, nous appelons de tous nos vœux.» Et, en attendant Io el rey, s'écriait-il en frappant sur un grand sabre qu'il traînait après lui, car, en sa qualité d'aide de camp de Monsieur, quoiqu'il n'eût jamais vu brûler une amorce ou commandé un homme, il était le plus souvent qu'il lui était possible en uniforme.

      On parlait un soir du mauvais esprit qui régnait en Dauphiné et on l'attribuait au grand nombre d'acquéreurs de biens d'émigrés:

      «C'est la faute du gouvernement, reprit Jules; j'ai proposé un moyen bien simple de remédier à cet embarras. J'en garantissais l'infaillibilité; on ne veut pas l'employer.

      – Quel est donc ce moyen? lui demandai-je.

      – J'ai offert de prendre une colonne mobile de dix mille hommes, d'aller m'établir successivement dans chaque province, d'expulser les nouveaux propriétaires et de replacer partout les anciens avec une force assez respectable pour qu'on ne pût rien espérer de la résistance. Cela se serait fait très facilement, sans le moindre bruit, et tout le monde aurait été content.

      – Mais, mon cher Jules, pas les acquéreurs que vous expropriez, au moins?

      – Mon Dieu! si, parce qu'ils seront toujours inquiets!»

      Ces niaiseries ne vaudraient pas la peine d'être racontées sans la déplorable célébrité qu'a si chèrement acquise le pauvre prince de Polignac. Je pourrais en faire une bien longue collection, mais cela suffit pour montrer la tendance de cet esprit si étroit.

      CHAPITRE III

      Révélation des projets bonapartistes. – Voyage à Gênes. – Expérience des fusées à la congrève. – La princesse Grassalcowics. – L'empereur Napoléon quitte l'île d'Elbe. – Il débarque en France. – Officier envoyé par le général Marchand. – Déclaration du 13 mars. – Mon frère la porte à monsieur le duc d'Angoulême. – Le Pape. – La duchesse de Lucques.

      Mon père avait été chargé de veiller sur les actions des bonapartistes, répandus en Italie, et sur leurs communications avec l'île d'Elbe. Il avait employé à ce service un médecin anglais, nommé Marshall, que le prince régent d'Angleterre faisait voyager en Italie pour recueillir des renseignements sur la conduite, plus que légère, de la princesse sa femme.

      Ce Marshall avait, en 1799, porté la vaccine en Italie; il s'était trouvé à Naples lors des cruelles vengeances exercées par la Cour ramenée de Palerme sur les vaisseaux de l'amiral Nelson. Il était jeune alors et, justement indigné du spectacle hideux de tant d'horreurs, il avait profité de son caractère d'anglais et de l'accès que lui procurait sa position de médecin pour rendre beaucoup de services aux victimes de cette réaction royaliste. Il était resté depuis lors dans des rapports intimes avec le parti révolutionnaire et fort à même de connaître ses projets sans participer à ses trames.

      Une nuit du mois de janvier 1815, il arriva chez mon père très secrètement et lui communiqua des documents qui prouvaient, de la manière la moins douteuse, qu'il se préparait un mouvement en France et que l'empereur Napoléon comptait prochainement quitter l'île d'Elbe et l'appuyer de sa présence. Mon père, persuadé de la gravité des circonstances, pressa Marshall de faire ses communications au gouvernement français. Il se refusa à les donner à aucun ministre. Les cabinets de tous, selon lui, étaient envahis par des bonapartistes, et il craignait pour sa propre sûreté.

      Monsieur de Jaucourt remplaçait par intérim monsieur de Talleyrand et ne répondait à aucune dépêche; la correspondance se faisait par les bureaux, elle était purement officielle. Mon père n'aurait su à quel ministre adresser Marshall qui, d'ailleurs, ne consentait à remettre les pièces qu'il s'était СКАЧАТЬ