Récits d'une tante (Vol. 2 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 2 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32348

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СКАЧАТЬ et fenêtres dans les casernes que les troupes abandonnaient. Les fourgons qui suivent un corps autrichien évacuant un pays allié sont curieux à voir par leur nombre fabuleux et par la multitude d'objets de toute espèce qu'ils contiennent pêle-mêle. Ces convois excitaient la colère des peuples italiens, victimes de ce système de spoliation générale.

      La nouvelle de l'entrée en campagne sur la frontière de Belgique et de la bataille de Ligny livrée le 16 nous parvint avec une grande rapidité à travers la France et à l'aide du télégraphe qui l'avait apportée à Chambéry. Mais il fallut attendre l'arrivée d'un courrier régulier pour nous conter celle de Waterloo. Après celle-là, celles que nous étions contraints à appeler les bonnes nouvelles se succédèrent aussi rapidement que les mauvaises trois mois avant. Il fallait bien s'en réjouir, mais ce n'était pas sans saignement de cœur.

      Le roi de Sardaigne avait la tête tournée de voir le corps piémontais entrer en France avec l'armée autrichienne, et se croyait déjà un conquérant. Sa magnanimité se contentait du Rhône pour frontière. Il donnait bien quelques soupirs à Lyon, mais il se consolait par l'idée que c'était une ville mal pensante.

      J'ai déjà dit qu'il était très accessible; il recevait tout le monde, était fort parlant, surtout dans ce moment d'exaltation. Il n'y avait pas un moine, ni un paysan qu'il ne retînt pour leur raconter ses projets militaires.

      Étant duc d'Aoste, il avait fait une campagne dans la vallée de Barcelonnette et avait conservé une grande admiration pour l'agilité et le courage de ses habitants: aussi voulait-il aller prendre Briançon, par escalade, à la tête de ses Barbets, comme il les appelait. Il développa ce plan au général Frimont lorsqu'il passa pour prendre le commandement en chef de l'armée autrichienne. Bubna, présent à cette entrevue, racontait à faire mourir de rire l'étonnement calme de l'alsacien Frimont cherchant vainement ses yeux pour découvrir ce qu'il pensait de ces extravagances et obligé par sa malice à y répondre seul. Heureusement le Roi se laissa choir d'une chaise sur laquelle il était grimpé pour prendre d'assaut une jarre à tabac placée sur une armoire. Il se fit assez de mal, se démit le poignet, et Briançon fut sauvé.

      Le physique de ce pauvre prince rendait ses rodomontades encore plus ridicules. Il ressemblait en laid à monsieur le duc d'Angoulême. Il était encore plus petit, encore plus chétif; ses bras étaient plus longs, ses jambes plus grêles, ses pieds plus plats, sa figure plus grimaçante; enfin il atteignait davantage le type du singe auquel tous deux aspiraient. Il souffrit horriblement de son poignet qui fut mal remis par une espèce de carabin ramené de Sardaigne. Rossi, un des plus habiles chirurgiens de l'Europe, était consigné au seuil du château pour l'avoir franchi sous le gouvernement français. Toutefois, la douleur se fit sentir; au bout de dix à douze jours, Rossi fut appelé, le poignet bien remis et le Roi soulagé.

      CHAPITRE VI

      Réponse de mon père au premier chambellan du duc de Modène. – Conduite du maréchal Suchet à Lyon. – Conduite du maréchal Brune à Toulon. – Catastrophe d'Avignon. – Expulsion des français résidant en Piémont. – Je quitte Turin. – État de la Savoie. – Passage de Monsieur à Chambéry. – Fête de la Saint-Louis à Lyon. – Pénible aveu. – Gendarmes récompensés par l'Empereur. – Les soldats de l'armée de la Loire. – Leur belle attitude.

      Les forfanteries du Roi et des siens, tout absurdes qu'elles étaient, portaient pour nous un son fort désagréable. Quelques semaines plus tard, mon père eut occasion d'en relever une d'une manière très heureuse. Le duc de Modène vint voir son beau-père; il y eut à cette occasion réception à la Cour. Mon père s'y trouva auprès d'un groupe où le premier chambellan de Modène professait hautement la nécessité et la facilité de partager la France pour assurer le repos de l'Europe. Il prit la parole et du ton le plus poli:

      «Oserai-je vous prier, monsieur le comte, de m'indiquer les documents historiques où vous avez puisé qu'on peut disposer de la France comme s'il s'agissait du duché de Modène?»

      On peut croire que le premier chambellan resta très décontenancé. Cette boutade, qui contrastait si fort avec l'urbanité habituelle de mon père, eut grand succès à Turin où on détestait les prétentions de l'allemand, duc de Modène.

      Les événements de Belgique arrêtèrent la marche des armées françaises en Savoie, et laissèrent le temps aux autrichiens de réunir à Chambéry des forces trop considérables pour pouvoir leur résister. L'occupation de Grenoble, où on ne laissa que des troupes piémontaises, acheva d'enorgueillir ces conquérants improvisés, et je ne sais si le chagrin l'emportait sur la colère en pensant à nos canons tombés entre les pattes des Barbets du Roi. Quoique le fort Barraux tînt toujours, on avait eu soin d'en laisser évader Jules de Polignac qui rejoignit le quartier général de Bubna et assista à l'attaque de Grenoble.

      Ces souvenirs sont très pénibles pour y revenir volontiers; j'aime mieux raconter deux faits qui, selon moi, honorent plus nos vieux capitaines qu'un de ces succès militaires qui leur étaient si familiers. Ils prouvent leur patriotisme.

      Les Alliés admettaient que, partout où ils trouveraient le gouvernement du roi Louis XVIII reconnu avant leur arrivée, ils n'exerceraient aucune spoliation. Mais aussi toutes les places où ils entreraient par force ou par capitulation devaient être traitées comme pays conquis et le matériel enlevé: Dieu sait s'ils étaient experts à tels déménagements; Grenoble en faisait foi.

      L'avant-garde, sous les ordres du général Bubna, s'approchait de Lyon. Monsieur de Corcelles, commandant la garde nationale, se rendit auprès du général, lui offrit de faire prendre à la ville la cocarde autrichienne ou la cocarde sarde, toutes enfin plutôt que la cocarde blanche. Mon ami Bubna, qui, tout aimable qu'il était, n'avait pas une bien sainte horreur pour le bien d'autrui, était trop habile pour autoriser les patriotiques intentions de monsieur de Corcelles, mais il ne les repoussa pas tout à fait. Il lui dit que de si grandes décisions ne s'improvisaient pas; il n'avait point d'instructions à ce sujet, mais il en demanderait. Sans doute, il ne serait pas impossible que la maison de Savoie portât le siège de son royaume à Lyon, tandis que le Piémont pourrait se réunir à la Lombardie. C'était matière à réflexion; en attendant il ne fallait rien brusquer, et il conseillait tout simplement de garder la cocarde tricolore. L'armée autrichienne ferait son entrée le lendemain matin, et il serait temps de discuter ensuite les intérêts réciproques.

      Monsieur de Corcelles retourna à Lyon et courut rendre compte de sa démarche et de sa conversation au maréchal Suchet. Celui-ci le traita comme le dernier des hommes, lui dit qu'il était un misérable, un mauvais citoyen, que, quant à lui, il aimerait mieux voir la France réunie sous une main quelconque que perdant un seul village. Il le chassa de sa présence, lui ôta le commandement de la garde nationale, fit chercher de tout côté Jules de Polignac, monsieur de Chabrol, monsieur de Sainneville (l'un préfet, l'autre directeur de la police avant les Cent-Jours), les installa lui-même dans leurs fonctions et ne s'éloigna qu'après avoir fait arborer les couleurs royales. Bubna les trouva déployées le lendemain à son grand désappointement, mais il n'osa pas s'en plaindre.

      Au même temps, les mêmes résultats s'opérèrent à Toulon avec des circonstances un peu différentes. Le maréchal Brune y commandait. La garnison était exaltée jusqu'à la passion pour le système impérial et la ville partageait ses sentiments. Un matin, à l'ouverture des portes, le marquis de Rivière, l'amiral Ganteaume et un vieil émigré, le comte de Lardenoy, qui était commandant de Toulon pour le Roi, suivis d'un seul gendarme et portant tous quatre la cocarde blanche, forcèrent la consigne, entrèrent au grand trot dans la place et allèrent descendre chez le maréchal avant que l'étonnement qu'avait causé leur brusque apparition eût laissé le temps de les arrêter. Ils parvinrent jusque dans le cabinet où le maréchal était occupé à écrire. Surpris d'abord, il se remit immédiatement, tendit СКАЧАТЬ