Récits d'une tante (Vol. 2 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 2 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32348

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СКАЧАТЬ sur quelque point de l'Italie et se joindre aux troupes de Murat qui armait depuis quelque temps. Les autrichiens n'étaient pas en mesure de s'y opposer, et le général Bubna, fort inquiet, reprochait aux piémontais l'empressement qu'ils avaient eu de faire abandonner leur territoire par les allemands avant d'avoir eu le temps de créer une armée nationale. Le comte de Valese, de son côté, prétendait que, les frais de l'occupation absorbant tous les revenus de l'État, on ne pouvait rien instituer tant qu'elle durait.

      Lord William Bentinck arriva à tire d'aile. Chacun se regardait, s'inquiétait, s'agitait; on s'accusait mutuellement, mais l'incertitude du lieu où débarquerait l'Empereur ne permettait de prendre aucun parti, ni de donner aucun ordre. Le général Bubna fut le premier instruit de sa marche; dès lors, autrichiens, anglais et piémontais, tout se rassura et crut avoir du temps devant soi.

      Bubna demanda à faire entrer ses troupes en Piémont. Monsieur de Valese s'y refusant obstinément, il fut réduit à les faire cantonner sur les frontières de Lombardie; aussi déclara-t-il formellement que, si l'armée napolitaine s'avançait, il resterait derrière le Pô, en laissant le Piémont découvert. Le cabinet sarde tint bon; il ne tarda même pas à admettre l'étrange pensée de pouvoir s'établir dans un état de neutralité vis-à-vis de Napoléon et de Murat. Les rapports avec mon père se ressentirent plus tard de cette illusion. L'ambassadeur sarde fut le seul qui ne rejoignit pas le roi Louis XVIII à Gand.

      Monsieur de Château revint porteur des plus belles promesses de Masséna. Il avait vu arrêter madame Bertrand, arrivant de l'île d'Elbe, et il avait trouvé partout autant d'enthousiasme pour monsieur le duc d'Angoulême que d'indignation contre l'Empereur. Cela était vrai en Provence et dans ce moment. Des nouvelles bien différentes étaient portées sur l'aile des vents. On apprenait avec une rapidité inouïe, et par des voies inconnues, les succès et la marche rapide de Bonaparte.

      Un matin, un officier français, portant la cocarde blanche, se présenta chez mon père et lui remit une dépêche du général Marchand, tellement insignifiante qu'elle ne pouvait pas avoir motivé son envoi. Il était fort agité et demandait une réponse immédiate, son général ayant fixé le moment du retour. Mon père l'engagea à s'aller reposer quelques heures. Tandis qu'il cherchait le mot de cette énigme, d'autant moins facile à deviner que le bruit s'était répandu que le général Marchand avait reconnu l'Empereur, le général Bubna entra chez lui en lui disant:

      «Mon cher ambassadeur, je viens vous remercier du soin que vous prenez de payer le port de mes lettres. Je sais qu'on vous demande cinquante louis pour celle que voici. Elle est du général Bertrand qui m'écrit, par ordre de Napoléon, pour me charger d'expédier sur-le-champ par estafette ces autres dépêches à Vienne pour l'Empereur et pour Marie-Louise. Moi, qui ne suis jamais très pressé, j'attendrai tranquillement une bonne occasion; qu'allez-vous faire de votre jeune homme?»

      Mon père réfléchit un moment, puis il pensa que, s'il le faisait arrêter, ce serait trop grave. Il l'envoya chercher à son auberge, lui intima l'ordre de partir sur-le-champ, en le prévenant que, s'il laissait au gouvernement sarde le temps d'apprendre la manière dont il avait franchi la frontière, il serait arrêté comme espion, et qu'il ne pourrait pas le réclamer.

      L'officier eut l'imprudence de dire qu'il lui faudrait s'arrêter à Turin où il avait des lettres à remettre. Mon père lui conseilla de les brûler et lui donna un passeport qui indiquait une route qui l'éloignait de Turin. Je n'ai plus entendu parler de ce monsieur qui eut l'audace, après cette explication, de réclamer de mon père les cinquante louis que le général Marchand, dans sa lettre ostensible, l'avait prié de lui remettre pour les frais de son voyage. Bubna garda le secret suffisamment longtemps pour assurer la sécurité du courrier. Elle aurait été fort hasardée en ce moment; car les velléités pacifiques du cabinet sarde n'existaient pas alors, et ses terreurs sur les dispositions bonapartistes des piémontais étaient en revanche très exaltées.

      La déclaration du 13 mars fut expédiée à mon père par monsieur de Talleyrand, aussitôt qu'elle eut été signée par les souverains réunis à Vienne. Il la fit imprimer en toute hâte, et, trois heures après son arrivée, mon frère se mit en route pour la porter à monsieur le duc d'Angoulême. Il le trouva à Nîmes. La rapidité avait été si grande qu'elle nuisit presque à l'effet et fit douter de l'authenticité de la pièce. Monsieur le duc d'Angoulême garda mon frère auprès de lui, le nomma son aide de camp, et bientôt après l'envoya en Espagne pour demander des secours qu'il n'obtint pas. Au surplus, si on les avait accordés, ils seraient arrivés trop tard.

      Dans le plan que je me suis fait de noter les plus petites circonstances qui, à mon sens, dessinent les caractères, je ne puis m'empêcher d'en rapporter une qui peut sembler puérile.

      Mon frère avait donc apporté à monsieur le duc d'Angoulême un document d'une importance extrême. Il avait fait une diligence qui prouvait bien du zèle. Sur sa route, il avait semé partout des exemplaires de la déclaration sans s'informer de la couleur des personnes auxquelles il les remettait, ce qui n'était pas tout à fait sans danger. Monsieur le duc d'Angoulême le savait et semblait fort content de lui. Il l'engagea à déjeuner. Rainulphe, ayant fait l'espèce de toilette que comportait la position d'un homme qui vient de faire cent lieues à franc étrier, s'y rendit. À peine à table, les premiers mots de monsieur le duc d'Angoulême furent:

      «Quel uniforme portez-vous là?

      – D'officier d'état-major, monseigneur.

      – De qui êtes-vous aide de camp?

      – De mon père, monseigneur.

      – Votre père n'est que lieutenant général; pourquoi avez-vous des aiguillettes? Il n'y a que la maison du Roi et celle des princes qui y aient droit…; on les tolère pour les maréchaux…; vous avez tort d'en porter.

      – Je ne savais pas, monseigneur.

      – À présent vous le savez, il faut les ôter tout de suite. En bonne justice, cela mériterait les arrêts, mais je vous excuse; que je ne vous en voie plus.»

      On comprend combien un jeune homme comme était alors Rainulphe se trouva déconcerté par une pareille sortie faite en public. Dans les moments où s'il s'animait sur les petites questions militaires jusqu'à se monter à la colère, monsieur le duc d'Angoulême se faisait l'illusion d'être un grand capitaine.

      Le roi de Sardaigne annonça qu'il allait faire une course à Turin; ses ministres et le général Bubna l'accompagnèrent. Le ministre d'Angleterre resta à Gênes ainsi que mon père qui s'y tenait plus facilement en communication avec monsieur le duc d'Angoulême et le midi de la France.

      Bientôt nous vîmes arriver toutes les notabilités que les mouvements de l'armée napolitaine repoussaient du sud de l'Italie. Le Pape fut le premier; on le logea dans le palais du Roi. Je ne l'avais pas vu depuis le temps où il était venu sacrer l'empereur Napoléon; nous allâmes plusieurs fois lui faire notre cour. Il causait volontiers et familièrement de tout. Je fus surtout touchée de la manière digne et calme dont il parlait de ses années de proscription, sans avoir l'air d'y attacher ni gloire ni mérite, mais comme d'une circonstance qui s'était trouvée malheureusement inévitable, s'affligeant que son devoir l'eût forcé à imposer à Napoléon les torts de sa persécution. Il y avait dans tous ses discours une noble et paternelle modération qui devait lui être inspirée d'en haut, car, sur tout autre sujet, il n'était pas à beaucoup près aussi distingué. On sentait que c'était un homme qui recommencerait une carrière de tribulation, sans qu'elle pût l'amener à l'amertume ni à l'exaltation. Le mot sérénité semblait inventé pour lui. Il m'a inspiré une bien sincère vénération.

      Bientôt après, il fut suivi par l'infante Marie-Louise, duchesse de Lucques, plus connue sous le titre de reine d'Étrurie. СКАЧАТЬ