L'oeuvre du divin Arétin, première partie. Aretino Pietro
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Название: L'oeuvre du divin Arétin, première partie

Автор: Aretino Pietro

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/43823

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СКАЧАТЬ peu et pour passer le temps je retournai à la fente où je voyais briller de la lumière, parce que, la nuit étant venue, les Sœurs avaient allumé, et regardant de nouveau je vois que chacun était nu. Et certainement si le Général, les Nonnes et les Novices avaient été vieux, je les assimilerais à Adam et Ève, avec les autres pauvres âmes des limbes. Mais laissons les comparaisons aux sibylles. Le Général fit monter sur une table carrée à laquelle mangeaient les quatre mignonnes chrétiennes d'Antéchrist son bœuf en herbe, c'est-à-dire le joli môme dégingandé tenant un bâton au lieu de trompette. Le jeune homme l'emboucha comme les hérauts font de leur instrument et annonça la joute. Et après le taratantara il dit: «Le grand Soudan de Babylone fait assavoir à tous les vaillants jouteurs qu'ils aient sur-le-champ à comparaître dans la lice, les lances en arrêt, et à celui qui en rompra le plus, il sera donné un rond sans poil, duquel il jouira toute la nuit, et Amen.»

      Antonia.– Belle proclamation! Son maître avait dû lui en rédiger la minute; continue, Nanna.

      Nanna.– Voici les jouteurs en ordre de bataille, et ayant fait une quintaine33 du séant de cette noireaude un peu bigle qui auparavant mangeait du verre à bouche que veux-tu, ils tirèrent au sort, et la première course échut au trompette qui faisant sonner un de ses compagnons, et tandis qu'il se mouvait, s'éperonnant lui-même les doigts, enfonça sa lance jusqu'à la garde dans l'écu de son amie, et comme le coup en valait trois, il fut très loué.

      Antonia.– Ah! ah! ah!

      Nanna.– Après lui, le Général, désigné par le sort, s'élança et courant la lance en arrêt enfila l'anneau de celui qui l'avait enfilé à la Sœur. Ensuite, ils restèrent là, immobiles comme des bornes entre deux champs. La troisième course échut à une Nonne et n'ayant pas de lance de sapin, elle en prit une de verre et au premier choc l'enfonça derrière le Général, se fourrant elle-même pour le bon motif les ventouses dans la pénillière.

      Antonia.– Grand Dieu lui soit advenu!

      Nanna.– Puis ce fut le second novice, qui vint à son tour et ficha la flèche dans la cible du premier coup, et l'autre Nonne, contrefaisant sa camarade au moyen de la lance à deux pelotes la plongea dans l'utriusque du jeune homme, qui se tortilla comme une anguille en recevant le coup. Vinrent la dernière et le dernier, et il y eut de quoi rire, parce que celle-ci ensevelit le berlingot dont elle s'était munie le matin à dîner dans le sillon de sa compagne. Et lui, demeuré derrière tout le monde, lui planta sa hampe par derrière, de façon qu'ils paraissaient une brochette d'âmes damnées que Satan menait rôtir pour le carnaval de Lucifer.

       Antonia.– Ah! ah! ah! Quelle fête!

      Nanna.– La bigle était une Sœur très amusante et pendant que chacun poussait et se démenait, elle disait les plus douces bouffonneries du monde. Et moi, entendant cela, je ris si fort qu'on m'entendit et, étant entendue, je me retirai un peu en arrière et après un certain temps quelqu'un ayant grondé je retournai à mon observatoire, que je trouvai couvert d'un drap, et je ne pus voir la fin de cette joute, ni à qui on avait donné le prix.

      Antonia.– Tu me sautes le plus beau.

      Nanna.– Je ne te le saute que parce que je l'ai sauté moi-même. Et cela me déplut au possible de ne pas voir faire la semence aux fèves et aux châtaignes. Mais pour tout te dire, pendant que j'étais furieuse de mes rires qui m'avaient privée de ma place au prêche, j'entendis de nouveau…

      Antonia.– Qu'entendis-tu? Dis vite!

      Nanna.– Je pouvais voir trois chambres par les fentes de la mienne.

      Antonia.– Les murs n'étaient donc que des fentes? Cela me dégoûte des cribles.

      Nanna.– Je crois qu'on ne prenait pas beaucoup de soin de les boucher et je pense que les Nonnes avaient plaisir à se voir l'une l'autre. Quoi qu'il en soit, j'entends souffler, soupirer, grogner, renacler si haut qu'on eût dit que cela venait de dix personnes se lamentant en songe. Et attentive j'écoute (en face de la cloison qui me séparait de la pièce où l'on joutait), j'écoute et j'entends chuchoter. Je mets l'œil à la fissure et j'aperçois, les jambes en l'air, deux mignonnes petites Sœurs, grassouillettes, toutes fraîches, avec quatre belles cuisses blanches et rondes qui paraissaient de lait caillé tant elles étaient tremblotantes. Et chacune tenant en main sa carotte de verre, l'une commença à dire: «Quelle folie de croire que notre appétit puisse se rassasier au moyen de ces saletés-là! Elles n'ont ni baisers, ni langue, ni mains à poser sur les touches. Et quand bien même elles en auraient, si nous éprouvons de la jouissance avec des simulacres, que serait-ce avec les objets mêmes en vie? Nous pourrions bien nous dire de bien pauvres filles si nous consumions notre jeunesse avec des bouts de verre.» – «Sais-tu, ma sœur, répondait l'autre, je te conseille de venir avec moi.» – «Et où vas-tu?» dit-elle. – «Moi, à la tombée de la nuit, je veux me sauver et m'en aller à Naples, avec un jeune homme qui a un camarade, son frère juré, qui ferait ton affaire. Sortons donc de cette caverne, de cette sépulture et jouissons de notre âge comme doivent jouir les femmes.» Mais il fallut peu de paroles à l'amie, qui était facile à persuader. L'offre acceptée, elles jetèrent ensemble les cédrats de verre contre le mur, tâchant de couvrir le bruit qu'ils faisaient en se brisant par les cris de: «Aux chats! aux chats!» feignant qu'ils eussent cassé des carafes et tout ce qui se trouvait dans la pièce. Elles sautent à bas du lit, avant tout font un paquet de leurs meilleures hardes, puis sortent de la chambre. J'en étais là, quand voici un tapage très étrange de claques, d'Hélas! de Malheureuse que je suis! d'égratignements de visages, de cheveux arrachés et d'habits déchirés. Ma parole d'honneur! j'aurais cru qu'il y avait le feu au clocher. Je vais mettre l'œil aux interstices des briques, et je vois que c'est cette Paternité de Madame l'Abbesse qui fait les lamentations de l'apôtre Jérémie.

      Antonia.– Comment? l'Abbesse!

      Nanna.– La dévote mère des Nonnes et la protectrice du monastère.

      Antonia.– Qu'avait-elle?

      Nanna.– Autant que je puis le savoir, elle avait été assassinée par le confesseur.

      Antonia.– De quelle façon?

      Nanna.– Au plus beau moment de l'histoire, il avait retiré le bouchon de la bouteille, il voulait le mettre dans le vase à civette. La pauvrette, à qui l'eau était venue à la bouche, toute en luxure, toute en jus, agenouillée à ses pieds, le conjurait par les Stigmates, par les Douleurs, par les sept Allégresses, par le Pater noster de saint Julien, par les Psaumes pestilentiels34, par les trois Mages, par les Étoiles, par les Santa Santorum; mais elle ne put jamais obtenir que le Néron, le Caïn, le Judas, lui plantât son poireau dans le jardinet. Au contraire, avec le visage d'un Marforio tout vénéneux, il la força, du geste et de la voix, à lui tourner le dos, et lui ayant fait mettre la tête sur le poêle, soufflant comme un aspic sourd, avec l'écume à la bouche comme l'orque35, il lui ficha son plantoir dans la fosse restauratrice.

      Antonia.– Scélérat!

      Nanna.– Et il prenait un plaisir digne de mille potences à l'ôter, à le remettre, riant à ce je ne sais quoi qu'il entendait à l'entrée et au sortir du pieu; bruit assez semblable à ce lof lof et taf que font les pieds des pèlerins qui trouvent en route de la glaise visqueuse qui souvent leur arrache les escarpins.

      Antonia.– Qu'il soit écartelé!

      Nanna.– L'inconsolée, СКАЧАТЬ



<p>33</p>

L'inguintana ou la quintana, c'est-à-dire la quintaine, c'était en Italie, et surtout en Toscane, un anneau de fer suspendu en l'air et que l'on s'efforçait d'enfiler avec la lance. En France, on appelait cela «courir à la bague» et l'on sait ce que l'on y nommait une quintaine.

<p>34</p>

Pénitentiels.

<p>35</p>

Monstre marin très vorace. On connaît l'épigramme de François Boussuet, de Orca:

Orcae, Balænæ que immania corpora pontiUtraeque inter se bella cruenta movent.Se Balaenae igitur maris in secreta receptant,Nam fœtis uteri est cura, timorque sui.Prœdae avidae norunt Orcae id gravidasque lacessunt,Ast hae victæ uteri pondere sæpe ruuntPraepediuntur enim, spes quippe fuga omnis in una.Balaenis siquidem vis minor omnis inest.Orcae igitur miseras truculentis dentibus urgent,Et vivos fœtus cum genitrice vorant.

Il s'agit de l'épaulard, qu'on appelle aussi l'orque, Orca, et qui à cause de ce nom est fort souvent cité comme un monstre infernal par confusion avec l'orque qui est l'enfer même (Orcus).