L'oeuvre du divin Arétin, première partie. Aretino Pietro
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Название: L'oeuvre du divin Arétin, première partie

Автор: Aretino Pietro

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/43823

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СКАЧАТЬ que ton père, qui était compagnon du guet, l'épousa par amour.

      Nanna.– Ne me rappelle pas mon chagrin. Rome ne fut plus Rome du jour où elle resta veuve de ce couple si bien assorti. Et pour en revenir au fait… Le premier jour de mai, Monna Marietta (c'est ainsi que se nommait ma mère), bien que par plaisanterie on l'appelât la belle Tina, et ser Barbieraccio (ce nom était celui de mon père), ayant réuni toute la parenté, et oncles et grands-pères, et cousins et cousines, et neveux et frères, avec une bande d'amis et d'amies, me menèrent à l'église du monastère. J'étais vêtue tout entière de soie, tout environnée du parfum de l'ambre gris, avec une coiffe d'or sur laquelle était posée la couronne de virginité, tressée de fleurs roses et violettes, avec des gants parfumés, avec des mules de velours, et, si je me souviens bien, c'était à la Pagnina, qui entra, il y a peu de temps, chez les Repenties, qu'appartenaient les perles que je portais au cou et les robes que j'avais sur le dos.

      Antonia.– Elles ne pouvaient être à une autre.

      Nanna.– Et, attifée vraiment comme une fiancée, j'entrai dans l'église où se trouvaient des milliers et des milliers de personnes qui, toutes, se tournèrent vers moi aussitôt que j'apparus. L'un disait: «Quelle belle épousée aura le Seigneur Dieu!» Un autre disait: «Quel dommage de faire Nonne une aussi belle fille!» Un autre me bénissait, un autre me buvait des yeux, un autre me disait: «Le bon an la réserve à quelque frère!» Mais je n'entendais pas malice au sujet de telles paroles. J'ouïs certains soupirs qui avaient quelque chose de bestial, et je reconnus bien au son qu'ils sortaient du cœur d'un de mes amants, qui pleura durant tout l'office.

      Antonia.– Quoi! tu avais des amants avant que tu ne te fisses Religieuse?

      Nanna.– Sotte qui n'en aurait pas eu; mais en tout bien, tout honneur. A ce moment, on me fit asseoir au premier rang, devant toutes les femmes, et bientôt commença la messe chantée; puis je fus placée, à genoux, entre ma mère Tina et ma tante Ciampolina. Un clerc, accompagné par les orgues, chanta un motet, et, après la messe, mes robes monacales, qui étaient sur l'autel, ayant été bénies, le prêtre qui avait dit l'Épître et celui qui avait dit l'Évangile me relevèrent et me firent remettre à genoux sur les degrés du maître-autel. Alors celui qui avait dit la messe me donna l'eau bénite et, ayant chanté, avec les autres ecclésiastiques, le Te Deum laudamus, avec peut-être cent sortes de psaumes, ils me dépouillèrent des mondanités et me vêtirent de l'habit spirituel. Les gens, s'écrasant les uns les autres, faisaient un vacarme qui ressemblait à celui qu'on entend à Saint-Pierre et à Saint-Jean quand quelqu'une, ou par folie, ou par désespoir, ou par malice, se fait emmurer, comme je l'ai fait une fois moi-même20.

      Antonia.– Oui, oui, il me semble te voir avec cette foule autour de toi.

      Nanna.– Les cérémonies finies et l'encens m'ayant été donné avec le Benedicamus, et avec l'Oremus, et avec l'Alleluia, il s'ouvrit une porte qui fit le même grincement que font les troncs des aumônes, et alors on me redressa sur mes pieds et on me mena à cette issue, où vingt Sœurs, avec l'Abbesse, m'attendaient; et aussitôt que je la vis, je lui fis une belle révérence et elle me baisa sur le front, dit je ne sais quelles paroles à mon père et à ma mère et à tous mes parents qui pleuraient à qui mieux mieux. Et, tout d'un coup, la porte s'étant refermée, j'entendis un «hélas!» qui fit frémir chacun.

      Antonia.– Et d'où venait cet hélas?

      Nanna.– De mon pauvre petit amant qui, dès le jour suivant, se fit Frère des Socques ou Ermite du Sac, sauf erreur.

      Antonia.– Le malheureux!

      Nanna.– La clôture de la porte fut si rapide que je n'eus pas le temps de dire même adieu aux miens: je crus certes entrer toute vive dans une sépulture et je pensai voir des femmes mortes dans les disciples et dans les jeûnes; et je ne pleurais plus au sujet de mes parents, mais sur moi-même. Et allant avec les yeux fixés à terre et avec le cœur préoccupé de ce qui allait advenir de moi, j'arrivai au réfectoire, où une foule de Sœurs accoururent m'embrasser et m'appelant leur sœur, gros comme le bras, me firent relever un peu le visage!

      Ayant vu quelques visages frais, clairs et colorés, je repris courage; et les regardant avec plus d'assurance, je disais en moi-même: Certainement, les diables ne doivent pas être aussi laids qu'on les dépeint. Là-dessus, il entra une troupe de frères, de prêtres accompagnés de quelques séculiers. C'étaient les plus beaux jeunes gens, les plus polis et les plus gais que j'eusse jamais vus; et chacun d'eux prenant son amie par la main, on eût dit des Anges menant les ballets célestiaux21.

      Antonia.– Ne parle pas du ciel.

      Nanna.– On eût dit des amoureux folâtrant avec leurs nymphes.

      Antonia.– Voici une comparaison plus licite. Continue.

      Nanna.– Et les ayant prises par la main, ils leur donnaient les plus doux baisers du monde et ils s'efforçaient de les donner le plus emmiellés possible.

      Antonia.– Et qui les donnait avec le plus de sucre, à ton avis?

      Nanna.– Les Frères sans aucun doute.

      Antonia.– Pour quelle raison?

      Nanna.– Pour les raisons qu'allègue la Putain errante de Venise22.

      Antonia.– Et puis?

      Nanna.– Et puis, tous s'assirent à une des plus délicates tables qu'il me parut avoir jamais vues. A la place d'honneur, on voyait l'Abbesse ayant à sa gauche messire l'Abbé: après l'Abbesse venait la Trésorière et près d'elle le Bachelier; en face d'eux était assise la Sacristine, et à son côté se tenait le Maître des novices. Suivaient une sœur, un frère et un séculier, et au bas de la table se tenaient je ne sais combien de clercs et d'autres moinillons. Je fus placée entre le Prédicateur et le Confesseur du monastère. Et alors arrivèrent les mets d'une telle qualité que le Pape, osé-je dire, n'en mangea jamais de pareils. Dans le premier assaut, les caquets furent laissés de côté, de manière qu'il semblait que le silence inscrit là où les moines absorbent leur pitance eût pris possession de la bouche de chacun et même des langues, car les bouches faisaient le même murmure que font celles des vers à soie ayant fini de croître quand, ayant longtemps jeûné, ils dévorent les feuilles de cet arbre sous l'ombre duquel avait coutume de se divertir ce pauvret de Pyrame et cette pauvre petite Thisbé; que Dieu les accompagne là-haut, comme il les accompagna ici-bas.

      Antonia.– Tu veux parler sans doute des feuilles du mûrier blanc?

      Nanna.– Ah! ah! ah!

      Antonia.– Que signifie ce rire?

      Nanna.– Je ris d'un goinfre de frère, Dieu me le pardonne, qui, tandis qu'il broyait avec deux meules et qu'il avait les joues gonflées comme celui qui sonne de la trompe, mit la bouche au goulot d'un fiasque et le vida tout entier.

      Antonia.– Seigneur, étouffe-le!

      Nanna.– Et commençant à se rassasier, ils commencèrent à bavarder et, au milieu du dîner, il me semblait être dans le marché de Navone, où l'on entend de toutes parts le bruit des marchandages que font celui-ci et celui-là, avec celui-là et avec ce juif… Et étant déjà rassasiés, ils choisissaient les pointes des ailes de poule, et quelques crêtes, ou bien СКАЧАТЬ



<p>20</p>

La Nanna raconte ce trait dans le troisième Dialogue.

<p>21</p>

Le Talmud appelle les anges Maîtres de danse.

<p>22</p>

Il s'agit évidemment du poème de l'Arétin contre l'Elena Ballerina, poème attribué à Lorenzo Venerio et publié sous le nom de son fils Maffeo Venerio, évêque de Corfou. Voici ces raisons qui sont au chant III:

«Concluons donc qu'un grand cas bien ferme,«D'un vaillant homme de frère dans toute la force de sa jeunesse«Quand le bouillon et le vin l'ont échauffé,«Alors qu'il n'est ni hiver ni été,«Et quand le rut le rend entreprenant et hardi,«Les coups qu'il donne sont tellement sans arrière-pensée«Que je voudrais, verbi gratia, de temps en temps,«Qu'il fût tout cas et moi toute mirely.»

Ce dernier trait est tout arétinesque, on le retrouvera dans les Sonnets.