L'oeuvre du divin Arétin, première partie. Aretino Pietro
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Название: L'oeuvre du divin Arétin, première partie

Автор: Aretino Pietro

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/43823

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СКАЧАТЬ tous pour voir la sage Supérieure des Nonnes prendre les choses du bon côté et convier à souper et à coucher avec elle le vaillant homme qui, pour ne pas s'épuiser, se mit une nuit à parler et fit courir tout le pays au miracle, d'où le monastère fut canonisé comme saint.

      Antonia.– Ah! ah! ah!

      Nanna.– Dans la troisième, si je me souviens bien, étaient représentées toutes les sœurs qui avaient appartenu à cet ordre, ayant auprès d'elles leurs amants et les enfants nés d'elles, avec les noms de chacun et de chacune.

      Antonia.– Le beau mémorial!

      Nanna.– Dans le dernier cadre étaient peintes toutes postures possibles à l'homme qui veut avoir commerce avec une femme ou à la femme qui veut faire l'amour avec un homme. Et les Nonnes, avant d'entrer en lice avec leurs amis, sont obligées de s'essayer de réaliser en tableaux vivants les scènes qui y sont représentées; cela se fait pour qu'elles n'aient point l'air emprunté une fois dans le lit, comme quelques-unes qui demeurent là, en quatre, sans odeur et sans saveur, et qui en goûte ressent le plaisir que donne un potage aux fèves, sans huile ni sel.

      Antonia.– Il leur faut donc une maîtresse qui enseigne l'escrime?

      Nanna.– Il y a bien la maîtresse qui montre à celle qui l'ignore comment on doit se tenir dans le cas où la luxure stimule l'homme au point qu'il veuille chevaucher sur une caisse, sur des marches d'escalier, sur une chaise, sur une table ou sur le pavé. Et cette même patience que possède celui qui enseigne un chien, un perroquet, un étourneau et une pie, il faut qu'elle l'ait celle qui enseigne les attitudes aux bonnes Sœurs; et la dextérité des escamoteurs est moins difficile à acquérir que l'art de forcer l'oiseau à se dresser sur ses pattes, même s'il ne veut pas.

      Antonia.– Vraiment?

      Nanna.– Très certainement. Quand on en eut assez de regarder la peinture, de discuter et de plaisanter, comme disparaît la rue devant les Barberi qui courent le palio, ou pour mieux dire la viande de vache devant ceux qui mangent relégués à l'office ou bien les figues devant la faim du paysan, ainsi disparurent les Nonnes, les Frères, les prêtres, les séculiers, ne laissant même pas les enfants de chœur, ni les moinillons, ni même celui qui avait apporté les machines de verre. Il ne resta avec moi que le Bachelier et, me sentant seule, je restai muette, presque tremblante: «Sœur Christine, me dit-il (c'est ainsi qu'on m'avait rebaptisée dès que j'eus pris le voile), c'est à moi qu'il incombe de vous mener à cette cellule en laquelle l'âme se sauve dans les triomphes du corps.» Je voulus d'abord faire des manières; c'est pourquoi, toute confite de maintien, je ne lui répondis rien. Il me prit alors la main avec laquelle je tenais le saucisson de verre, et c'est tout juste si je ne le laissai pas tomber à terre. Je ne pus me retenir de le guigner de l'œil, si bien que le bon Père s'enhardit à m'embrasser, et moi, qui suis née d'une mère miséricordieuse et non d'une pierre, je restai ferme, le regardant en dessous.

      Antonia.– Sagement.

      Nanna.– Et ainsi je me laissai guider par lui comme l'aveugle par son chien. Quoi de plus? Il me conduisit dans une petite chambre placée au milieu de toutes les chambres, lesquelles n'étaient séparées entre elles que par de simples cloisons. Et les interstices du mur étaient si mal bouchés que pour peu qu'on y mît l'œil, on pouvait voir ce que l'on faisait dans chacune. Arrivée là, le Bachelier ouvrait la bouche pour me dire (à ce que je crois) que mes beautés surpassaient celles des fées; et avec cela: «Mon âme, sang chéri, douce vie», et le reste de la Philostrocole26, par là-dessus. Il s'apprêtait même à me jeter sur le lit à sa discrétion, quand voici un tic, toc, tac, tel que le Bachelier et quiconque du monastère l'ouït ne s'en épouvanta pas autrement que ne fait une multitude de rats rassemblés autour d'un tas de noix quand on ouvre à l'improviste la porte d'un grenier. Affolés par la frayeur, ils ne se rappellent plus où ils ont laissé leur trou. Ainsi les compagnons, cherchant à se cacher, se heurtant l'un l'autre, s'égaraient tout en voulant se cacher au Saffrugant27, car c'était le Saffrugant de l'Évêque, protecteur du monastère, qui, avec son tic, tac, toc, nous avait épouvantés comme une voix, le jet d'un caillou épouvantent les grenouilles posées, la tête haute, sur une motte de terre, dans l'herbe, et à ce bruit elles se précipitent dans l'eau presque toutes ensemble. Peu s'en fallut que, passant par le dortoir, il n'entrât dans la chambre de l'Abbesse qui, avec le Général, réformait les vêpres à l'usage particulier de ses Religieuses. La Cellerière nous le raconta, il avait déjà levé la main pour heurter à la porte, et chaque chose, lorsqu'il l'oublia, parce qu'à ses pieds vint s'agenouiller une Nonnette aussi experte dans le chant figuré que la Drusiana de Buovo d'Antona28.

      Antonia.– Oh! quelle belle fête s'il était entré là-dedans. Ah! ah! ah!

      Nanna.– Mais l'occasion se laissa prendre par les cheveux tout le long de ce jour-là, te dis-je, parce qu'à peine s'était assis le Suffragant…

      Antonia.– Maintenant tu dis bien.

      Nanna.– Voici un Chanoine, c'est-à-dire le Primocier29, qui lui apportait la nouvelle que l'Évêque n'était pas loin. L'autre se leva et se rendit en toute hâte à l'évêché pour se préparer à aller à sa rencontre. Il nous ordonna de manifester avant tout notre allégresse par les cloches. A peine avait-il mis le pied hors du seuil que chacun retourna peu à peu à ses affaires. Le Bachelier, seul, fut forcé d'aller, au nom de l'Abbesse, baiser la main de Sa Révérendissime Seigneurie. Et retournant auprès de leur bonne amie, ils avaient l'air d'étourneaux qui retournent à l'olivier d'où viennent de les chasser les oh! oh! oh! du paysan qui se sent becqueter le cœur quand on lui becquète une olive.

       Antonia.– J'attends que tu viennes au fait comme les bambins attendent la nourrice pour qu'elle leur mette la mamelle en bouche, et le retard me paraît plus cruel que le samedi saint à qui pèle les œufs après avoir fait le Carême.

      Nanna.– Venons-en à quia. Étant restée seule et déjà amoureuse du Bachelier, car il ne me paraissait pas licite de vouloir contrevenir aux usages du monastère, je pensais aux choses entendues et vues depuis cinq ou six heures que j'y étais entrée, et tenant toujours en main le pilon de verre, je me mis à l'examiner de l'œil de qui voit pour la première fois cette si terrible gargouille en forme de lézard qui fait partie de l'église del Popolo. J'en étais plus émerveillée que de ces arêtes monstrueuses du poisson qui était resté à sec à Corneto. Je ne pouvais m'imaginer pourquoi les Sœurs faisaient tant de cas de cet objet. Et au milieu de ce débat de pensées, j'entends résonner quelques éclats de rire si violents qu'ils auraient ragaillardi un mort. Le bruit ne faisant qu'augmenter, je résolus de voir d'où partait ce rire, et me mettant debout, j'approchai l'oreille d'une fissure, et comme on voit mieux dans l'obscurité avec un œil qu'avec deux, je fermai le gauche et fixant avec le droit dans le trou qui était entre deux briques, j'aperçois… Ah! ah! ah!

      Antonia.– Que vis-tu? Dis-le-moi, de grâce!

      Nanna.– Je vis dans une cellule quatre Sœurs, le Général et trois moinillons de lait et de sang en train de dépouiller le Révérend Père de sa tunique et de le revêtir d'un pourpoint de velours; ils couvrirent sa tonsure d'une calotte d'or, sur laquelle ils posèrent une barrette de velours, pleine de pendeloques de cristal, ornée d'un panache blanc; ils lui ceignirent enfin l'épée au côté, après quoi le bienheureux Général, soit dit en parlant pour toi et pour moi, se mit à se promener de l'air d'un Bartholomeo Coglioni30. Pendant ce temps-là, les Sœurs avaient quitté leurs cotillons, et les Novices leurs СКАЧАТЬ



<p>26</p>

Pour Philocole. Cette amplification de l'histoire de Flor et Blanchefor est le premier ouvrage de Boccace.

<p>27</p>

Suffragant. La Nanna estropie beaucoup de mots.

<p>28</p>

Bovo d'Antona: chanson de geste anonyme de la fin du xiie siècle; c'est une imitation de la chanson de geste française Beuves d'Hanstonne, dont il y a plusieurs versions et qu'on attribue à Bertrand de Bar-sur-Aube. L'Arétin connaissait les Reali di Francia, ces Royaux de France déjà populaires en Italie de son temps et où l'on trouve Bovo d'Antona. La belle Drusania, la fille du roi d'Arménie, l'amante et puis l'épouse de Bovo, faisait sonner la harpe et chantait à merveille; l'ayant perdu sur la rive de la mer, elle se fit reconnaître rien qu'en chantant.

<p>29</p>

Primicier.

<p>30</p>

Pour Colleoni, fameux condottiere bergamasque, qui s'illustra au service de Venise. Il est un des premiers qui aient fait usage du canon. Il mourut en 1475.

Allusion à sa mine fière sur le monument équestre, élevé à Venise, en 1495, par Alexandro Leopardo qui l'avait fondu d'après le modèle d'Andrea del Verrochio.

Allusion aussi à la galante réputation des Colleoni. Dans cette famille les mâles passaient tous pour être pourvus de trois testicules. Dissertant sur le droit que l'on a ou que l'on devrait avoir de changer de nom, Casanova de Seingalt observe: Les seuls Colleoni, de Bergame, seraient embarrassés de changer de nom, car ils seraient en même temps obligés de changer le signe de leurs armoiries, puisqu'ils ont sur l'écu de leur ancienne famille les deux glandes génératrices et de détruire par là la gloire de Bartholomeo leur aïeul.