Résurrection (Roman). León Tolstoi
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Читать онлайн книгу Résurrection (Roman) - León Tolstoi страница 24

Название: Résurrection (Roman)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Философия

Серия:

isbn: 4064066373573

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СКАЧАТЬ d’en juger, devait être d’environ quarante ans;

      3° Le cadavre, au moment de l’examen, était très gonflé;

      4° Les veines étaient d’une couleur verdâtre, parsemées de taches noires;

      5° La peau était soulevée sur toute la surface du corps, et pendante en plusieurs endroits;

      6° Les cheveux, d’un roux sombre et très épais, se détachaient de la peau au moindre contact du doigt;

      7° Les yeux sortaient de l’orbite et la cornée était ternie;

      8° Des narines, des deux oreilles et de la bouche entr’ouverte, découlait un pus mousseux et fétide;

      9° Le cadavre n’avait presque pas de cou, par suite du gonflement de la face et du buste;

      l0° Etc., etc…

      Sur quatre pages s’étalait ainsi, en vingt-sept points, la description de tous les détails notés au sujet du cadavre gonflé du joyeux Smielkov, qui avait profité de son séjour dans la ville pour s’amuser tout son soûl. Et l’invincible sentiment de dégoût qu’éprouvait Nekhludov s’accrut encore sous l’effet de cette lecture macabre. La vie de Katucha, et le pus découlant des narines du marchand, et ces yeux sortis de leurs orbites, et la façon dont lui-même jadis s’était conduit envers la jeune fille, tout cela lui paraissait former un ensemble ignoble et écœurant.

      Quand enfin la lecture de l’examen extérieur fut achevée, le président poussa un soupir de soulagement et releva la tête; mais aussitôt le greffier se mit à lire un second document, le procès-verbal de l’examen intérieur du cadavre.

      Le président laissa de nouveau retomber sa tête et, s’accoudant sur la table, plaça ses mains devant ses yeux. Le marchand jovial, assis près de Nekhludov, faisait de vigoureux efforts pour échapper au sommeil, et, de temps à autre, baissait la tête en avant, d’un mouvement brusque; les prévenus eux-mêmes et les gendarmes qui les gardaient se tenaient immobiles, envahis d’une somnolence.

      L’examen intérieur du cadavre avait montré que:

      1° La peau de l’enveloppe du crâne était légèrement séparée des os, sans qu’il y eût aucune trace d’hémorragie;

      2° Les os du crâne étaient de dimension normale, et intacts;

      3° Sur l’enveloppe du cerveau se voyaient deux petites taches, d’environ quatre pouces, etc., etc… Il y avait encore treize autres points du même genre.

      Suivaient les noms des témoins de l’enquête, leurs signatures, et enfin les conclusions du médecin-expert, déclarant que, des changements produits dans l’estomac, les intestins, et les reins du marchand Smielkov, on pouvait inférer, suivant toute vraisemblance, que Smielkov était mort de l’absorption d’un poison, avalé par lui en même temps que de l’eau-de-vie. Quant à dire exactement le nom du poison, cela était impossible; et, quant à l’hypothèse que le poison avait été absorbé en même temps que l’eau-de-vie, cette hypothèse se fondait sur la grande quantité d’eau-de-vie contenue dans l’estomac du marchand.

      — Hé! On voit qu’il buvait ferme! — murmura de nouveau à l’oreille de Nekhludov son voisin le marchand, soudain réveillé.

      La lecture de ces procès-verbaux avait duré près d’une heure; mais le substitut du procureur était insatiable. Quand le greffier eut fini de lire les conclusions du médecin-expert, le président dit, en se tournant vers le substitut:

      — Je crois qu’il n’y a pas d’utilité à lire les résultats de l’analyse des viscères!

      — Pardon, je demande que lecture en soit faite! — dit, d’un ton sévère, sans regarder le président, le représentant du ministère public, en même temps qu’il se penchait légèrement sur le côté; et son ton de voix donnait à entendre que c’était son droit d’exiger cette lecture, et qu’il ne renoncerait à son droit pour rien au monde, et que le refus de cette lecture serait un motif de cassation du procès.

      Le juge à la grande barbe se sentait de nouveau dérangé par son catarrhe d’estomac.

      — Pourquoi cette lecture? — demanda-t-il au président. Cela ne servira qu’à nous faire perdre du temps! Le juge aux lunettes dorées, lui, ne disait rien. Il regardait devant lui, d’un air sombre et décidé, en homme qui n’attendait rien de bon ni de sa femme en particulier, ni de la vie en général.

      Et la lecture de l’acte commença:

      «Le 15 décembre 188…, nous, soussigné, sur l’ordre de l’inspection médicale, et en vertu de l’article…, — le greffier s’était remis à lire d’un ton résolu, élevant le diapason de sa voix, comme pour vaincre sa propre somnolence et celle de la salle entière, — en présence du délégué de la susdite inspection médicale, avons procédé à l’analyse des objets dénommés ci-dessous:

      «1° Du poumon droit et du cœur (enfermés dans un bocal de verre de six livres);

      «2° Du contenu de l’estomac (enfermé dans un bocal de verre de six livres);

      «3° De l’estomac (enfermé dans un bocal de verre de six livres);

      «4° Du foie, de la rate et des reins (enfermés dans un bocal de verre de trois livres);

      «5° Des intestins (enfermés dans un bocal de verre de six livres)…»

      À cet endroit de la lecture, le président murmura quelque chose dans l’oreille de l’un, puis de l’autre de ses deux assesseurs. Ayant reçu de tous les deux une réponse affirmative, il fit signe au greffier de cesser de lire.

      — Le tribunal estime cette lecture inutile, — déclara-t-il.

      Aussitôt le greffier se tut et se mit à réunir les feuillets du procès-verbal, tandis que le substitut du procureur griffonnait une note, d’un air irrité.

      — Messieurs les jurés peuvent, dès maintenant, prendre connaissance des pièces à conviction, — dit le président. Bon nombre de jurés se levèrent; et, manifestement préoccupés de la façon dont ils devaient tenir leurs mains durant l’inspection, ils s’approchèrent de la table, où, l’un après l’autre, ils considérèrent la bague, les bocaux et le filtre. Le marchand se risqua à passer la bague à un de ses doigts.

      — Eh bien! — dit-il à Nekhludov en regagnant sa place, — eh bien! Voila un doigt! Gros comme un gros concombre! — ajouta-t-il.

      III

      Quand les jurés eurent examiné les pièces à conviction, le président déclara l’enquête judiciaire terminée; et, sans interruption, pressé comme il était d’expédier l’affaire, il donna la parole au substitut du procureur. Il se disait que le substitut, lui aussi, était homme, que, sans doute, lui aussi avait hâte de fumer, de manger, et qu’il aurait pitié de l’assistance. Mais le substitut du procureur n’eut pitié ni de lui-même ni des autres. Ce magistrat, naturellement sot, avait, en outre, le malheur d’être sorti du gymnase avec une médaille d’or, et plus tard, à l’Université, d’avoir remporté un prix pour sa thèse sur les СКАЧАТЬ