Résurrection (Roman). León Tolstoi
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Читать онлайн книгу Résurrection (Roman) - León Tolstoi страница 20

Название: Résurrection (Roman)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Философия

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isbn: 4064066373573

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СКАЧАТЬ une troisième fois; et tous deux sourirent.

      — Vous n’allez pas chez le prêtre? — demanda Nekhludov.

      — Non, nous allons attendre ici, Dimitri Ivanovitch, — dit-elle, parlant avec effort.

      Sa poitrine se soulevait fiévreusement; et sans cesse elle le regardait dans les yeux, de ses yeux timides, innocents, et tendres.

      Dans l’amour entre l’homme et la femme, il y a toujours une minute où cet amour atteint son plus haut degré, où il n’a plus rien de réfléchi ni rien de sensuel, ou il est l’entière union de deux êtres en un seul. C’est cette minute que Nekhludov avait connue, dans cette nuit de Pâques. Lorsque maintenant, assis dans la salle du jury, il essayait de se rappeler toutes les circonstances où il avait vu Katucha, c’est cette minute qui ressuscitait devant lui, effaçant tout le reste: la petite tête noire soigneusement peignée, avec son nœud rouge, la robe blanche au corsage plissé, la taille mince et la poitrine encore à peine formée, et cette rougeur, et ces yeux noirs brillants, et, dans toute la personne de Katucha, l’expression manifeste de la pureté, comme aussi d’un amour innocent et profond non seulement pour lui, Nekhludov, mais pour tout ce qu’il y avait de beau au monde, et non seulement pour ce qu’il y avait de beau, mais pour tout ce qui existait, pour ce mendiant défigurée qu’elle venait d’embrasser. Cet amour, il le sentait en elle, cette nuit-là, parce qu’il le sentait en lui-même; et il sentait que cet amour les fondait tous deux en un seul être.

      Ah! S’il avait pu en rester à ce sentiment, éprouvé la nuit de Pâques!

      — Oui, tout ce qui s’est passé d’affreux entre nous n’est venu qu’après cette nuit de Pâques! — songeait-il, assis devant la fenêtre dans la salle du jury.

      V

      En revenant de l’église, Nekhludov soupa avec ses tantes. Pour se remettre de sa fatigue, suivant une habitude prise au régiment, il but plusieurs verres de vin et d’eau-de-vie. Puis, rentré dans sa chambre, il s’étendit sur son lit, sans se dévêtir, et s’endormit aussitôt. Un coup frappé à la porte le réveilla. À la façon de frapper, il reconnut que c’était elle. Il sauta à bas de son lit en se frottant les yeux:

      — Katucha, est-ce toi? Entre! — dit-il.

      Elle entr’ouvrit la porte.

      — On vous appelle pour le déjeuner, — dit-elle.

      Elle portait la même robe blanche, mais sans le nœud dans les cheveux. Elle le regardait dans les yeux, et son visage rayonnait, comme si elle lui avait annoncé quelque chose d’extraordinairement joyeux.

      — Tout de suite, j’y vais, — répondit-il.

      Elle resta une minute encore, sans rien dire. Et brusquement, Nekhludov s’élança vers elle. Mais au même instant elle se retourna, d’un mouvement léger, et s’enfuit dans le corridor.

      — Quel sot je suis de ne pas l’avoir retenue! — se dit Nekhludov. Et il sortit de sa chambre pour la rattraper.

      Ce qu’il voulait d’elle, lui-même ne le savait pas. Mais il avait l’impression que, quand elle était entrée dans sa chambre, il aurait dû faire ce que tout le monde faisait en pareille circonstance, et qu’il ne l’avait pas fait.

      — Katucha, arrête-toi! — lui dit-il.

      Elle se retourna.

      — Qu’y a-t-il? — demanda-t-elle en cessant de courir.

      — Il n’y a rien; seulement…

      Et, faisant effort sur lui-même, et se rappelant comment se comportaient tous les hommes de sa classe, il lui passa le bras autour de la taille.

      Elle s’arrêta tout à fait, et le fixa dans les yeux.

      — Ce n’est pas bien, Dimitri Ivanovitch, ce n’est pas bien! — dit-elle, devenant toute rouge et prête à pleurer. Puis, de sa petite main robuste, elle écarta le bras qui l’avait enlacée.

      Nekhludov la lâcha. Il sentit tout à coup une impression non seulement de malaise et de honte, mais de répugnance pour lui-même. Il aurait dû croire en lui-même, à cet instant décisif; mais il ne comprit pas que cette honte et cette répugnance étaient l’expression du fond de son âme; et, au contraire, il se figura que c’était sa sottise qui parlait en lui, et que son devoir était de faire comme tout le monde.

      De nouveau, il poursuivit Katucha; de nouveau, il la prit par la taille; et il lui glissa un baiser dans le cou.

      Ce baiser n’avait plus rien de commun avec ceux qu’il lui avait donnés les deux fois précédentes: une première fois derrière le bouquet de sureaux, la seconde fois à l’église, le matin même de ce jour. Son baiser d’à présent avait quelque chose de terrible; et elle le sentit.

      — Que faites-vous? — s’écria-t-elle d’une voix effrayée. Puis, prenant son élan, elle s’enfuit à toutes jambes. Nekhludov se rendit dans la salle à manger. Ses tantes, en grande toilette, le médecin, et une voisine étaient déjà à table. Tout se passait comme à l’ordinaire, mais dans l’âme de Nekhludov la tempête grondait. Il ne comprenait rien de ce qu’on lui disait, répondait de travers, et ne pensait toujours qu’à Katucha, se rappelant la sensation de ce baiser qu’il lui avait pris. Soudain il entendit son pas dans le corridor; et dès ce moment il n’entendit plus rien d’autre. Quand elle entra dans la salle, il ne leva pas les yeux sur elle, mais de tout son être il sentait, aspirait sa présence.

      Après le dîner, il rentra aussitôt dans sa chambre. Secoué d’émotion, longtemps il marcha de long en large, prêtant l’oreille à tous les bruits de la maison, dans l’attente du pas de Katucha. L’animal, qui vivait en lui, à présent non seulement avait relevé la tête, mais avait complètement foulé aux pieds l’être aimant et loyal qu’avait été Nekhludov durant son premier séjour, qu’il avait été encore le matin de ce même jour, à l’église. Seul, désormais, l’animal régnait dans son âme.

      Mais, bien qu’il ne cessât point d’épier la jeune fille, pas une fois, de toute la journée, il ne put se trouver seul avec elle. Évidemment, elle l’évitait. Vers le soir, cependant, elle fut obligée d’entrer dans une chambre voisine de celle qu’il occupait. Le médecin avait consenti à rester jusqu’au lendemain, et Katucha avait reçu l’ordre de lui préparer une chambre pour la nuit. Quand il entendit ses pas, Nekhludov, marchant sans bruit et retenant son souffle, comme s’il se préparait à commettre un crime, se glissa dans la chambre où elle était entrée.

      Katucha avait passé ses deux mains dans une taie d’oreiller et s’apprêtait à y introduire l’oreiller, lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir. Elle se retourna vers Nekhludov et lui sourit; mais ce n’était plus son sourire confiant et joyeux d’auparavant: c’était un sourire plaintif, épouvanté. Il semblait dire à Nekhludov que ce qu’il faisait là était mal, qu’il ne devrait pas le faire. Et en vérité, pendant une minute, Nekhludov s’arrêta; la lutte des deux hommes en lui faillit s’engager de nouveau. Une dernière fois, et faiblement, il entendit la voix de son véritable amour pour elle, qui lui parlait d’elle, de ses sentiments à elle, de sa vie à elle. Mais une autre voix lui dit aussitôt: «Prends garde, tu vas laisser échapper ton plaisir!» Et cette autre voix étouffa la première. D’un pas СКАЧАТЬ