La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières. David D. Reitsam
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СКАЧАТЬ du Royaume22 ». Même au XXIe siècle, le prestige des deux familles reste ostensible : un descendant des Grimaldi continue de régner sur Monaco, cette principauté au bord de la Méditerranée, et l’hôtel parisien de la maison normande de Matignon est devenu le siège des premiers ministres français de la Ve République23. Dans ce cas précis, la vénération semble donc justifiée, mais le généalogiste du Nouveau Mercure galant se passe d’illustrer ces affirmations. Ainsi, ces rappels de l’ancienneté paraissent être un lieu commun qui se retrouve pourtant dans la plupart des livraisons de la revue.

      D’autres contributions mettent plus amplement en scène les moments les plus importants des dynasties nobles et racontent leurs histoires depuis le Moyen Âge. La notice nécrologique de Claude de Longüeil, Claude deLongüeil qui mourut « le 22. D’Aoust [1715] âgé de 47 ans24 » occupe, par exemple, environ 20 pages25. De cette manière, son avis de décès constitue une véritable chronologie familiale et retrace également les grandes étapes de l’histoire française. Selon le généalogiste du Nouveau Mercure galant, l’histoire des Longüeil a commencé au XIe siècle : « Le I. de cette maison dont les Historiens fassent mention est Adam Sire de Longüeil, Adam deLongüeil Chevalier Banneret qui accompagna Guillaume le Conquêrant Duc de Normandie en sa conqueste d’Angleterre l’an 106626. » Puis, les lecteurs de la revue apprennent les noms des descendants d’Adam de Longüeil, Adam deLongüeil à travers les siècles sans qu’un événement majeur soit évoqué. Si cette forme de narration est plutôt monotone, elle a pourtant le mérite de souligner la filiation directe depuis 1066 et prouve donc mieux que toute formulation stéréotype l’ancienneté de la maison de Longüeil. Cette histoire familiale devient pourtant plus dramatique lors de la guerre de Cent Ans ; elle demande un lourd tribut à la famille qui assiste à pratiquement tous ses tournants :

      Geoffroy Marcel I. […], Chevalier de l’Ordre de l’Etoile, […] fut tué à la bataille de Poitiers en 1356. avec deux de ses fils. Guillaume III. son fils […] tué avec son frere & son fils aîné en la bateille d’Azincourt. […] Richard Olivier, Cardinal […] [d]éputé par le Pape Calixte III. pour revoir le Procès de la Pucelle d’Orleans27.

      Après cette violente période pendant laquelle les Longüeil ont prouvé leur courage en participant à bien des batailles et n’ont pas hésité à sacrifier leur vie pour défendre le royaume de France28, la maison continue à se distinguer ; ses membres brillent principalement en tant que diplomates auprès de différentes cours européennes, mais on trouve également au sein de cette famille un homme de lettres, tel que le « fameux Christophe Longuëil [sic] qui s’est distingué dans les Lettres29 » ou de nouveau des militaires – « Macé de Longuëil [sic] […] & […] Nicolas, qui ont servi jusqu’à la Paix de Riswick30 ». Force est de constater que les Longüeil forment une famille exemplaire de la noblesse française – du moins selon les critères de la fiction chevaleresque mise en avant tout au long du XVIIe et XVIIIe siècle : l’ancienneté et le courage qui les distinguent clairement d’un HectorHector qui fuit à plusieurs reprises le danger.

      Servir depuis longtemps le roi français et le royaume constitue donc un modèle. Il est pourtant intéressant de constater que l’appartenance à la vieille noblesse de sang forme un atout en soi et cela indépendamment de l’origine géographique de la famille en question. Ainsi, en mai 1715, le généalogiste du périodique écrit dans l’avis de décès de Marie-Anne d’Acigné, Marie-Anne d’Acigné :

      [L]a Maison d’Acigné, Marie-Anne d’Acigné dont elle sortoit, est une des plus illustres & des plus anciennes de Bretagne ; tous les Auteurs qui en ont parlé ont prétendu qu’elle estoit une branche de celle des anciens Seigneurs de Vitré, puînez des anciens Comtes de Rennes & Ducs de Bretagne, avant l’an 99231.

      L’origine bretonne, donc en principe étrangère, est sans importance. Ce qui compte, en revanche, c’est l’appartenance à la branche cadette d’une vieille famille noble du duché32. La même indifférence à l’égard de l’origine géographique peut être observée dans le cas de Conrad de Rosen, Conrad deRosen qui « estoit originaire de Livonie » et qui « vint en France servir sous son parent le General de Rosen […] & se dévoua comme luy au service du Roy33 ». Sans aucun doute possible, il peut être décrit comme un aventurier qui réussit dans l’armée de Louis XIVLouis XIV et reҫoit même des titres de noblesse. Or, son seul mérite ne suffit pas ; afin de prouver sa valeur et ses qualités, le contributeur rappelle deux fois au lecteur du Nouveau Mercure galant que Rosen, Conrad deRosen fut un noble : tout d’abord, selon lui, Rosen, Conrad deRosen descendrait « de la plus ancienne Noblesse & d’une des meilleures Maisons34 » de son pays natal et, ensuite, il précise que Rosen, Conrad deRosen – avant d’« estre receu dans les plus illustres Ordres du Royaume35 » – a présenté des documents du « Roy de Suede […] avec tous les témoignages les plus authentiques de l’ancienneté & de l’illustration de sa Maison36 ». Ce dernier exemple donne une certaine idée de l’importance de l’appartenance au deuxième ordre et explique également pourquoi les riches membres de la bourgeoisie naissante aspirent à acquérir des titres de noblesse : elle est la condition sine qua non de toute ascension sociale.

      Or, ces exemples soulignent également un trait particulier de ces éloges à l’égard de la noblesse : la personnalité des défunts et des mariés ne joue guère de rôle. Hormis leur courage et l’ancienneté de leur famille, ni les qualités personnelles, ni les centres d’intérêt ne sont évoqués dans le Nouveau Mercure galant. Contrairement au modèle gréco-romain du genre épidictique qui met l’accent sur « une vision de l’homme37 » d’une manière plus complète, le périodique se contente, en revanche, de présenter le seul côté public du bon noble, c’est-à-dire le serviteur loyal et fidèle de son roi. De même, le généalogiste de la revue se distingue également de deux illustres contemporains : Charles Perrault, CharlesPerrault et Jacques-Bénigne Bossuet, Jacques-BénigneBossuet qui présentent de nombreux détails dans leurs biographies élogieuses – Les Hommes illustres38 et les Oraisons funèbres39. Le style austère et sec du Nouveau Mercure galant rappelle en revanche plus une encyclopédie, comme par exemple le Nobiliaire de Champagne de Louis François Caumartin, Louis FrançoisCaumartin40.

      Ces exemples de la fiction des chevaliers sans fautes et issus de vieilles familles rappellent les soucis des Modernes à perfectionner l’Iliade d’Homère, c’est-à-dire à atténuer les propos gênants et rendre l’opposition entre AchilleAchille et AgamemnonAgamemnon moins violente faute de ne pas pouvoir la supprimer complètement au vu de son importance pour l’épopée. La même volonté d’embellissement se manifeste également dans les faire-part de mariage ainsi que dans les notices nécrologiques : tout ce qui est à même de ternir l’image du roi-soleil en est banni. Un souci qui montre bien la dimension politique de ces biographies et portraits de famille. Le généalogiste du Nouveau Mercure galant réduit donc le genre épidictique à sa seule dimension encomiastique ; le blâme déjà peu considéré par les théoriciens et orateurs antiques n’existe pas41.

      L’avis de décès de Conrad de Rosen, Conrad deRosen en constitue un bon exemple. Alors que le généalogiste du Nouveau Mercure galant s’arrête longuement sur l’ascendance noble du militaire, il n’évoque guère la désastreuse campagne militaire de Jacques Stuart, JacquesStuart en Irlande en 1689 et 1690 que le royaume de France a soutenu et à laquelle Rosen, Conrad deRosen participa en tant que conseiller militaire. Cette expédition n’apparaît qu’indirectement dans une énumération de son avancement dans l’armée : « En 1684, il fut Brigadier, en 1677. Maréchal de Camp, en 1688. Lieutenant General, en 1689. Marchéal d’Irlande, en 1670. Mestre de Camp, […] & en 1705. il fut reҫû Chevalier de l’Ordre du S. Esprit42. » Seuls les lecteurs informés peuvent établir le lien entre la très brève évocation de l’Irlande et une des défaites les plus douloureuses du règne de Louis XIVLouis XIV : sur l’île verte, son СКАЧАТЬ