Название: Les vrais mystères de Paris
Автор: Eugène François Vidocq
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066080952
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Ce moderne Schilock, qui était cependant la providence de toute la fashion marseillaise, habitait la plus vieille masure de la plus sale rue du triste quartier Saint-Jean. Il reçut Servigny avec un empressement qui parut de bon augure à celui-ci.
—Vous voulez dégager la parure de mademoiselle Silvia, dit-il, lorsque le jeune homme lui eût fait connaître l'objet de sa visite; vous avez bien raison, mon jeune monsieur; c'est une bien jolie femme que mademoiselle Silvia, et qui vous aime bien, à ce que l'on dit.
—Ah! on dit cela, répondit Servigny, intérieurement flatté, de ce qu'on savait qu'il était aimé d'une aussi jolie femme que Silvia.
—Voici la parure, ajouta le juif posant sur une petite table, devant laquelle il était assis, une petite boîte de maroquin qu'il avait prise dans un tiroir; voilà une parure, dit-il, qui ne serait pas restée longtemps entre mes mains, si mademoiselle Silvia l'avait voulu. Monsieur le marquis de Roselli, une jeune seigneur italien, était disposé à faire pour elle tous les sacrifices possibles.
Il ouvrit la petite boîte, Servigny se dit que Silvia devait être bien belle lorsqu'elle était parée de ces pierres qui reflétaient toutes les brillantes couleurs de l'iris, il fit un pas, et son corps obéissant machinalement à sa pensée, il tendit la main pour les recevoir, le juif couvrit la petite boîte de ces deux mains longues et osseuses.
—Il faut me compter cinq mille francs, dit-il.
—Je n'ai pas d'argent, dit Servigny, mais...
Le juif ne lui laissa pas le temps d'en dire davantage, il remit la petite boîte dans le tiroir qu'il ferma et dont il mit la clé dans sa poche.
—Il faut me compter cinq mille francs dit-il encore.
—Voulez-vous prendre la peine de m'écouter, monsieur, lui dit Servigny. Les manières, la voix, le regard du juif, étaient changés depuis que Servigny avait laissé s'échapper de ses lèvres ces fatales paroles: «Je n'ai pas d'argent!» D'obséquieux, ils étaient devenus à peu près insolents, il fit cependant signe qu'il était disposé à l'écouter.
—Servigny lui fit alors comprendre que s'il n'avait pas à sa disposition immédiate la somme nécessaire pour le satisfaire, il n'était cependant pas dépourvu de ressources; il lui apprit qu'il possédait une somme considérable déposée chez un notaire de Paris, et qu'il pouvait disposer de cette somme.
—Je comprends bien, répondit le juif, je comprends bien; mais puisque je puis aujourd'hui même recevoir mon argent en vendant, au marquis de Roselli cette parure, qui m'appartiendra ce soir, pourquoi attendrais-je encore huit jours au moins? Si cependant vous m'offriez des sûretés et un intérêt raisonnable, nous pourrions peut-être nous entendre. Le juif avait examiné avec la plus sérieuse attention les pièces qui attestaient la vérité de ce qu'avançait Servigny.
—Qu'à cela ne tienne! si vous voulez vous contenter d'une lettre de change à quinze jours de date de 5,500 fr...
—Vous n'y pensez pas, je puis recevoir mon argent ce soir et gagner plus que vous ne m'offrez en vendant cette parure au marquis de Roselli.
—Alors dites-moi ce que vous exigez.
—Voilà: les pièces que vous me présentez sont en règle, et attestent, il est vrai, que Me Bénard, notaire à Paris, tient entre ses mains un somme de 20,000 francs qui vous appartient, et qu'il doit vous remettre, lorsque vous la demanderez; c'est très-bien. Voilà vos pièces; je veux bien m'en rapporter à votre parole! Vous me ferez seulement une lettre de change à quinze jours de 7,125 fr., capital 7 mille fr., intérêts du capital à cinq pour cent pendant six mois, cent vingt-cinq francs, bénéfice que j'aurais fait en vendant la parure au marquis de Roselli deux mille francs, je ne puis pas perdre cette somme pour vous obliger, quel que soit l'intérêt que je vous porte.
—Que maudit soit cet infâme usurier, pensa Servigny, mais je ne puis faire autrement, j'accepte, dit-il.
—Vous êtes bien sûr de me payer à l'échéance, répondit le Juif.
—Très-sûr! parbleu! Je vais écrire ce soir même à mon notaire de m'envoyer mes fonds.
—Il doit alors vous être indifférent d'ajouter un autre nom au vôtre, celui de M. Mathieu Durand, par exemple, le juif nommait un des négociants recommandables de Marseille, dont vous imiterez tant bien que mal la signature sur les billets que vous allez passer à mon ordre.
—Mais c'est un faux que vous voulez que je fasse, misérable que vous êtes, s'écria Servigny, qui ne put écouter sans éprouver une vive colère une aussi étrange proposition.
—Vous refusez? admettons alors que nous n'avons rien dit, et le juif retira du tiroir la petite boîte, et fit scintiller les pierres dans le rayon de soleil qui passait à grand peine à travers les énormes barreaux de fer qui garnissaient l'étroite fenêtre de sa tanière. Très-souvent, cependant, j'ai fait de semblables affaires, et puis ce que vous regardez comme une mauvaise action, ne fait en réalité de tort à personne, en prenant votre billet je sais que c'est un faux, vous, vous êtes certain de payer à l'échéance; il ne sortira pas de mes mains: nous sommes au 25 juin, je vous le remettrai le 10 juillet en échange de la somme de 7,125 fr., il est du reste bien entendu que vous allez me remettre de suite cent francs, que coûteraient les actes, et enregistrement que nécessiterait une délégation à non profit sur la somme déposée chez votre notaire, si nous traitions d'une autre manière.
Servigny hésita longtemps, cependant comme en faisant ce que le juif exigeait, il ne croyait pas blesser les lois de la probité, et qu'il était bien certain de payer, avant même son échéance, la lettre de change, sur laquelle il allait apposer le nom du négociant Mathieu Durand; il signa.
Servigny emportant la parure d'émeraudes et d'opales, était à peine sorti de chez lui, que le juif s'empressa de se rendre chez Silvia, à laquelle il raconta ce qui venait de se passer: Je crois bien, lui dit-il, que vous ne pourrez arracher que cette aile à l'oiseau qui est venu se prendre dans vos filets; le jeune homme n'est pas aussi riche que vous le supposiez, il ne possède maintenant qu'une dixaine de mille francs, au plus.
—Cela pourra durer à peu près un mois, répondit Silvia.
—Je crois que vous feriez bien de laisser à ce jeune homme ce qui lui reste, et de vous occuper du marquis de Roselli, que vos rigueurs commencent à lasser.
—Vous êtes la sagesse même, digne enfant d'Abraham, vos avis seront peut-être pris en considération.
—Eh! eh! dit le juif en riant en dedans, comme le Nathaniel Bunppo de Fenimore Cooper, nous pourrions, à nous deux, faire d'excellentes affaires, mais il faudrait pour cela jouer cartes sur table.
Silvia jeta sur lui un regard si incisif, qu'il baissa presque les yeux.
—Lequel de nous deux tromperait l'autre, honnête Josué? dit-elle.
—Vraiment, je ne sais, répondit Josué en donnant cours à l'hilarité qu'il comprimait à peine, ah! si vous étiez une fille de Jacob.
—Restons СКАЧАТЬ