Les vrais mystères de Paris. Eugène François Vidocq
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Читать онлайн книгу Les vrais mystères de Paris - Eugène François Vidocq страница 24

Название: Les vrais mystères de Paris

Автор: Eugène François Vidocq

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066080952

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      Le forçat qui, pour une raison quelconque, désire entrer à l'hôpital du bagne, arrivera tôt ou tard à son but, il saura si bien simuler tous les diagnostics d'une maladie grave que les médecins les plus experts s'y laisseront prendre.

      Servigny, Duchemin et Salvador étaient protégés par un des chirurgiens aides-major, attaché à l'hôpital, que les événements de sa vie passée forçaient d'obéir à Duchemin (ce chirurgien était né dans l'île de Malte, et se nommait Mathéo); ils purent donc très-facilement obtenir leur admission.

      Cependant, comme ils ne voulaient pas compromettre leur protecteur, ils firent tout ce qui était nécessaire pour ne rien laisser soupçonner.

      Servigny, qui avait reçu de Duchemin les instructions nécessaires, entra le premier à l'hôpital pour se faire traiter du scorbut; c'est de toutes les maladies celle que les forçats savent le mieux simuler; Duchemin qui paraissait en proie à la plus effroyable fièvre, le suivit; deux jours après, Salvador, atteint en apparence d'une hémorragie compliquée, venait rejoindre ses deux compagnons.

      Les forçats qui remplissent l'office d'infirmiers, sont déferrés et peuvent circuler librement dans toute l'enceinte du bagne, ce sont ordinairement des doyens qui se sont faits du bagne une patrie d'adoption et qui savent manœuvrer avec assez d'adresse pour ménager à la fois et la chèvre et le chou, c'est-à-dire pour ne rien voir de ce que les malades, ou prétendus tels, qu'ils doivent soigner, désirent cacher, tout en ayant l'air de regarder beaucoup; il est donc fort rare qu'un de ces hommes tortille une cavale[204].

      Ce sont presque tous de vieux renards qui connaissent toutes les ruses du métier, et qui comprennent à demi-mot, sans qu'il soit nécessaire de les mettre dans la confidence; ils savent, moyennant finance bien entendu, procurer à leurs malades tout ce qu'ils désirent pour améliorer tant soit peu le régime assez maigre de l'hôpital; cela fait ils ne s'occupent plus de rien.

      Mathéo, qui faisait le service de la salle dans laquelle se trouvaient Servigny, Duchemin et Salvador, avait le soin de formuler les ordonnances de manière à faire croire qu'ils étaient réellement malades. Les argousins ne se doutaient de rien, les gardes-chiourmes n'avaient pas reçu l'ordre de se montrer plus sévères que de coutume; tout allait donc à merveille, et Duchemin faisait passer tous les jours une lettre à Mathéo, qui, de son côté, lui faisait tenir la réponse, enfin celle qu'il attendait arriva, Mathéo lui apprenait que tout était prêt.

      Il existe, à l'extrémité de la plus grande salle de l'hôpital, celle dans laquelle se trouvaient nos trois forçats, une petite pièce qui sert de salle des morts. L'infirmier était le dépositaire de la clé de cette salle que l'on n'ouvrait que lorsqu'il fallait y déposer momentanément de nouveaux hôtes. Duchemin parvint à prendre l'empreinte de cette clé; cela fait, il n'était plus difficile de s'en faire fabriquer une semblable.

      Pourvus de cette clé, Servigny, Duchemin et Salvador pouvaient, chaque fois qu'ils trouvaient le moment favorable, entrer dans la petite salle. Sous une des tables de marbre noir destinées à recevoir les cadavres, ils creusèrent un trou par lequel, à l'aide des draps de leurs lits roulés en corde et attachés les uns au bout des autres, ils descendirent au moment propice dans les magasins de la marine qui sont situés au rez-de-chaussée du bâtiment dont l'hôpital du bagne occupe le premier étage.

      Lorsqu'ils furent tous les trois arrivés à bon port, Duchemin alluma une petite bougie dont la pâle lueur était à peine suffisante pour dissiper les ténèbres autour d'eux, et, à l'aide des instructions qu'il avait reçues de Mathéo, il se mit à chercher la malle qui devait contenir tout ce qui leur était nécessaire pour se déguiser; il la trouva dans un des coins les plus reculés du magasin, il s'empressa de l'ouvrir; elle contenait deux uniformes complets de gendarmes, armement et équipement, des perruques, des cordes et une pince pour forcer une des portes du magasin qui donnait entrée sur l'arsenal.

      Salvador et Duchemin endossèrent chacun un des deux uniformes de gendarme et Servigny conserva ses vêtements de forçat auquel il ajouta une espèce de bissac qu'il devait porter sur son dos; on lui lia les mains, et à la naissance du jour, lorsque le coup de canon qui annonçait l'ouverture du port se fit entendre, la porte du magasin, la plus voisine de la grille de l'arsenal fut forcée.

      —Maintenant, chargeons nos armes! dit Duchemin qui avait trouvé dans la malle plusieurs paquets de cartouches, on ne sait pas ce qui peut arriver.

      Salvador et Duchemin, vêtus de leurs uniformes de gendarmes et conduisant Servigny qui semblait un forçat extrait du bagne pour aller en témoignage, devant quelque cour d'assises, favorisés, par la foule d'ouvriers de la marine, qui se rendaient à leurs travaux, passèrent sans rencontrer d'obstacles la grille de l'arsenal.

      Ils étaient dans la ville, qu'ils traversèrent avec la plus grande rapidité; puis ils prirent la route du Beausset. A quelque distance de Toulon, ils prirent un chemin tracé au milieu d'un bois assez épais, dans lequel ils voulaient se reposer quelques instants; ils y étaient à peine arrivés, lorsque trois coups de canon, répétés trois fois à des intervalles égaux, annoncèrent aux habitants des environs de Toulon, que trois forçats venaient de s'évader, et qu'une somme de cent francs serait la récompense de celui d'entre eux qui ramènerait au bagne un des fugitifs.

      —Nous ferons bien, dit Duchemin, de rester dans ce bois jusqu'à la fin de la journée, afin de ne traverser qu'à la nuit le bourg du Beausset.

      —Mais si nous sommes rencontrés ici, par quelques-uns de ces chasseurs d'hommes! répondit Salvador, et il montrait à ses compagnons plusieurs paysans armés de carabines rouillées et de mauvais fusils de munition, qui gravissaient une petite colline dominant le bouquet d'arbres au milieu desquels ils étaient cachés.

      —Ils n'auront pas l'esprit de deviner que l'uniforme de la gendarmerie royale couvre le gibier qu'ils chassent; ce qu'il faut surtout éviter, c'est la rencontre de nos frères d'armes de la brigade du Beausset, dès que nous aurons atteint la forêt de Cuges, nous serons sauvés.

      Lorsqu'il ne fait ni trop chaud ni trop froid, messieurs les gendarmes, si cependant ils n'ont rien de mieux à faire, montent à cheval vers le soir et parcourent les environs de leur résidence.

      Duchemin, parfaitement au courant des habitudes de ces messieurs, croyait ne devoir rien redouter, attendu qu'il tombait, lorsqu'il quitta le bois avec ses deux compagnons, une de ces pluies continues, qui, dans les contrées méridionales, paraissent plus froides et plus désagréables que partout ailleurs.

      Malheureusement pour les fugitifs, le brigadier de la gendarmerie du Beausset, venait de se disputer avec sa ménagère, cela l'avait mis de très-mauvaise humeur, et comme il fallait nécessairement qu'il en fît supporter les effets à quelqu'un, il choisit de préférence ses gendarmes qui se trouvaient sous sa main, il les fit donc monter à cheval et les emmena faire patrouille.

      Les fugitifs sortis du bois dans lequel ils avaient passé une partie de la journée, suivirent, tant que cela leur fut possible, des sentiers et des chemins de traverse; enfin la nuit étant tout à fait venue et ne se trouvant plus qu'à un quart de lieue de Beausset, ils crurent devoir rejoindre la grande route; ils y arrivaient lorsqu'ils rencontrèrent la patrouille commandée par le brigadier dont nous venons de parler; la surprise leur fit faire un mouvement; cependant, ils ne perdirent pas contenance et continuèrent leur route en hâtant le pas, après un bonjour, camarades, prononcé par Duchemin avec un accent qui n'accusait pas la plus légère émotion.

      Ils croyaient avoir esquivé ce mauvais pas, mais ils furent bientôt cruellement détrompés, le brigadier s'était tout à coup rappelé les coups de canon qui avaient retenti dans la journée, СКАЧАТЬ