Название: Quentin Durward
Автор: Вальтер Скотт
Издательство: Public Domain
Жанр: Историческая фантастика
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Les joues de la jeune fille se couvrirent d'une pâleur mortelle, et elle jeta un regard craintif sur maître Pierre, à qui la bravade du jeune Écossais parut n'inspirer qu'un sourire de mépris plutôt que d'approbation. Quentin, dont la seconde pensée corrigeait ordinairement la première, rougit d'avoir prononcé quelques mots qui pouvaient passer pour une fanfaronnade devant un vieillard pacifique par état; et se condamnant à une sorte de réparation aussi juste que proportionnée à sa faute, il résolut de supporter patiemment le ridicule qu'il avait mérité. Il présenta à maître Pierre le plateau dont il s'était chargé, en rougissant et avec un air d'embarras qu'il cherchait vainement à cacher.
– Vous êtes un jeune fou, lui dit maître Pierre; et vous ne connaissez pas mieux les femmes que les princes, dont Dieu, ajouta-t-il en faisant le signe de la croix dévotement, tient les cœurs dans sa main droite.
– Et qui tient donc les cœurs des femmes? demanda Quentin, déterminé à ne pas s'en laisser imposer par l'air de supériorité de cet homme extraordinaire, dont les manières hautaines et insouciantes exerçaient sur lui une influence dont il était un peu humilié.
– Je crois qu'il faut faire cette question à quelque autre, répondit maître Pierre avec beaucoup de sang-froid.
Cette nouvelle rebuffade ne déconcerta pourtant pas entièrement Quentin Durward. – À coup sûr, pensa-t-il, ce n'est pas pour la misérable obligation d'un déjeuner, quelque substantiel et excellent qu'il fût, que j'aurais tant de déférence envers ce bourgeois de Tours! On s'attache les chiens et les faucons en les nourrissant; c'est par les liens de l'amitié et des services qu'on peut enchaîner le cœur de l'homme. Mais ce bourgeois est vraiment extraordinaire; et cette apparition enchanteresse – qui va déjà disparaître, – un être si parfait, ne peut appartenir à si bas lieu, il ne peut même dépendre de ce riche marchand, quoique celui-ci semble exercer à son égard une sorte d'autorité comme il le fait sans doute sur tout ce que le hasard jette dans son petit cercle. Il est étonnant quelles idées d'importance ces Flamands et ces Français attachent à la richesse, infiniment plus qu'elle n'en mérite; car je suppose que ce vieux marchand s'imagine devoir à son argent, la considération que j'accorde à son âge. Moi, gentilhomme Écossais d'une ancienne race, d'une naissance distinguée, et lui un marchand de Tours!
Telles étaient les idées qui se succédaient rapidement dans l'esprit du jeune Durward, tandis que maître Pierre disait à Jacqueline, en souriant, et en passant la main sur ses longs cheveux: – Ce jeune homme me servira, Jacqueline; tu peux te retirer. Je dirai à ta négligente mère qu'elle a tort de t'exposer aux yeux sans nécessité.
– C'était seulement pour vous servir, répondit la jeune fille: j'espère que vous ne serez pas mécontent de votre parente, puisque…
– Pâques-Dieu! s'écria maître Pierre en l'interrompant d'un ton vif, mais sans dureté, avez-vous envie de discuter avec moi, ou restez-vous ici pour regarder ce jeune homme? Retirez-vous. Il est noble; il suffira pour me servir.
Jacqueline sortit; et Durward était si occupé de sa disparition subite, qu'elle rompit le fil de ses réflexions; et il obéit machinalement quand maître Pierre, se jetant nonchalamment sur son grand fauteuil, lui dit du ton d'un homme habitué à commander: – Placez ce plateau près de moi.
Le marchand, fronçant les sourcils, les fit retomber sur ses yeux pleins de vivacité, de manière qu'à peine étaient-ils visibles, quoiqu'ils lançassent quelquefois un rayon rapide et brillant comme ceux du soleil qui se couche derrière un sombre nuage, à travers lequel il brille par intervalles.
– N'est-ce pas une charmante créature? dit maître Pierre en levant la tête et fixant un regard ferme sur Quentin en lui faisant cette question; une fille fort aimable pour une servante d'auberge? Elle figurerait bien à la table d'un honnête bourgeois, mais cela a reçu une mauvaise éducation; cela a une origine basse.
Il arrive quelquefois qu'un mot jeté au hasard démolit un splendide château qu'on vient de construire dans les airs; et, en pareille occasion, l'architecte ne sait pas beaucoup de gré à celui qui a laissé tomber le mot fatal, alors même qu'il a parlé sans intention de nuire. Quentin se sentit déconcerté, et il était disposé à se mettre en courroux, sans trop savoir pourquoi, contre ce vieillard pour l'avoir informé que cette créature enchanteresse n'était ni plus ni moins que ce que ses occupations annonçaient, – une servante d'auberge, une servante d'un ordre supérieur, à la vérité (une nièce peut-être ou une parente de l'aubergiste), mais une servante enfin, obligée de se conformer à l'humeur de tous les hôtes, et particulièrement à celle de ce maître Pierre, qui paraissait être assez fantasque et assez riche pour vouloir que ses caprices devinssent autant de lois.
Une pensée se présentait encore à son esprit: c'était qu'il devait faire comprendre au vieillard la différence qui existait entre leurs conditions, et lui faire sentir que quelque riche qu'il pût être, sa richesse ne pouvait le faire marcher l'égal d'un Durward de Glen-Houlakin. Cependant, quand il levait les yeux sur maître Pierre, dans l'intention de lui dire quelques mots à ce sujet, il trouvait dans sa physionomie, malgré ses yeux baissés, ses traits amaigris, et ses vêtemens communs, quelque chose qui l'empêchait de faire valoir cette supériorité qu'il croyait avoir sur le marchand. Au contraire, plus il le regardait, plus il le considérait avec attention, et plus il sentait redoubler sa curiosité de savoir qui était cet homme et quel était son rang; il se le représentait alors comme un des premiers magistrats, ou tout au moins un syndic de Tours; en un mot, pour un homme habitué, de manière ou d'autre, à exiger et à obtenir le respect.
Cependant maître Pierre semblait se livrer de nouveau à une rêverie dont il ne sortit que pour faire dévotement le signe de la croix, après quoi il mangea quelques prunes et un biscuit. Il fit signe ensuite à Quentin de lui donner la coupe dont nous avons déjà parlé; mais comme celui-ci la lui présentait, il ajouta avant de la prendre: – Vous m'avez dit que vous êtes noble, je crois?
– Sans doute, je le suis, répondit l'Écossais, si quinze générations suffisent pour cela. Je vous l'ai déjà dit; mais ne vous gênez pas, maître Pierre: on m'a toujours appris que le devoir du plus jeune est de servir le plus âgé.
– C'est une excellente, maxime, répondit le marchand en recevant la coupe que Quentin lui présentait, et en y versant de l'eau d'une aiguière qui semblait de même métal, sans paraître avoir, au sujet des convenances sociales, le moindre de ces scrupules que Quentin peut-être s'était attendu à voir naître en lui.
– Au diable soient l'aisance et la familiarité de ce bourgeois! pensa le jeune homme. Il se fait servir par un noble Écossais avec aussi peu de cérémonie que j'en montrerais moi-même envers un paysan de Glen-Isla.
Cependant maître Pierre, ayant vidé sa coupe, dit à son compagnon:
– D'après le goût que vous avez montré pour le vin de Beaune, je m'imagine que vous n'êtes pas tenté de me faire raison avec la liqueur que je viens de boire. Mais j'ai sur moi un élixir qui peut changer en vin délicieux l'eau qui sort du rocher.
Tout en parlant ainsi, il prit dans son sein une grande bourse de peau de loutre de mer, et fit tomber une pluie de petites pièces d'argent, jusqu'à ce qu'il en eût empli à moitié la coupe, qui n'était pas des plus larges.
– Vous devez plus de reconnaissance à votre patron saint Quentin, et à saint Julien, que vous ne semblez le penser, jeune homme, dit alors maître Pierre, et je vous conseille СКАЧАТЬ