Название: Han d'Islande
Автор: Victor Hugo
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Enfin il dit d'un ton sévère, mais calme:
– Vieillard, soyez véridique. Ayez-vous trouvé des papiers sur cet officier?
– Aucun, sur mon honneur.
– Savez-vous si Han d'Islande en a trouvé?
– Je vous jure par saint Hospice que je l'ignore.
– Vous l'ignorez? savez-vous où se cache ce Han d'Islande?
– Il ne se cache jamais, il erre toujours.
– Soit; mais enfin quelles sont ses retraites?
– Ce païen, répondit le vieillard à voix basse, a autant de retraites que l'île de Hitteren a de récifs, que l'étoile Sirius a de rayons.
– Je vous engage de nouveau, interrompit Ordener, à parler en termes positifs. Je vais vous donner l'exemple; écoutez. Vous êtes mystérieusement lié avec un brigand dont vous soutenez ne pas être le complice. Si vous le connaissez, vous devez savoir où il s'est maintenant retiré.– Ne m'interrompez pas.– Si vous n'êtes pas son complice, vous n'hésiterez pas à me conduire à sa recherche.
Spiagudry ne put contenir son effroi.
– Vous, noble seigneur, vous, grand Dieu! plein de jeunesse et de vie, provoquer, rechercher ce démoniaque! Quand Ingiald aux quatre bras combattit le géant Nyctolm, du moins avait-il quatre bras.
– Eh bien, dit Ordener en souriant, s'il faut quatre bras, ne serez-vous pas mon guide?
– Moi! votre guide! Comment pouvez-vous vous railler ainsi d'un pauvre vieillard qui a déjà presque besoin d'un guide lui-même?
– Écoutez, reprit Ordener, n'essayez pas vous-même de vous jouer de moi. Si cette profanation, dont je veux bien vous croire innocent, vous expose au châtiment des sacrilèges, vous ne pouvez rester ici. Il vous faut donc fuir. Je vous offre ma sauvegarde, mais à condition que vous me conduirez à la retraite du brigand. Soyez mon guide, je serai votre protecteur. Je dis plus; si j'atteins Han d'Islande, je l'amènerai ici mort ou vif. Vous pourrez prouver votre innocence, et je vous promets de vous faire rentrer dans votre emploi. Voilà, en attendant, plus d'écus royaux qu'il ne vous en rapporte par an.
Ordener, en gardant la bourse pour la fin, avait observé dans ses arguments la gradation voulue par les saines lois de la logique. Cependant ils étaient par eux-mêmes assez forts pour faire rêver Spiagudry. Il commença par prendre l'argent.
– Noble maître, vous avez raison, dit-il ensuite, et son?il, jusqu'alors indécis, se releva sur Ordener. Si je vous suis, je m'expose quelque jour à la vengeance du formidable Han. Si je reste, je tombe demain entre les mains du bourreau Orugix.– Quel est donc déjà le supplice des sacrilèges? N'importe.– Dans les deux cas, ma pauvre vie est en péril; mais comme, d'après la juste observation de S?mond-Sigfusson, autrement dit le Sage, inter duo pericùla?qualia, minus imminens eligendum est, je vous suis.– Oui, seigneur, je serai votre guide. Veuillez ne pas oublier toutefois que j'ai fait tout ce que j'ai pu pour vous détourner de votre aventureux dessein.
– Soit, dit Ordener. Vous serez donc mon guide. Vieillard, ajouta-t-il avec un regard expressif, je compte sur votre loyauté.
– Ah! maître, répondit le concierge, la foi de Spiagudry est aussi pure que l'or que vous venez de me donner si gracieusement.
– Qu'il n'en soit pas autrement, car je vous prouverais que le fer que je porte n'est pas de moins bon aloi que mon or.– Où pensez-vous que soit Han d'Islande?
– Mais, comme le midi du Drontheimhus est plein de troupes qu'on y a envoyées sur je ne sais quelle réquisition du grand-chancelier, Han doit s'être dirigé vers la grotte de Walderlong ou vers le lac de Smiasen. Notre route est par Skongen.
– Quand pouvez-vous me suivre?
– Après la journée qui commence, quand la nuit sera close et le Spladgest fermé, votre pauvre serviteur commencera près de vous les fonctions de guide, pour lesquelles il privera les morts de ses soins. Nous chercherons un moyen de cacher pendant tout le jour, aux yeux du peuple, la mutilation du mineur.
– Où vous trouverai-je ce soir?
– Sur la grande place de Drontheim, s'il convient au maitre, près la statue de la Justice, qui fut jadis Freya, et qui me protégera sans doute de son ombre en reconnaissance du beau diable que j'ai fait sculpter sous ses pieds.
Spiagudry allait peut-être répéter verbalement à Ordener les considérants de son placet au gouverneur, si celui-ci ne l'eût interrompu.
– Il suffit, vieillard, le traité est conclu.
– Conclu, répéta le concierge.
Il achevait ce mot, lorsqu'une espèce de grondement se fit entendre comme au-dessus d'eux. Le concierge tressaillit.
– Qu'est cela? dit-il.
– N'y a-t-il ici, dit Ordener également surpris, d'autre habitant vivant que vous?
– Vous me rappelez mon vicaire Oglypiglap, reprit Spiagudry rassuré par cette idée; c'est lui sans doute qui dort bruyamment. Un lapon qui dort, selon l'évêque Arngrim, fait autant de bruit qu'une femme qui veille.
En parlant ainsi, ils s'étaient rapprochés de la porte du Spladgest. Spiagudry l'ouvrit doucement.
– Adieu, mon jeune seigneur, dit-il à Ordener, le ciel vous mette en joie. À ce soir. Si votre chemin vous conduit devant la croix de saint Hospice, daignez prier pour votre misérable serviteur Benignus Spiagudry.
Alors refermant en hâte la porte, autant de crainte d'être aperçu que pour garantir sa lampe des premières brises du matin, il revint près du cadavre de Gill, et s'occupa d'en tourner la tête de manière à en cacher la blessure.
Il avait fallu bien des raisons pour décider le timide concierge à accepter l'offre aventureuse de l'étranger. Dans les motifs de sa téméraire détermination entraient: 1° la crainte d'Ordener présent; 2° celle du bourreau Orugix; 3° une vieille haine pour Han d'Islande, haine qu'il osait à peine s'avouer à lui-même, tant la terreur la comprimait; 4° l'amour pour les sciences, auxquelles son voyage serait si utile; 5° la confiance en son esprit rusé, pour se dérober aux regards de Han; 6° un attrait tout spéculatif pour certain métal que renfermait la bourse du jeune aventurier, et dont paraissait aussi remplie la boîte de fer volée au capitaine et destinée à la veuve Stadt, message qui maintenant courait grand risque de ne jamais quitter le messager.
Une dernière raison enfin, c'était l'espérance bien ou mal fondée de rentrer tôt ou tard dans la place qu'il allait abandonner. Que lui importait d'ailleurs que le brigand tuât le voyageur ou le voyageur le brigand? A ce point de sa rêverie, il ne put s'empêcher de dire à haute voix:
– Cela me fera toujours un cadavre.
Un nouveau grondement se fit encore entendre, et le malheureux concierge frissonna.
– Ce ne sont vraiment point là les ronflements d'Oglypiglap, se dit-il; ce bruit vient du dehors.
Puis, après un moment de réflexion:
– Je СКАЧАТЬ