Han d'Islande. Victor Hugo
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Название: Han d'Islande

Автор: Victor Hugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ dit-elle, de grâce calmez-vous; n'écoutez pas ces injures; que nous importe que le fils du vice-roi aime la fille du chancelier? Cette douce main posée sur le coeur du jeune homme en apaisa la tempête; il abaissa sur son Éthel un regard enivré, et n'entendit plus le lieutenant qui, reprenant sa gaieté, s'écriait:– La damoiselle remplit avec une grâce infinie le rôle des dames sabines entre leurs pères et leurs maris. Mes paroles étaient peu mesurées; j'oubliais, poursuivit-il en s'adressant à Ordener, qu'il existait entre nous un lien de fraternité, et que nous ne pouvions plus nous provoquer.

      – Chevalier, donnez-moi la main. Convenez-en, vous aviez aussi oublié que vous parliez du fils du vice-roi à son futur beau-frère, le lieutenant d'Ahlefeld.

      À ce nom, Schumacker, qui avait tout observé jusque-là d'un oeil d'indifférence ou d'impatience, s'élança de son siège de pierre en poussant un cri terrible.

      – D'Ahlefeld! un d'Ahlefeld devant moi! Serpent! comment n'ai-je pas reconnu dans le fils son exécrable père! Laissez-moi paisible dans mon cachot, je n'ai point été condamné au supplice de vous voir. Il ne me manque plus, comme il l'osait souhaiter tout à l'heure, que de voir le fils de Guldenlew près du fils d'Ahlefeld!– Traîtres! lâches! que ne viennent-ils eux-mêmes jouir de mes larmes de démence et de rage? Race! race abhorrée! fils d'Ahlefeld, laisse-moi!

      L'officier, d'abord étourdi de la vivacité de ces imprécations, retrouva bientôt la colère et la parole.

      – Silence! vieil insensé! auras-tu bientôt fini de me chanter les litanies des démons?

      – Laisse, laisse-moi! poursuivit le vieillard, et emporte ma malédiction, pour toi et la misérable race de Guldenlew qui va s'allier à la tienne.

      – Pardieu, s'écria l'officier furieux, tu me fais un double outrage!

      Ordener arrêta le lieutenant, qui ne se connaissait plus.

      – Respectez un vieillard dans votre ennemi, lieutenant; nous avons déjà des satisfactions à nous rendre, je vous ferai raison des offenses du prisonnier.

      – Soit, dit le lieutenant, vous contractez une double dette; le combat sera à outrance, car j'aurai mon beau-frère et moi à venger. Songez qu'avec mon gant vous ramassez celui d'Ordener Guldenlew.

      – Lieutenant d'Ahlefeld, répondit Ordener, vous embrassez le parti des absents avec une chaleur qui prouve de la générosité. N'y en aurait-il pas autant à prendre pitié d'un malheureux vieillard à qui l'adversité donne quelque droit d'être injuste?

      D'Ahlefeld était de ces âmes chez qui on éveille une vertu avec une louange. Il serra la main d'Ordener, et s'approcha de Schumacker, qui, épuisé par son emportement même, était retombé sur le rocher dans les bras d'Éthel éplorée.

      – Seigneur Schumacker, dit l'officier, vous avez abusé de votre vieillesse, et j'allais peut-être abuser de ma jeunesse, si vous n'aviez trouvé un champion. J'étais entré ce matin pour la dernière fois dans votre prison, car c'était pour vous dire que désormais vous pourriez rester, d'après l'ordre spécial du vice-roi, libre et sans gardes dans le donjon. Recevez cette bonne nouvelle de la bouche d'un ennemi.

      – Retirez-vous, dit le vieux captif d'une voix sourde.

      Le lieutenant s'inclina, et obéit, intérieurement satisfait d'avoir conquis le regard approbateur d'Ordener.

      Schumacker resta quelque temps les bras croisés et la tête courbée, enseveli dans ses rêveries; tout à coup il releva son regard sur Ordener, debout et en silence devant lui.

      – Eh bien? dit-il.

      – Seigneur comte, Dispolsen est mort assassiné.

      La tête du vieillard retomba sur sa poitrine. Ordener poursuivit:

      – Son assassin est un brigand fameux, Han d'Islande.

      – Han d'Islande! dit Schumacker.

      – Han d'Islande! répéta Éthel.

      – Il a dépouillé le capitaine, continua Ordener.

      – Ainsi, dit le vieillard, vous n'avez point entendu parler d'un coffret de fer, scellé des armes de Griffenfeld?

      – Non, seigneur.

      Schumacker laissa tomber son front sur ses mains.

      – Je vous le rapporterai, seigneur comte, fiez-vous à moi. Le meurtre a été commis hier matin. Han a fui vers le nord. J'ai un guide qui connaît ses retraites, j'ai souvent parcouru les monts du Drontheimhus. J'atteindrai le brigand. Éthel pâlit. Schumacker se leva; son regard avait quelque chose de joyeux, comme s'il comprenait encore la vertu chez les hommes.

      – Noble Ordener, dit-il, adieu.– Et levant une main vers le ciel, il disparut derrière les broussailles.

      Quand Ordener se retourna, il vit, sur le roc bruni par la mousse, Éthel pâle, comme une statue d'albâtre sur un piédestal noir.

      – Juste Dieu, mon Éthel! dit-il se précipitant près d'elle et la soutenant dans ses bras, qu'avez-vous?

      – Oh! répondit la tremblante jeune fille d'une voix qu'on entendait à peine, oh! si vous avez, non quelque amour, mais quelque pitié pour moi, seigneur, si vous ne me parliez pas hier tout à fait pour m'abuser, si ce n'est pas pour causer ma mort que vous avez daigné venir dans cette prison; seigneur Ordener, mon Ordener, renoncez, au nom du ciel, au nom des anges, renoncez à votre projet insensé! Ordener, mon bien-aimé Ordener! poursuivit-elle,– et ses larmes s'échappaient avec abondance, et sa tête s'était penchée sur le sein du jeune homme,– fais-moi ce sacrifice. Ne poursuis pas ce brigand, cet affreux démon, que tu veux combattre. Dans quel intérêt y vas-tu, Ordener? Dis-moi, quel intérêt peut t'être plus cher que celui de la malheureuse que tu nommais hier ta bien-aimée épouse?

      Elle s'arrêta suffoquée par les sanglots. Ses deux bras étaient attachés par ses mains jointes au cou d'Ordener, sur les yeux duquel elle fixait ses yeux suppliants.

      – Mon Éthel adorée, vous vous alarmez à tort. Dieu soutient les bonnes intentions, et l'intérêt pour lequel je m'expose n'est autre que le vôtre. Ce coffret de fer renferme....

      Éthel l'interrompit.

      – Mon intérêt! ai-je un autre intérêt que ta vie? Et si tu meurs, Ordener, que veux-tu que je devienne?

      – Pourquoi penses-tu que je mourrai, Éthel?

      – Ah! tu ne connais donc pas ce Han, ce brigand infernal? Sais-tu à quel monstre tu cours? Sais-tu qu'il commande à toutes les puissances des ténèbres? qu'il renverse des montagnes sur des villes? que son pas fait crouler les cavernes souterraines? que son souffle éteint les fanaux sur les rochers? Et crois-tu, Ordener, résister à ce géant aidé du démon, avec tes bras blancs et ta frêle épée?

      – Et vos prières, Éthel, et l'idée que je combats pour vous? Sois-en sûre, mon Éthel, on t'a beaucoup exagéré la force et le pouvoir de ce brigand. C'est un homme comme nous, qui donne la mort jusqu'à ce qu'il la reçoive.

      – Tu ne veux donc pas m'écouter? mes paroles ne sont donc rien pour toi? Que veux-tu, dis-moi, que je devienne si tu pars, si tu vas errer de périls en périls, exposant, pour je ne sais quel intérêt de la terre, tes jours qui sont à moi, les livrant à un monstre?

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