Han d'Islande. Victor Hugo
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Название: Han d'Islande

Автор: Victor Hugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ charmant, il en aurait fait le lieu de sa résidence et le théâtre de ses crimes. Ce ne serait pas chose aisée que de faire une peinture agréable des brigandages de Han. On pourrait en adoucir l'horreur par quelque amour ingénieusement imaginé. La bergère Alcippe, en promenant un jour son agneau dans un bois de myrtes et d'oliviers, serait aperçue par le géant, qui céderait soudain au pouvoir de ses yeux. Mais Alcippe aimerait le beau Lycidas, officier des milices, en garnison dans son hameau. Le géant s'irriterait du bonheur du centurion, et le centurion des assiduités du géant. Vous concevez, aimable damoiselle, tout ce qu'une pareille imagination pourrait semer de charme dans les aventures de Hannus. Je parierais mes bottes de Cracovie contre une paire de patins qu'un tel sujet, traité par la damoiselle Scudéry, ferait raffoler toutes les daines de Copenhague.

      Ce mot arracha Schumacker de la sombre rêverie où il était resté enseveli pendant la dépense inutile de bel esprit que venait de faire le lieutenant.

      – Copenhague?-dit-il brusquement; seigneur officier, que s'est-il passé de nouveau à Copenhague?

      – Rien, sur ma foi, que je sache, répondit le lieutenant, sinon le consentement donné par le roi au mariage important qui occupe en ce moment les deux royaumes.

      – Comment! reprit Schumacker; quel mariage?

      L'apparition d'un quatrième interlocuteur arrêta la réponse sur les lèvres du lieutenant.

      Tous trois levèrent les yeux. Le visage sombre du prisonnier s'éclaircit, la physionomie frivole du lieutenant prit une expression de gravité, et la douce figure d'Éthel, pâle et confuse pendant le long soliloque de l'officier, se ranima de vie et de joie. Elle soupira profondément, comme si son coeur eût été allégé d'un poids insupportable, et son sourire triste et furtif s'élança au-devant du nouveau venu.– C'était Ordener.

      Le vieillard, la jeune fille et l'officier étaient devant Ordener dans une position singulière, ils avaient chacun un secret commun avec lui; aussi se gênaient-ils réciproquement. Le retour d'Ordener au donjon ne surprit ni Schumacker ni Éthel, qui l'attendaient; mais il étonna le lieutenant, autant que la présence du lieutenant surprit Ordener, qui aurait pu craindre quelque indiscrétion de l'officier sur la scène de la veille, si le silence prescrit par la loi courtoise ne l'eût rassuré. Il ne pouvait donc que s'étonner de le voir paisiblement assis près des deux prisonniers.

      Ces quatre personnages ne pouvaient rien se dire réunis, précisément parce qu'ils auraient eu beaucoup à se dire isolément. Aussi, hormis les regards d'intelligence et d'embarras, l'accueil que reçut Ordener fut-il absolument muet.

      Le lieutenant partit d'un éclat de rire.

      – Par la queue du manteau royal, mon cher nouveau-venu, voilà un silence qui ne ressemble pas mal à celui des sénateurs gaulois, quand le romain Brennus.... Je ne sais, en honneur, déjà plus qui était romain ou gaulois, des sénateurs ou du général. N'importe! puisque vous voilà, aidez-moi à instruire cet honorable vieillard de ce qui se passe de nouveau. J'allais, sans votre subite entrée en scène, l'entretenir du mariage illustre qui occupe en ce moment mèdes et persans.

      – Quel mariage? dirent en même temps Ordener et Schumacker.

      – À la coupe de vos vêtements, seigneur étranger, s'écria le lieutenant en frappant des mains, j'avais déjà pressenti que vous veniez de quelque autre monde. Voici une question qui change en certitude mon soupçon. Vous êtes sans doute débarqué hier sur les bords de la Nidder, dans un char-fée attelé de deux griffons ailés; car vous n'auriez pu parcourir la Norvège sans entendre parler du fameux mariage du fils du vice-roi avec la fille du grand-chancelier.

      Schumacker se tourna vers le lieutenant.

      – Quoi! Ordener Guldenlew épouse Ulrique d'Ahlefeld?

      – Comme vous dites, répondit l'officier, et cela sera conclu avant que la mode des vertugadins à la française soit passée à Copenhague.

      – Le fils de Frédéric doit avoir environ vingt-deux ans; car j'étais depuis une année dans la forteresse de Copenhague quand le bruit de sa naissance parvint jusqu'à moi. Qu'il se marie jeune, continua Schumacker avec un sourire amer; au moment de la disgrâce on ne lui reprochera pas du moins d'avoir ambitionné le chapeau de cardinal.

      Le vieux favori faisait à ses propres malheurs une allusion que le lieutenant ne comprit pas.

      – Non certes, dit-il en éclatant de rire. Le baron Ordener va recevoir le titre de comte, le collier de l'Éléphant et les aiguillettes de colonel, qui ne se concilient guère vraiment avec la barrette de cardinal.

      – Tant mieux, répondit Schumacker. Puis, après une pause, il ajouta, secouant la tête comme s'il eût vu sa vengeance devant lui:– Quelque jour peut-être on lui fera un carcan du noble collier, on lui brisera sur le front sa couronne de comte, on lui battra les joues de ses aiguillettes de colonel. Ordener saisit la main du vieillard.

      – Dans l'intérêt de votre haine, seigneur, ne maudissez pas le bonheur d'un ennemi avant de savoir si ce bonheur en est un pour lui.

      – Eh! mais, dit le lieutenant, qu'importent au baron de Thorvick les anathèmes du bonhomme?

      – Lieutenant! s'écria Ordener, ils lui importent plus que vous ne pensez....– peut-être.– Et, poursuivit-il après un moment de silence, votre fameux mariage est moins certain que vous ne le croyez.

      – Fiat quod vis, repartit le lieutenant avec une salutation ironique; le roi, le vice-roi et le grand-chancelier ont, il est vrai, tout disposé pour cette union; ils la désirent, ils la veulent; mais puisqu'elle déplaît au seigneur étranger, qu'importe le grand-chancelier, le vice-roi et le roi!

      – Vous avez peut-être raison, dit Ordener d'un air sérieux.

      – Oh! sur ma foi!– et le lieutenant se renversa sur le dos en éclatant de rire,– cela est trop plaisant. Je voudrais pour beaucoup que le baron de Thorvick fût ici pour entendre un devin aussi bien instruit des choses de ce monde décider de sa destinée. Mon docte prophète, croyez-moi, vous n'avez pas encore assez de barbe pour être bon sorcier.

      – Seigneur lieutenant, répondit froidement Ordener, je ne pense pas qu'Ordener Guldenlew épouse une femme sans l'aimer.

      – Eh! eh! voilà le livre des maximes. Et qui vous dit, seigneur du manteau vert, que le baron n'aime pas Ulrique d'Ahlefeld?

      – Et, s'il vous plaît, à votre tour, qui vous dit qu'il l'aime?

      Ici le lieutenant fut entraîné, comme il arrive souvent, par la chaleur de la conversation, à affirmer un fait dont il n'était pas sûr.

      – Qui me dit qu'il l'aime? la question est amusante! J'en suis fâché pour votre divination; mais tout le monde sait que ce mariage n'est pas moins un mariage de passion que de convenance.

      – Excepté moi, du moins, dit Ordener d'un ton grave.

      – Excepté vous, soit; mais qu'importe! vous n'empêcherez pas que le fils du vice-roi ne soit amoureux de la fille du chancelier!

      – Amoureux?

      – Amoureux fou!

      – Il faudrait en effet qu'il fût fou pour en être amoureux.

      – Holà! n'oubliez pas de qui et à qui vous parlez. Ne dirait-on pas que le fils du comte vice-roi n'a pu s'éprendre d'une dame sans СКАЧАТЬ