Han d'Islande. Victor Hugo
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Название: Han d'Islande

Автор: Victor Hugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ y avait plusieurs heures qu'il était absorbé dans ses méditations; et, prêt enfin à quitter ses livres pour son lit, il s'était arrêté à ce passage lugubre de Thormodus Torfoeus:

      «Quand un homme allume sa lampe, la mort est chez lui avant qu'elle soit éteinte…»

      – N'en déplaise au savant docteur, se dit-il à demi-voix, il n'en sera point ainsi chez moi ce soir. Et il prit sa lampe pour la souffler.

      – Spiagudry! cria une voix qui sortait de la salle des cadavres.

      Le vieux concierge trembla de tous ses membres. Ce n'est pas qu'il crût, comme tout autre peut-être à sa place, que les tristes hôtes du Spladgest s'insurgeaient contre leur gardien. Il était assez savant pour ne pas éprouver de ces terreurs imaginaires; et la sienne n'était si réelle que parce qu'il connaissait trop bien la voix qui l'appelait.

      – Spiagudry! répéta violemment la voix, faudra-t-il, pour te faire entendre, que j'aille t'arracher les oreilles?

      – Que saint Hospice ait pitié, non de mon âme, mais de mon corps! dit l'effrayé vieillard; et, d'un pas que la peur pressait et ralentissait à la fois, il se dirigea vers la seconde porte latérale, qu'il ouvrit. Nos lecteurs n'ont pas oublié que cette porte communiquait à la salle des morts.

      La lampe qu'il portait éclaira alors un tableau bizarrement hideux. D'un côté, le corps maigre, long et légèrement voûté de Spiagudry; de l'autre, un homme petit, épais et trapu, vêtu de la tête aux pieds de peaux de toutes sortes d'animaux encore teintes, d'un sang desséché, et debout au pied du cadavre de Gill Stadt, qui, avec ceux de la jeune fille et du capitaine, occupait le fond de la scène. Ces trois muets témoins, ensevelis dans une sorte de pénombre, étaient les seuls qui pussent'voir, sans fuir d'épouvanté, les deux vivants dont l'entretien commençait.

      Les traits du petit homme, que la lumière faisait vivement ressortir, avaient quelque chose d'extraordinairement sauvage. Sa barbe était rousse et touffue, et son front, caché sous un bonnet de peau d'élan, paraissait hérissé de cheveux de môme couleur; sa bouche était large, ses lèvres épaisses, ses dents blanches, aiguës et séparées; son nez, recourbé comme le bec de l'aigle; et son oeil gris bleu, extrêmement mobile, lançait sur Spiagudry un regard oblique, où la férocité du tigre n'était tempérée que par la malice du singe. Ce personnage singulier était armé d'un large sabre, d'un poignard sans fourreau, et d'une hache à tranchants de pierre, sur le long manche de laquelle il était appuyé; ses mains étaient couvertes de gros gants de peau de renard bleu;

      – Ce vieux spectre m'a fait attendre bien longtemps, dit-il, se parlant à lui-même; et il poussa une espèce de rugissement comme une bête des bois.

      Spiagudry aurait certainement pâli d'effroi, s'il eût pu pâlir.

      – Sais-tu bien, poursuivit le petit homme en s'adressant à lui directement, que je viens des grèves d'Urchtal? Avais-tu donc envie, en me retardant, d'échanger ta couche de paille contre une de ces couches de pierre?

      Le tremblement de Spiagudry redoubla; les deux seules dents qui lui restaient s'entre-choquèrent avec violence.

      – Pardonnez, maître, dit-il en courbant l'arc de son grand corps jusqu'au niveau du petit homme, je dormais d'un profond sommeil.

      – Veux-tu que je te fasse connaître un sommeil plus profond encore?

      Spiagudry fit une grimace de terreur, qui seule pouvait être plus plaisante que ses grimaces de gaieté.

      – Eh bien! qu'est-ce? continua le petit homme. Qu'as-tu? Est-ce que ma présence ne t'est pas agréable?

      – Oh! mon maître et seigneur, répondit le vieux concierge, il n'est certainement pas pour moi 'de bon heur plus grand que la vue de votre excellence.

      Et l'effort qu'il faisait pour donner à sa physionomie; effrayée une expression riante eût déridé tout autre que des morts.

      – Vieux renard sans queue, mon excellence t'ordonne de me remettre les vêtements de Gill Stadt. En prononçant ce nom, le visage farouche et railleur du petit homme devint sombre et triste.

      – Oh! maître, pardonnez, je ne les ai plus, dit Spiagudry; votre grâce sait que nous sommes obligés de livrer au fisc royal les dépouilles des ouvriers des mines, dont le roi hérite en sa qualité de leur tuteur né.

      Le petit homme se tourna vers le cadavre, croisa les bras, et dit d'une voix sourde:– Il a raison. Ces misérables mineurs sont comme l'eider[3]; on lui'fait son nid, on lui prend son duvet.

      Puis soulevant le cadavre entre ses bras et l'étreignant fortement, il se mit à pousser des cris sauvages d'amour et de douleur, pareils aux grondements d'un ours qui caresse son petit. À ces sons inarticulés, se mêlaient, par intervalles, quelques mots d'un jargon étrange que Spiagudry ne comprenait pas.

      11 laissa retomber le cadavre sur la pierre, et se tourna vers le gardien.

      – Sais-tu, sorcier maudit, le nom du soldat né sous un mauvais astre qhi a eu le malheur d'être préféré à Gill par cette fille?

      Et il poussa du pied les restes froids de Guth Stersen.

      Spiagudry fit un signe négatif.

      – Eh bien! par la hache d'Ingolphe, le chef de ma race, j'exterminerai tous les porteurs de cet uniforme; et il désignait les vêtements de l'officier.– Celui dont je veux la vengeance se trouvera dans le nombre. J'incendierai toute la forêt pour brûler l'arbuste vénéneux qu'elle renferme. Je l'ai juré du jour où Gill est mort; et je lui ai donné déjà un compagnon qui doit réjouir son cadavre.– O Gill! te voilà donc là sans force et sans vie, toi qui atteignais le phoque à la nage, le chamois à la course, toi qui étouffais l'ours des monts de Kolè à la lutte; te voilà immobile, toi qui parcourais le Drontheimhus depuis l'Orkel jusqu'au lac de Smiasen en un jour, toi qui gravissais les pics du Dofre-Field comme l'écureuil gravit le chêne; te voilà muet, Gill, toi qui, debout sur les sommets orageux de Kongsberg, chantais plus haut que le tonnerre. O Gill! c'est donc en vain que j'ai comblé pour toi les mines de Fa-roër; c'est en vain que j'ai incendié l'église cathédrale de Drontheim; toutes mes peines sont perdues, et je ne verrai pas se perpétuer en toi la race des enfants d'Islande, la descendance d'Ingolphe l'Exterminateur; tu n'hériteras pas de ma hache de pierre; et c'est toi au contraire qui me lègues ton crâne pour y boire désormais l'eau des mers et le sang des hommes.

      À ces mots, saisissant la tête du cadavre:

      – Spiagudry, dit-il, aide-moi. Et arrachant ses gants, il découvrit ses-larges mains, armées d'ongles longs, durs et retors comme ceux d'une bête fauve.

      Spiagudry, qui le vit prêt à faire sauter avec son sabre le crâne du cadavre, s'écria avec un accent d'horreur qu'il ne put réprimer:– Juste Dieu! maître! un mort!

      – Eh bien, répliqua traquillement le petit homme, aimes-tu mieux que cette lame s'aiguise ici sur un vivant?

      – Oh! permettez-moi de supplier votre courtoisie… Comment votre excellence peut-elle profaner?… Votre grâce.... Seigneur, votre sérénité ne voudra pas....

      – Finiras-tu? ai-je besoin de tous ces titres, squelette vivant, pour croire à ton profond respect pour mon sabre?

      – Par saint Waldemar, par saint Usuph, au nom de saint Hospice, épargnez un mort!

      – Aide-moi, СКАЧАТЬ