Han d'Islande. Victor Hugo
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Название: Han d'Islande

Автор: Victor Hugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ puis, refermant toutes les portes, vint se délasser sur son grabat des fatigues de la nuit qui s'achevait, et prendre des forces pour celle qui se préparait.

      IX

      JULIETTE.

      Ah! crois-tu que nous nous revoyions jamais?

      ROMÉO.

      Je n'en doute point; et toutes ces peines deviendront le doux entretien de nos jours à venir.

SHAKESPEARE.

      Le fanal du château de Munckholm venait de s'éteindre, et, à sa place, le matelot entrant dans le golfe de Drontheim voyait le casque du soldat de garde briller de loin, comme une étoile mobile, aux rayons du soleil levant, quand Schumacker, appuyé sur le bras de sa fille, descendit comme de coutume dans le jardin circulaire qui environnait sa prison. Tous deux avaient eu une nuit agitée, le vieillard par l'insomnie, la jeune fille par des rêves délicieux. Ils se promenaient depuis quelque temps en silence, quand le vieux prisonnier attacha sur la belle jeune fille un regard triste et grave:

      – Vous rougissez et souriez toute seule, Éthel; vous êtes heureuse, car vous ne rougissez pas du passé, et vous souriez à l'avenir.

      Éthel rougit plus fort, et cessa de sourire.

      – Mon seigneur et père, dit-elle, embarrassée et confuse, j'ai apporté le livre de l'Edda.

      – Eh bien, lisez, ma fille, dit Schumacker; et il retomba dans sa rêverie.

      Alors le sombre captif, assis sur un rocher noirâtre ombragé d'un sapin noir, écouta la douce voix de sa fille, sans entendre sa lecture, comme un voyageur altéré se plaît au murmure de la source où il puise la vie.

      Éthel lui lut l'histoire de la bergère Allanga, qui refusa un roi jusqu'à ce qu'il eût prouvé qu'il était un guerrier. Le prince Regner Lodbrog n'obtint la bergère qu'en revenant vainqueur du brigand de Klipstadur, Ingolphe l'Exterminateur.

      Soudain un bruit de pas et de feuillage froissé vint interrompre sa lecture et arracher Schumacker à sa méditation. Le lieutenant d'Ahlefeld sortit de derrière le rocher où ils étaient assis. Éthel baissa la tête en reconnaissant l'interrupteur éternel, et l'officier s'écria:

      – Sur ma foi, ma belle damoiselle, le nom d'Ingolphe l'Exterminateur vient d'être prononcé par votre charmante bouche. Je l'ai entendu, et je présume que c'est en parlant de son petit-fils, Han d'Islande, que vous êtes remontée jusqu'à lui. Les damoiselles aiment beaucoup à parler des brigands. Sous ce rapport, on conte d'Ingolphe et de sa descendance des choses singulièrement agréables et effrayantes à entendre. L'exterminateur Ingolphe n'eut qu'un fils, né de la sorcière Thoarka; ce fils n'eut également qu'un fils, né de même d'une sorcière. Depuis quatre siècles, cette race s'est ainsi perpétuée pour la désolation de l'Islande, toujours par un seul rejeton, qui ne produit jamais qu'un rameau. C'est par cette série d'héritiers uniques que l'esprit infernal d'Ingolphe est arrivé de nos jours sain et entier au fameux Han d'Islande, qui avait sans doute tout à l'heure le bonheur d'occuper les virginales pensées de la damoiselle.

      L'officier s'arrêta un moment. Éthel gardait le silence de l'embarras; Schumacker, celui de l'ennui. Enchanté de les trouver disposés sinon à répondre, du moins à écouter, il continua:

      – Le brigand de Klipstadur n'a d'autre passion que la haine des hommes, d'autre soin que celui de leur nuire.

      – Il est sage, interrompit brusquement le vieillard.

      – Il vit toujours seul, reprit le lieutenant.

      – Il est heureux, dit Schumacker.

      Le lieutenant fut ravi de cette double interruption, qui semblait sceller un pacte de conversation.

      – Nous préserve le dieu Mithra, s'écria-t-il, de ces sages et de ces heureux! Maudit soit le zéphyr malintentionné qui a apporté en Norvège le dernier des démons d'Islande. J'ai tort de dire malintentionné, car c'est, assure-t-on, à un évêque que nous devons le bonheur de posséder Han de Klipstadur. Si l'on en croit la tradition, quelques paysans islandais, ayant pris sur les montagnes de Bessestedt le petit Han encore enfant, voulurent le tuer, comme Astyage tua le lionceau de Bactriane; mais l'évêque de Scalholt s'y opposa, et prit l'oursin sous sa protection, espérant faire un chrétien du diable. Le bon évêque employa mille moyens pour développer cette intelligence infernale, oubliant que la ciguë ne s'était point changée en lys dans les serres chaudes de Babylone. Aussi le démoniaque adolescent le paya-t-il de ses soins en s'enfuyant une belle nuit sur un tronc d'arbre, à travers les mers, et en éclairant sa fuite de l'incendie du manoir épiscopal. Voilà, selon les vieilles fileuses du pays, comment s'est transporté en Norvège cet islandais, qui, grâce à son éducation, offre aujourd'hui toute la perfection du monstre. Depuis ce temps, les mines de Fa-roër comblées et trois cents ouvriers écrasés sous les décombres; le rocher pendant de Golyn précipité pendant la nuit sur le village qu'il dominait; le pont de Half-Broën croulant du haut des roches sous le passage des voyageurs; la cathédrale de Drontheim incendiée; les fanaux côtiers éteints durant les nuits orageuses, et une foule de crimes et de meurtres ensevelis dans les lacs de Sparbo ou de Smiasen, ou cachés sous les grottes de Walderhog et de Rylass, et dans les gorges du Dofre-Field, ont attesté la présence de cet Arimane incarné dans le Drontheimhus. Les vieilles prétendent qu'il lui pousse un poil de la barbe à chaque crime; en ce cas sa barbe doit être aussi touffue que celle du plus vénérable mage assyrien. La belle damoiselle saura cependant que le gouverneur a plus d'une fois essayé d'arrêter la crue extraordinaire de cette barbe.

      Schumacker rompit encore le silence.

      – Et tous les efforts pour s'emparer de cet homme, dit-il avec un regard de triomphe et un sourire ironique, ont été vains? J'en félicite la grande-chancellerie.

      L'officier ne comprit pas le sarcasme de l'ex-grand-chancelier.

      – Han a jusqu'ici été aussi imprenable qu'Horatius surnommé Coclès. Vieux soldats, jeunes miliciens, campagnards, montagnards, tout meurt ou tout fuit devant lui. C'est un démon qu'on ne saurait éviter ni atteindre; ce qui peut arriver de plus heureux à ceux qui le cherchent, c'est de ne pas le trouver.

      – La gracieuse damoiselle est peut-être surprise, continua-t-il en s'asseyant familièrement près d'Éthel, qui se rapprocha de son père, de tout ce que je sais de curieux touchant cet être surnaturel. Ce n'est pas sans intention que j'ai recueilli ces singulières traditions. Il me semble, et je serais heureux que ma charmante damoiselle partageât mon avis, que les aventures de Han pourraient fournir un roman délicieux, dans le genre des sublimes écrits de la damoiselle Scudéry, l' Artamène ou la Clélie, dont je n'ai encore lu que six volumes, mais qui n'en est pas moins un chef-d'oeuvre à mes yeux. Il faudrait, par exemple, adoucir notre climat, orner nos traditions, modifier nos noms barbares. Ainsi Drontheim, qui deviendrai Durtinianum, verrait ses forêts se changer sous ma baguette magique, en des bosquets délicieux, arrosés de mille petits ruisseaux, bien autrement poétiques que nos vilains torrents. Nos cavernes noires et profondes feraient place à des grottes charmantes, tapissées de rocailles dorées et de coquillages d'azur. Dans l'une de ces grottes habiterait un célèbre enchanteur, Hannus de Thulé…– Car vous conviendrez que le nom de Han d'Islande ne flatte pas l'oreille.– Ce géant…– vous sentez qu'il serait absurde que le héros d'un tel ouvrage ne fût pas un géant— ce géant descendrait en droite ligne du dieu Mars.– Ingolphe l'Exterminateur ne présente rien à l'imagination— et de la magicienne Théonne…– ne trouvez-vous pas le nom de Thoarka heureusement altéré?– fille de la sibylle de Cumes. Hannus, après avoir été élevé par le grand-mage СКАЧАТЬ