Название: La corde au cou
Автор: Emile Gaboriau
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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– Si vous aviez à vous rendre chez monsieur de Claudieuse, quel chemin prendriez-vous?
– La grande route, celle qui passe par Bréchy.
– Vous ne traverseriez pas les marais?
– Certes, non…
– Pourquoi?
– Parce que la Seille est débordée, monsieur, et que les fossés sont pleins d'eau.
– Est-ce qu'en coupant à travers bois, on ne s'abrégerait pas?…
– On aurait moins de chemin à faire, mais on mettrait plus de temps… les sentiers sont mal tracés et encombrés d'ajoncs.
Le procureur de la République dissimulait mal une réelle douleur. De plus en plus, les réponses d'Antoine lui semblaient fâcheuses.
– Maintenant, reprit le juge, si le feu prenait à Boiscoran, apercevrait-on l'incendie de la cour du Valpinson?
– Je ne le crois pas, monsieur; nous sommes séparés par des collines et des bois…
– D'ici, entendez-vous les cloches de Bréchy?
– Quand le vent est au nord, oui, monsieur.
– Et hier soir? Et cette nuit?
– Le ventétait à l'ouest, comme toujours quand il y a tempête.
– De sorte que vous ne savez rien, vous n'avez pas entendu parler d'un… accidentépouvantable.
– Un accident… Je ne sais pas ce que monsieur veut dire.
C'est dans la cour qu'avait lieu cet interrogatoire, et sur ces derniers mots parurent, à cheval, deux gendarmes à qui M. Galpin-Daveline, avant de quitter le Valpinson, avait commandé de venir le rejoindre. Les apercevant:
– Mon Dieu!… s'écria le vieil Antoine, qu'est-ce que cela signifie!… Je cours réveiller monsieur!…
Le juge l'arrêta.
– Pas un mouvement, lui dit-il durement, pas un mot! (Et montrant Ribot aux gendarmes qui avaient mis pied à terre): Vous allez garder ce garçon à vue, ajouta-t-il, et l'empêcher de communiquer avec qui que ce soit. (Puis, revenant à Antoine): Et maintenant, commanda-t-il, conduisez-nous à la chambre de monsieur de Boiscoran!
8. Avec ses apparences de demeure féodale…
Avec ses apparences de demeure féodale, le château de Boiscoran n'était en réalité qu'un pied- à-terre de garçon – pied-à-terre passablement négligé, même.
Des quatre-vingts ou cent pièces qui s'y trouvaient, c'est tout au plus si huit ou dixétaient meublées, et encore de la façon la plus rudimentaire. Un salon, une salle à manger, quelques chambres d'amis, c'était tout autant qu'il en fallait pour les séjours de M. de Boiscoran.
Lui-même occupait au premierétage un tout petit appartement, dont la porte ouvrait sur le palier du grand escalier.
Lorsqu'arrivèrent devant cette porte, guidés par le vieil Antoine, le juge d'instruction, le procureur de la République et le greffier Méchinet:
– Frappez, commanda M. Galpin-Daveline au valet de chambre.
Le bonhomme obéit, et tout aussitôt de l'intérieur:
– Qui est là? cria une voix jeune et forte.
– C'est moi, monsieur, répondit le fidèle serviteur, je voudrais…
– Va-t'en au diable! interrompit la voix.
– Cependant, monsieur…
– Laisse-moi dormir, bourreau, je n'ai pu fermer l'œil qu'au jour…
Impatienté, le juge d'instructionécarta le domestique et, saisissant la poignée de la porte, il essaya de l'ouvrir: elle était fermée en dedans.
Mais il eut vite pris un parti.
– C'est moi, monsieur de Boiscoran, prononça-t-il, ouvrez…
– Eh! c'est ce cher Daveline! fit joyeusement la voix.
– Il faut que je vous parle…
– Et je suis à vous, magistrat très illustre!… Le temps de voiler d'un inexpressible [1] mes formes apolloniennes et j'apparais.
Presque aussitôt, en effet, la porte s'ouvrit, et M. de Boiscoran se montra, les cheveuxébouriffés, les yeux encore chargés de sommeil, mais rayonnant de jeunesse et de santé, la lèvre souriante et la main largement tendue.
– Par ma foi! disait-il, c'est une fameuse inspiration que vous avez eue là, mon cher Daveline, de venir me demander à déjeuner… (Et saluant M. Daubigeon): Sans compter, ajouta-t-il, que je ne saurais trop vous remercier d'avoir décidé à vous accompagner notre cher procureur de la République. C'est une vraie descente de justice…
Mais il s'arrêta, glacé par l'expression du visage de M. Daubigeon, stupéfait de voir M. Galpin-Daveline se reculer au lieu de prendre et de serrer la main qu'il lui tendait.
– Ahç à, qu'est-ce qui arrive, mon cher ami?…
Jamais le juge d'instruction n'avaitété si roide.
– Il nous faut oublier nos relations, monsieur, prononça-t-il. Ce n'est pas l'ami qui se présente chez vous aujourd'hui, c'est le juge.
M. de Boiscoran semblait confondu, mais nulle ombre d'inquiétude n'assombrissait sa franche et loyale physionomie.
– Je veuxêtre pendu, commença-t-il, si je comprends…
– Entrons! fit M. Daveline.
Ils entrèrent, et au moment de passer la porte:
– Monsieur, murmura Méchinet à l'oreille de M. Daubigeon, cet homme est certainement innocent. Jamais un coupable ne nous eût accueillis ainsi…
– Silence! monsieur, dit sévèrement le procureur de la République, qui, cependant, était un peu de l'avis du greffier; silence!
Et, grave et attristé, il alla se placer dans l'embrasure d'une fenêtre.
M. Galpin-Daveline, lui, était debout au milieu de la chambre, et il s'efforçait d'en embrasser et d'en fixer, dans son esprit, jusqu'aux moindres détails.
Le désordre de cette chambre disait avec quelle précipitation M. de Boiscoran avait dû se coucher la veille. Ses effets, ses bottes, sa chemise, son gilet, sa jaquette et son chapeau de pailleétaient jetés au hasard sur les meubles et à terre. Il avait sur lui ce pantalon gris clair, reconnu et désigné successivement par Cocoleu, par Ribot, par Gaudry et par la femme Courtois.
– Maintenant, monsieur, commença M. de Boiscoran, avec cette nuance de mécontentement d'un homme qui se demande si on ne se moque pas de lui, m'expliquerez-vous, puisque vous n'êtes СКАЧАТЬ
1
Pantalon.