Название: Monsieur Lecoq
Автор: Emile Gaboriau
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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– Qui donc est-ce ?…
– L’individu lui-même, monsieur, pendant que je cherchais dix francs pour les lui rendre sur un louis qu’il venait de me remettre. Vous devez bien voir que l’écriture n’est plus du tout celle des autres inscriptions qui sont au-dessus et au-dessous….
Oui, Lecoq voyait cela, et c’était un argument irréfutable, précis et terrible comme un coup de bâton.
– Êtes-vous bien sûre, au moins, insista-t-il vivement, que cette mention est de la main de l’homme ?… Le jureriez-vous ?…
Il était si fort troublé, qu’il oublia sa prononciation exotique. La femme s’en aperçut, car elle recula, enveloppant d’un regard soupçonneux ce faux étranger.
Puis, à la défiance, la colère d’avoir été prise pour dupe, parut succéder.
– Je sais ce que je dis ! déclara-t-elle un peu plus que sèchement. Et ensuite, en voilà assez, n’est-ce pas ?
Reconnaissant qu’il s’était trahi, et honteux de son peu de sang-froid, Lecoq renonça à son accent d’outre-Manche.
– Pardon, dit-il, une question encore. Avez-vous toujours la malle de cet individu ?
– Naturellement.
– Ah !… vous me rendriez un immense service en me la montrant.
– Vous la montrer ! s’écria la blonde hôtesse indignée. Ah ça, pour qui me prenez-vous ?… Que voulez-vous, qui êtes-vous ?…
– Dans une demi-heure vous le saurez, répondit le jeune policier qui comprit l’inutilité de toute espèce d’insistance.
Il sortit brusquement, courut jusqu’à la place de Roubaix, sauta dans une voiture, et donna l’adresse du commissaire du quartier, promettant cent sous, outre la course, au cocher, s’il menait bon train. À ce prix, les maigres rosses volèrent sous le fouet.
Lecoq eut encore du bonheur, le commissaire était chez lui. Lecoq déclina sa qualité, et fut aussitôt conduit devant le magistrat du quartier.
– Ah !… monsieur, s’écria-t-il, venez à mon secours.
Et tout d’une haleine, il se mit à conter juste ce qu’il fallait de l’histoire pour être tiré d’embarras.
Dès qu’il eut fini :
– C’est pourtant vrai ! exclama le commissaire, on est venu me chercher pour cet homme disparu, Casimir me l’a dit ce matin…
– On est venu … vous … pré-ve-nir … balbutia Lecoq.
– Hier … oui… mais j’ai eu tant d’occupations !… Enfin, mon garçon, que puis-je pour vous être utile ?
– Venir avec moi, monsieur, exiger qu’on nous représente la malle, requérir un serrurier pour l’ouvrir. Voici des pouvoirs, un mandat de perquisition que le juge d’instruction m’a remis en tout cas. Ne perdons pas une minute, j’ai une voiture à votre porte.
– Partons ! dit simplement le commissaire.
Quand ils furent dans le fiacre qui repartit au galop :
– Maintenant, monsieur, demanda le jeune policier, permettez-moi de vous demander si vous connaissez la femme qui tient l’hôtel de Mariembourg ?…
– Très bien !… Lorsque j’ai été nommé à cet arrondissement, il y a six ans, je n’étais pas marié, et j’ai pris mes repas assez longtemps à la table d’hôte de cette dame … Casimir, mon secrétaire, y mange encore.
– Et quelle espèce de femme est-ce ?…
– Mais, ma foi !… mon jeune camarade, Mme Milner, – tel est son nom, – est une très respectable veuve, aimée et estimée dans le quartier, dont les affaires prospèrent, et qui reste veuve uniquement parce que cela lui plaît, car elle est fort agréable encore et excessivement à l’aise…
– Alors, vous ne la croiriez pas capable, moyennant une bonne somme, de … comment dirai-je ?… de servir quelque prévenu très riche…
– Devenez-vous fou !… interrompit le commissaire. Madame Milner consentir à un faux témoignage pour de l’argent !… Ne viens-je donc pas de vous dire qu’elle est honnête, et qu’elle a de la fortune ?… D’ailleurs elle m’avait fait prévenir, dès hier, ainsi….
Lecoq se tut, on arrivait.
En voyant apparaître derrière « son » commissaire le questionneur obstiné, Mme Millier parut tout comprendre.
– Jésus !… s’écria-t-elle, un agent ! J’aurais dû m’en douter. Il y a un crime. Voilà mon hôtel perdu de réputation.
Il fallut du temps pour la rassurer et la consoler ; tout le temps employé à chercher un serrurier aux environs.
Enfin, on monta à la chambre de l’homme disparu, et Lecoq se précipita sur la malle.
Ah !… il n’y avait pas à dire non, elle venait de Leipzig, les petits carrés de papier collés par les diverses administrations de chemins de fer le prouvaient.
On l’ouvrit : tout ce que l’homme avait annoncé s’y trouvait.
Lecoq était pétrifié. Il regarda, d’un air stupide, le commissaire serrer le tout dans une armoire dont il prit la clef, puis il sortit.
Il sortit, se tenant aux murs, la tête perdue, et on l’entendit trébucher comme un ivrogne dans les escaliers.
Chapitre 24
Le mardi gras, cette année-là, fut très gai, ce qui veut dire que le Mont-de-Piété et les bals publics firent des affaires.
Quand, vers minuit, Lecoq quitta l’hôtel de Mariembourg, les rues étaient bruyantes et peuplées comme en plein midi, et les cafés regorgeaient de consommateurs.
Mais le jeune policier n’avait pas le cœur à la joie. Il se mêlait à la foule sans la voir et fendait les groupes sans entendre les imprécations que soulevait sa brusquerie.
Où il allait ?… il l’ignorait. Il marchait droit devant lui, sans but, au hasard, plus éperdu que le joueur dont le dernier louis perdu a emporté la dernière espérance.
– Il faut se rendre, murmurait-il, l’évidence éclate, mes présomptions n’étaient que chimères, mes déductions, jeux de hasard ! Il ne me reste plus qu’à me tirer avec le moins de dommage et de ridicule possibles de ce mauvais pas.
Il venait d’atteindre le boulevard, quand une idée jaillit de sa cervelle, si éblouissante, qu’il ne put retenir un cri.
– Je ne suis qu’un sot !
Et il se frappait le front à le briser.
– Est-il possible, poursuivait-il, СКАЧАТЬ