Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ à peu, le juge d’instruction se remettait.

      – Savez-vous, monsieur l’agent, dit-il, ce que prouvent vos justes réflexions ?

      – J’écoute, monsieur.

      – Eh bien, voici ma conclusion : Ou cet homme est véritablement Mai, « pour tourner le compliment, » comme il dit, ou il appartient aux plus hautes sphères sociales. Pas de milieu. Ce n’est qu’aux derniers échelons, ou aux premiers de la société, qu’on rencontre la sombre énergie dont il a fait preuve, ce mépris de la vie, tant de présence d’esprit et de résolution. Un vulgaire bourgeois attiré à la Poivrière par quelque passion inavouable, eût tout avoué il y a longtemps, et réclamé la faveur de la pistole…

      – Mais, monsieur, ce prévenu n’est pas le pitre Mai, dit le jeune policier.

      – Non certes, répondit M. Segmuller ; c’est donc à vous à voir en quel sens doivent être dirigées les investigations.

      Il sourit amicalement, et de sa meilleure voix ajouta :

      – Était-il bien besoin de vous dire cela, monsieur Lecoq ?… Non, car à vous revient l’honneur d’avoir pénétré la fraude. Pour moi, je le confesse, si je n’eusse été averti, je serais en ce moment la dupe de ce grand artiste.

      Le jeune policier s’inclina, le vermillon de la modestie sur les joues ; mais la vanité heureuse éclatait dans ses yeux plus brillants que des escarboucles.

      Quelle différence entre ce juge expansif et bienveillant et l’autre, si taciturne et si hautain !

      Celui-ci, au moins, le comprenait, l’appréciait, l’encourageait, et c’est avec des présomptions communes et une égale ardeur qu’ils allaient s’élancer à la découverte de la vérité.

      S’il n’eût fallu que remuer le petit doigt, ce doigt qui tue les mandarins, pour guérir subitement la jambe cassée de M. d’Escorval, Lecoq eût peut-être hésité.

      Ainsi pensait le jeune agent…

      Mais il songea aussi que sa satisfaction était un peu bien prématurée, et que le succès était encore des plus problématiques.

      Le souvenir de la peau de l’ours vendue trop tôt lui rendit tout son sang-froid.

      – Monsieur, reprit-il d’un ton calme, il m’est venu une idée.

      – Voyons ?…

      – La veuve Chupin, vous vous le rappelez sans doute, nous a parlé de son fils, un certain Polyte….

      – Oui, en effet.

      – Ce garçon, un détestable garnement, a obtenu de rester au Dépôt jusqu’à son jugement. Pourquoi ne l’interrogerait-on pas ? Il doit connaître tous les habitués de la Poivrière, et nous donnerait peut-être sur Gustave, sur Lacheneur et sur le meurtrier lui-même des renseignements précieux. Comme il n’est pas au secret, il a probablement appris l’arrestation de sa mère, mais il me paraît impossible qu’il se doute des perplexités de la justice.

      – Ah !… vous avez cent fois raison !… s’écria le juge. Comment n’ai-je pas songé à cela ! Demain, dès le matin, j’interrogerai cet individu, que sa situation d’inculpé rendra plus maniable qu’un autre. Je veux aussi questionner sa femme…

      Il se retourna vers son greffier et ajouta :

      – Vite, Goguet, préparez une citation au nom de la femme Hippolyte Chupin, et remplissez une ordonnance d’extraction.

      Mais la nuit était venue, on n’y voyait plus assez pour écrire ; le greffier sonna et demanda de la lumière.

      L’huissier qui avait apporté les lampes se retirait, quand on frappa à la porte. Il ouvrit et le directeur du Dépôt fit son entrée, son chapeau à la main.

      Depuis vingt-quatre heures, ce digne fonctionnaire était fort préoccupé de ce locataire mystérieux qu’il avait logé au numéro 3 des secrets, et il venait aux informations.

      – Je viens vous demander, monsieur, dit-il au juge, si je dois continuer à maintenir séquestré le prévenu Mai ?

      – Oui, monsieur.

      – C’est que je redoute sa fureur, et que d’un autre côté, il me répugne de lui remettre la camisole de force.

      – Laissez-le libre dans sa cellule, dit M. Segmuller, recommandez qu’on le traite doucement, et contentez-vous de faire exercer sur lui une incessante surveillance.

      Aux termes de l’article 613, quoique la police des prisons soit confiée à l’autorité administrative, le juge y peut faire exécuter tout ce qu’il croit utile à l’instruction.

      Le directeur s’inclina donc, puis il ajouta :

      – Vous avez sans doute, monsieur, réussi à constater l’identité du prévenu ?

      – Non, malheureusement.

      Le directeur secoua la tête d’un air sagace.

      – En ce cas, fit-il, mes conjectures étaient justes. Il me paraît surabondamment démontré que cet homme est un malfaiteur de la pire catégorie, un récidiviste, très certainement, qui a le plus puissant intérêt à dissimuler son individualité. Vous verrez, monsieur, que nous avons affaire à quelque forçat à vie, revenu de Cayenne sans congé.

      – Peut-être vous trompez-vous…

      – Hum !… j’en serais surpris. Je dois avouer que mon sentiment est celui de M. Gévrol, le plus expérimenté et le plus habile des inspecteurs de sûreté. Après cela, il arrive parfois que des agents jeunes et trop zélés se montent la tête, et courent après les chimères de leur imagination.

      Lecoq, tout rouge de colère, allait sans doute répliquer vertement lorsque M. Segmuller, d’un geste, lui imposa silence.

      Ce fut le juge qui répondit en souriant :

      – Ma foi !… cher monsieur, plus j’étudie cette affaire, plus je tiens pour le système de l’agent trop zélé. Après cela, je ne suis pas infaillible, et je compte bien sur vos services…

      – Oh !… j’ai mes moyens de vérification, interrompit l’entêté directeur, et j’espère bien qu’avant vingt-quatre heures notre homme aura été positivement reconnu, soit par les agents du service de la sûreté, soit par les détenus à qui on le montrera.

      Il se retira sur cette promesse, et Lecoq se dressa furieux.

      – Voyez-vous, ce Gévrol, monsieur le juge, s’écria-t-il, déjà il dit du mal de moi, il est jaloux….

      – Eh bien !… que vous importe ! Si vous réussissez, vous êtes vengé…. Si vous échouez, je suis là.

      Et aussitôt, comme l’heure avançait, M. Segmuller remit au jeune policier les pièces de conviction qu’il avait recueillies et qui devaient aider les investigations : la boucle d’oreille d’abord, dont il était indispensable de rechercher l’origine, puis la lettre signée Lacheneur, trouvée dans la poche de Gustave, le faux soldat.

      Il СКАЧАТЬ