Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ étroite, basse de plafond, percée de quantité de petites portes numérotées, comme le corridor d’un hôtel garni, meublée d’un bout à l’autre d’un grossier banc de chêne noirci par l’usage, telle est la galerie des juges d’instruction.

      Dans le jour, peuplée de ses hôtes habituels, prévenus, témoins et gardes de Paris, elle est d’une tristesse navrante.

      Elle est sinistre, quand elle est déserte, la nuit venue, à peine éclairée par la lampe fumeuse de l’huissier de semaine attendant quelque juge attardé.

      Si peu impressionnable que fut Lecoq, il eut le cœur serré en suivant cet interminable couloir, et il se hâta de gagner l’escalier pour échapper à l’écho de ses pas, lugubres dans ce silence.

      À l’étage inférieur, une fenêtre était restée ouverte, il s’y pencha pour reconnaître l’état du temps au dehors.

      La température s’était singulièrement adoucie. Plus de neige, les pavés étaient presque secs. C’est à peine si un léger brouillard, illuminé des lueurs rouges du gaz, se balançait comme un velum de pourpre au-dessus de Paris.

      En bas, la rue était à l’apogée de son animation : les voitures circulaient plus rapides, les trottoirs devenaient trop étroits pour la foule bruyante qui, la journée finie, courait à ses plaisirs.

      Ce spectacle arracha un soupir au jeune policier.

      – Et c’est dans cette ville immense, murmura-t-il, au milieu de tout ce monde, que je prétends retrouver les traces d’un inconnu !… Est-ce possible ?…

      Mais cette défaillance ne dura pas.

      – Oui, c’est possible, lui criait une voix au-dedans de lui-même ; d’ailleurs, il le faut, c’est l’avenir ! Ce qu’on veut, on le peut.

      Dix secondes après, il était dans la rue, plus que jamais enflammé de courage et d’espoir.

      L’homme, malheureusement, n’a pour servir des désirs sans limites, que des organes fort bornés. Le jeune policier n’eut pas fait vingt pas qu’il reconnut que ses forces physiques trahissaient sa volonté : ses jambes fléchissaient, la tête lui tournait. La nature reprenait ses droits : depuis deux jours et deux nuits, il n’avait pas reposé une minute, et il n’avait rien pris de la journée.

      – Vais-je donc me trouver mal ? pensa-t-il, réduit à s’asseoir sur un banc.

      Et il se désolait, en récapitulant tout ce qu’il avait à faire dans la soirée.

      Ne devait-il pas, pour ne parler que du plus pressé, s’informer des résultats de la chasse du père Absinthe, rechercher si l’une des victimes avait été reconnue à la Morgue, vérifier dans les hôtels qui entourent la gare du Nord les assertions du prévenu, enfin se procurer l’adresse de la femme de Polyte Chupin pour lui remettre l’assignation ?…

      Sous le fouet de l’impérieuse nécessité, il réussit à triompher de sa faiblesse, et il se dressa en murmurant :

      – Je vais toujours passer rue de Jérusalem et à la Morgue, après je verrai.

      Mais à la Préfecture il ne trouva pas le père Absinthe, et personne ne put lui en donner des nouvelles. Le bonhomme ne s’était pas montré.

      Personne, non plus, ne put lui indiquer, même vaguement, la demeure de la bru de la veuve Chupin.

      En revanche, il rencontra bon nombre de ses collègues, qui se moquèrent de lui outrageusement.

      – Ah ! tu es un lapin !… lui disaient tous ceux qu’il abordait, il paraît que tu viens de faire une fameuse découverte !… on parle de toi pour la croix !…

      L’influence de Gévrol se trahissait. L’ombrageux inspecteur, en effet, racontait à tout venant que ce pauvre Lecoq, fou d’ambition, s’obstinait à prendre pour un gros personnage déguisé un vulgaire repris de justice.

      Bast !… ces quolibets ne touchaient guère le jeune policier. Rira bien qui rira le dernier, marmottait-il.

      Si sa mine était inquiète pendant qu’il remontait le quai des Orfèvres, c’est qu’il ne s’expliquait pas l’absence prolongée du vieux Absinthe. Il se demandait encore si Gévrol, dans le délire de sa jalousie, ne serait pas bien capable d’essayer d’embrouiller sous main tous les fils de l’affaire.

      À la Morgue, il n’eut pas meilleure aventure. Après qu’il eut sonné trois ou quatre fois, le gardien qui vint lui ouvrir lui déclara que les cadavres restaient toujours inconnus et qu’on n’avait pas revu le vieil agent envoyé le matin.

      – Décidément, pensa le jeune policier, je débute mal … Allons dîner, cela rompra la chance, et j’ai bien gagné la bouteille de bon vin que je veux m’offrir.

      Ce fut une heureuse inspiration. Ce que c’est que de nous !… Un potage et deux verres de vin de bordeaux versèrent dans son sang une audace et une énergie nouvelles. S’il sentait encore sa lassitude, elle était tolérable, quand il sortit du restaurant, un cigare aux lèvres.

      C’est à ce moment qu’il regretta la voiture et le bon cheval du père Papillon !… Un fiacre passait, par fortune, il le prit, et huit heures sonnaient quand il mit pied à terre sur la place de la gare du chemin de fer du Nord. Il s’arrêta d’abord, puis les investigations commencèrent.

      Bien entendu, il ne se présentait pas dans les maisons sous son titre d’agent de la sûreté. C’eût été le moyen de ne rien savoir.

      Rien qu’en se coiffant en arrière et en haussant son faux-col, il s’était donné un certain air exotique, et c’est avec un accent anglais assez prononcé qu’il demandait des nouvelles d’un ouvrier étranger.

      Mais vainement il employait toute son adresse à questionner, partout on lui répondait la même chose :

      – Nous ne connaissons pas, nous n’avons pas vu !…

      Le contraire eût étonné Lecoq, persuadé que le meurtrier n’avait imaginé cette histoire de malle déposée dans un hôtel, que pour donner à son récit un cachet plus net de vraisemblance.

      S’il s’obstinait, s’il notait sur son calepin les hôtels visités, c’est qu’il voulait être bien sûr de la déconvenue du prévenu quand on l’amènerait sur le terrain pour le convaincre de mensonge.

      Rue de Saint-Quentin, c’est par l’hôtel de Mariembourg qu’il débuta.

      La maison était d’apparence modeste, mais propre et bien tenue. Le jeune policier poussa le portillon à claire-voie muni d’une sonnette qui défendait l’accès du vestibule, et pénétra dans le bureau de l’hôtel, une jolie pièce éclairée par un bec de gaz à globe de verre dépoli.

      Il y avait une femme dans ce bureau.

      Elle était hissée sur une chaise, le visage à hauteur d’une cage couverte d’un grand morceau de lustrine noire, et elle répétait avec acharnement trois ou quatre mots allemands.

      Elle s’appliquait si fort à cet exercice, que Lecoq fut obligé de tousser et de faire du bruit pour attirer son attention.

      Enfin, elle se retourna.

      – Aôh !… СКАЧАТЬ