Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ rampe de l’escalier, palpitante, l’œil et l’oreille au guet.

      Dès qu’elle aperçut les deux agents qui remontaient aussi lentement qu’ils étaient descendus vite, elle s’avança :

      – Au nom du ciel, demandait-elle, que se passe-t-il, qu’est-ce que cela signifie ?…

      Mais Lecoq n’était pas homme à conter ses affaires dans un corridor tapissé d’oreilles, et c’est seulement quand il eut repoussé la jeune femme dans sa mansarde, la porte refermée, qu’il lui répondit.

      – Il y a que nous venons de donner la chasse à un complice des meurtres de la Poivrière. Il arrivait espérant vous trouver seule, notre présence l’a effarouché.

      – Un assassin !… balbutia Toinon, en joignant les mains. Que pouvait-il me vouloir ?

      – Qui sait ? Il est a supposer qu’il est des amis de votre mari.

      – Oh !… monsieur….

      – Quoi !… Ne venez-vous pas de nous dire que Polyte a les plus détestables connaissances ! Rassurez-vous, cela ne le compromet en rien. Vous avez d’ailleurs un moyen simple d’écarter de lui les soupçons.

      – Un moyen ! Lequel ? Oh ! dites vite….

      – C’est de me répondre franchement, et de me mettre à même, vous qui êtes une honnête femme, d’arrêter le coupable. Parmi tous les amis de votre mari, n’en connaissez-vous pas de capables d’avoir fait le coup ?… Nommez-les moi.

      L’hésitation de la malheureuse fut visible. Souvent, sans doute, elle avait assisté à d’ignobles conciliabules, et on avait dû la menacer de vengeances terribles si elle parlait.

      – Vous n’avez rien à craindre, insista le jeune policier, et jamais, je vous le promets, on ne saura que vous m’avez dit un mot. Puis, quoi que vous disiez, vous ne m’apprendrez peut-être rien. On nous a conté déjà bien des choses de votre vie, sans parler des brutalités dont vous ont rendue victime Polyte et sa mère.

      – Mon mari, monsieur, ne m’a jamais brutalisée, dit fièrement la jeune femme…. Cela, d’ailleurs, ne regarde que moi.

      – Et votre belle-mère ?

      – Elle est peut-être un peu vive ; au fond, elle a bon cœur.

      – Alors, pourquoi diable vous êtes-vous enfuie du cabaret de la veuve Chupin, puisque vous y étiez si heureuse ?

      Toinon-la-Vertu était devenue cramoisie jusqu’à la racine des cheveux.

      – Je me suis sauvée, répondit-elle, pour d’autres raisons. Il venait beaucoup d’hommes ivres là-bas, et des fois, quand j’étais seule, d’aucuns voulaient pousser la plaisanterie un peu loin… Vous me direz que j’ai le poignet solide, et c’est vrai ; aussi j’aurais peut-être patienté… Mais quand je m’absentait il y en avait qui étaient assez bêtes pour faire boire de l’eau-de-vie au petit, au point qu’une fois en rentrant je l’ai trouvé comme mort, raide déjà et tout froid, et il a fallu courir chercher le médecin.

      Elle s’arrêta court, la pupille dilatée. De rouge elle était devenue livide, et c’est d’une voix étranglée qu’elle cria à son fils :

      – Toto !… Malheureux !…

      Lecoq regarda autour de lui, et frissonna ; il avait compris. Cet enfant, qui n’avait pas cinq ans, s’était glissé à quatre pattes près de lui, et lui fouillait dans les poches de son paletot, il le volait, il le dévalisait … et adroitement.

      –Eh bien !… oui, s’écria l’infortunée en fondant en larmes, oui, il y avait encore cela ! Dès que je perdais le petit de vue, des gens l’attiraient dehors. Ils l’emmenaient dans des endroits où il y a du monde, et ils lui apprenaient à chercher dans les poches et à leur apporter ce qu’il y trouvait. Si on s’apercevait de quelque chose, ils se fâchaient très haut contre l’enfant et le battaient… Si personne ne voyait rien, ils lui donnaient un sou pour du sucre d’orge et gardaient ce qu’il avait pris.

      Elle cacha son visage entre ses mains, et, d’une voix inintelligible, ajouta :

      – Et moi, je ne veux pas que mon petit soit un voleur.

      Ce qu’elle ne disait pas, la pauvre créature, c’est que celui qui emmenait ainsi l’enfant et le dressait au vol, c’était le père, son mari à elle, Polyte Chupin. Mais les deux agents le comprenaient bien, et si abominable était le crime de l’homme, et si déchirante la douleur de la femme, qu’ils se sentirent remués jusqu’au plus profond d’eux-mêmes. De ce moment, Lecoq ne songea plus qu’à abréger une scène affreusement pénible. D’ailleurs, l’émotion de cette pauvre mère lui garantissait sa sincérité.

      – Tenez, lui dit-il avec une brusquerie affectée, deux questions seulement, et je vous tiens quitte. Parmi les habitants de votre cabaret, ne s’en trouvait-il pas un du nom de Gustave ?…

      – Non, monsieur, bien sûr.

      – Soit !… Mais Lacheneur, vous devez connaître Lacheneur ?

      – Celui-là, oui.

      Le jeune policier ne put retenir une exclamation de joie. Enfin il tenait, pensait-il, le bout du fil qui allait le conduire à la lumière, à la vérité.

      – Quel homme est-ce ? demanda-t-il vivement.

      – Oh ! il ne ressemble pas aux gens qui boivent chez ma belle-mère. Je ne l’ai vu qu’une fois, mais sa figure m’est restée dans la tête. C’était un dimanche. Il était dans une voiture arrêtée près des terrains vagues et parlait à Polyte. Quand il a été parti, mon mari m’a dit : « Tu vois ce vieux-là, il fera notre fortune. » Je lui ai trouvé l’air d’un monsieur bien respectable….

      – C’est assez, interrompit Lecoq ; maintenant il s’agit, ma bonne, de venir déposer devant le juge. J’ai une voiture en bas. Prenez votre enfant si vous voulez, mais hâtez-vous, venez vite, venez….

      Chapitre 26

      M. Segmuller était de ces magistrats qui chérissent leur profession d’un amour sans partage, qui s’y donnent corps et âme et mettent à l’exercer tout ce qu’ils ont d’énergie, d’intelligence et de sagacité.

      Juge d’instruction, il apportait à la recherche de la vérité la passion tenace du médecin luttant contre une maladie inconnue, l’enthousiasme de l’artiste s’épuisant à la poursuite du beau.

      C’est dire combien impérieusement s’était emparée de son esprit cette affaire ténébreuse du cabaret de la Chupin qui lui était confiée.

      Il y découvrait tout ce qui doit irriter l’intérêt : grandeur du crime, obscurité des circonstances, mystère impénétrable enveloppant les victimes et le meurtrier, attitude étrange d’un prévenu énigmatique.

      L’élément romanesque ne manquait pas, représenté par ces deux femmes dont on avait perdu les traces, et par cet insaisissable complice.

      Enfin l’anxiété du résultat était une attraction de plus. L’amour-propre ne perd jamais ses droits ; et M. Segmuller songeait que le succès СКАЧАТЬ