Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ questions d’identité qui, à tout moment, se représentent, sont le désespoir de la justice.

      Les chemins de fer, la photographie et le télégraphe électrique ont multiplié les moyens d’investigation ; en vain. Tous les jours encore il arrive que des malfaiteurs habiles réussissent à dérober aux juges leur véritable personnalité, et échappent ainsi aux conséquences de leurs antécédents.

      C’est à ce point qu’un spirituel procureur-général disait une fois en riant, – et peut-être ne plaisantait-il qu’à demi :

      « Les confusions de personnes ne cesseront que le jour où la loi prescrira d’imprimer, au fer rouge, un numéro d’ordre sur l’épaule de tout enfant déclaré à la mairie. »

      Certes, M. Segmuller eût souhaité ce numéro d’ordre à l’énigmatique prévenu qui était là devant lui.

      Et cependant, il ne désespérait pas, et sa confidence, si elle était exagérée, n’était pas feinte.

      Il pensait que cette circonstance des deux femmes était le côté faible du système du meurtrier, le point où il devait concentrer ses efforts.

      Il l’abandonna, néanmoins, pénétré de cette juste théorie qu’à un premier interrogatoire, on ne doit traiter à fond aucune question.

      Lorsqu’il estima que sa menace avait produit son effet, il reprit :

      – Ainsi, prévenu, vous affirmez ne connaître aucune des personnes qui se trouvaient dans le cabaret ?

      – Je le jure.

      – Vous n’avez jamais eu occasion de voir un individu dont le nom se trouve mêlé à cette déplorable affaire, un certain Lacheneur ?

      – J’entendais ce nom pour la première fois, quand le soldat mourant l’a prononcé, en ajoutant que ce Lacheneur était un ancien comédien…

      Il eut en gros soupir, et ajouta :

      – Pauvre troupier !…Je venais de lui donner le coup de mort, et ses dernières paroles ont été le témoignage de mon innocence.

      Ce petit mouvement sentimental laissa le juge très froid.

      – Par conséquent, demanda-t-il, vous acceptez la déposition de ce militaire ?

      L’homme hésita, comme s’il eût flairé un piège et calculé la réponse.

      – J’accepte !… dit-il enfin ; bast !…

      – Très bien. Ce soldat, vous devez vous le rappeler, voulait se venger de Lacheneur, lequel, en lui promettant de l’argent, l’avait entraîné dans un complot. Contre qui ce complot ?… Contre vous, évidemment. D’un autre côté, vous prétendez n’être arrivé à Paris que ce soir-là même, et n’avoir été conduit à la Poivrière que par le plus grand des hasards … Conciliez donc cela.

      Le prévenu osa hausser les épaules.

      – Moi, dit-il, je vois les choses autrement. Ces gens tramaient un mauvais coup contre je ne sais qui, et c’est parce que je les gênais qu’ils m’ont cherché querelle à propos de rien.

      Le coup du juge était bon, mais la parade était meilleure ; si bien que le souriant greffier ne put dissimuler une grimace approbative. Lui, d’abord, il était toujours du parti du prévenu… platoniquement, bien entendu.

      – Passons aux faits qui ont suivi votre arrestation, reprit M. Segmuller. Pourquoi avez-vous refusé de répondre à toutes les questions ?…

      Un éclair de rancune réelle ou de commande brilla dans l’œil du meurtrier.

      – C’est bien assez d’un interrogatoire, grommela-t-il, pour faire un coupable d’un innocent !…

      L’homme grossier reparaissait sous le pitre goguenard et bon enfant.

      – Je vous engage, dans votre intérêt, dit sévèrement le juge, à rester convenable. Les agents qui vous ont arrêté ont observé que vous étiez au fait de toutes les formalités et que vous connaissiez les êtres de la prison.

      – Eh ! monsieur, ne vous ai-je pas dit que j’avais été pris et mis en prison plusieurs fois, toujours faute de papiers… Je dis la vérité, par conséquent vous ne me ferez pas me couper, allez !…

      Il avait déposé son masque d’insouciance gouailleuse, et affectait maintenant un ton bourru et mécontent.

      Cependant il n’était pas à bout de peines, l’attaque sérieuse allait seulement commencer. M. Segmuller déposa sur son bureau un petit sac de toile :

      – Reconnaissez-vous ceci ? demanda-t-il.

      – Parfaitement !… c’est le paquet qui a été cacheté au greffe par le directeur.

      Le juge ouvrit le sac et vida sur une feuille de papier la poussière qu’il contenait.

      – Vous n’ignorez pas, prévenu, dit-il, que cette poussière provient de la boue qui recouvrait vos pieds jusqu’à la cheville. L’agent de police qui l’a recueillie s’est transporté au poste où vous avez passé la nuit, et il a constaté, entre cette poussière et celle qui recouvre le sol du violon, une parfaite conformité.

      L’homme écoutait, bouche béante.

      – Donc, continua le juge, c’est au poste certainement, et à dessein que vous vous êtes sali. Quel était votre projet ?

      – Je voulais…

      – Laissez-moi achever. Résolu, pour garder le secret de votre identité, à endosser l’individualité d’un homme des dernières classes de la société, d’un saltimbanque, vous avez réfléchi que les recherches de votre personne vous trahiraient. Vous avez prévu ce qu’on penserait quand on vous ferait déshabiller au greffe, et qu’on verrait sortir de bottes malpropres, grossières, éculées, telles que celles que vous portiez, des pieds soignés comme les vôtres… car ils sont soignés à l’égal de vos mains, et les vôtres sont passés à la lime. Qu’avez-vous fait alors ? Vous avez jeté sur le sol le contenu de la cruche du violon, et vous avez piétiné dans la boue…

      Pendant ce réquisitoire, le visage de l’homme avait exprimé tour à tour l’inquiétude, l’étonnement le plus comique, l’ironie, et en dernier lieu une franche gaîté.

      À la fin, il parut contraint de céder à un de ces accès de fou rire qui coupent la parole.

      – Voilà ce que c’est, dit-il s’adressant non au juge, mais à Lecoq, voilà ce qu’il arrive, quand on cherche midi à quatorze heures. Ah !… monsieur l’agent, il faut être fin, mais pas tant que ça… La vérité est que lorsqu’on m’a mis au poste, il y avait quarante-huit heures, dont trente-six passées en chemin de fer, que je ne m’étais déchaussé. Mes pieds étaient rouges, enflés, et ils me cuisaient comme le feu. Qu’ai-je fait ? J’ai versé de l’eau dessus … Pour le reste, si j’ai la peau douce et blanche, c’est que j’ai soin de moi … De plus, à l’exemple de tous les gens de ma profession, je ne porte jamais que des pantoufles … C’est si vrai que je n’avais pas seulement de bottes à moi quand j’ai quitté Leipzig, et que M. Simpson n’a donné cette vieille paire qu’il ne mettait СКАЧАТЬ