Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ était infâme. Un froid malsain tombait sur les épaules, et au-dessus de la foule planait comme un brouillard infect, tout imprégné des âcres odeurs du chlore, destiné à combattre les miasmes.

      Et aux chuchotements des causeries, entrecoupées d’acclamations et de soupirs, se mêlaient, ainsi qu’un accompagnement continu, le murmure des robinets, placés au chevet de chaque dalle, et le sourd clapotis de l’eau qui coulait et tombait en s’éclaboussant.

      Par les petites fenêtres cintrées, la lumière glissait blafarde sur les corps exposés, faisait saillir énergiquement les muscles, accusait les marbrures des chairs verdâtres, et éclairait sinistrement les haillons pendus autour de l’amphithéâtre, défroques horribles qui doivent aider aux reconnaissances, et qui, au bout d’un certain temps, sont vendues… car rien ne se perd.

      Mais le jeune policier était trop à ses pensées pour remarquer les hideurs du spectacle.

      À peine donna-t-il un coup d’œil aux trois victimes de l’avant-veille. Il cherchait le père Absinthe et ne le découvrait pas.

      Gévrol, volontairement ou non, avait-il manqué à ses promesses, ou bien le vieil homme de la rue de Jérusalem, s’était-il oublié à sa goutte matinale et avait-il bu la consigne ?

      En désespoir de cause, Lecoq s’adressa au chef des gardiens.

      – Il paraît, demanda-t-il, que personne encore n’a reconnu un seul des malheureux de l’affaire de l’autre nuit.

      – Personne !… Et cependant, depuis l’ouverture, nous avons un monde fou. Moi, voyez-vous, si j’étais le maître, des jours comme aujourd’hui, je demanderais deux sous par personne, à la porte, demi-place pour les enfants, et on ferait de fameuses recettes… on couvrirait les frais…

      Cette idée ainsi émise, était un appât présenté à la conversation. Lecoq ne le saisit pas.

      – Excusez, interrompit-il. Ne vous a-t-on pas, dès ce matin, envoyé un agent du service de la sûreté ?

      – En effet.

      – Alors, où est-il passé ?… Je ne l’aperçois pas.

      Le gardien, avant de répondre, toisa d’un œil soupçonneux ce questionneur acharné, et enfin, d’un ton hésitant, il dit :

      – En êtes-vous ?…

      Cette phrase fut lancée dans la circulation, à l’époque où prospéraient d’immondes agents provocateurs, sous la Restauration, elle s’appliquait uniquement à la police. « On en était où on n’en était pas. » La phrase a survécu aux circonstances.

      – J’en suis, répondit le jeune policier, exhibant sa carte à l’appui de son affirmation.

      – Et vous vous nommez ?…

      – Lecoq.

      La physionomie du gardien-chef se fit soudainement souriante :

      – En ce cas, dit-il, j’ai une lettre pour vous, qui vient de m’être remise par votre camarade, lequel était forcé de s’absenter… La voici :

      Le jeune agent rompit immédiatement le cachet, et lut :

      « Monsieur Lecoq… »

      Monsieur !… Cette simple formule de politesse amena sur ses lèvres un léger sourire. N’était-elle pas, de la part du père Absinthe, la reconnaissance explicite de la supériorité de son collègue ? Le jeune policier devina là un dévouement canin qu’il devait payer par cette protection affectueuse du maître pour son premier disciple.

      Cependant, il poursuivait sa lecture :

      « Monsieur Lecoq, j’étais de faction depuis l’ouverture, quand vers neuf heures trois jeunes gens sont entrés bras dessus bras dessous. Ils avaient la tournure et le genre d’employés de magasin. Tout à coup, j’en vois un qui devient plus blanc que sa chemise, et qui montre aux autres un de nos inconnus de chez la Chupin, en disant : Gustave !…

      « Aussitôt ses camarades lui mettent la main sur la bouche, en répétant : Vas-tu te taire, fichue bête, de quoi te mêles-tu, veux-tu donc nous faire arriver de la peine ?

      « Là-dessus ils sortent, et moi je sors derrière eux.

      « Mais celui qui avait parlé était si ému qu’il ne pouvait plus se traîner, de sorte que les autres l’ont conduit dans un petit caboulot.

      « J’y suis entré, moi aussi, et c’est là que je vous fais cette lettre, tout en les guignant du coin de l’œil. Le gardien-chef vous remettra ce papier qui vous expliquera mon absence. Vous comprenez que je vais filer ces gaillards-là.

      « ABS. »

      Cette lettre était d’une écriture presque indéchiffrable, les fautes d’orthographe s’entrelaçaient de ligne en ligne, mais elle était claire et précise, et devait éveiller les plus flatteuses espérances.

      Le visage de Lecoq rayonnait donc, quand il remonta en voiture, et tout en poussant son cheval, le vieux cocher ne put se tenir de questionner.

      – Cela va comme vous voulez, dit-il.

      Un « chut ! » amical fut la seule réponse du jeune policier. Il n’avait pas trop de toute son attention pour coordonner dans son esprit ses renseignements nouveaux.

      Descendu devant la grille du palais, il eut bien de la peine à congédier le vieux cocher, qui voulait absolument rester à ses ordres. Il y réussit cependant, mais il était déjà sous le porche de gauche, que le bonhomme, debout sur son siège, lui criait encore :

      – Chez M. Trigault !… n’oubliez pas !… le père Papillon … numéro 998, – 1, 000 moins 2….

      Parvenu au troisième étage de l’aile gauche du Palais, à l’entrée de cette longue, étroite et sombre galerie qu’on appelle la galerie de l’instruction, Lecoq s’adressa à un huissier installé derrière un bureau de chêne.

      – M. d’Escorval est sans doute dans son cabinet, demanda-t-il.

      L’huissier hocha tristement la tête.

      – M. d’Escorval, répondit-il, n’est pas venu ce matin et il ne viendra pas d’ici des mois….

      – Comment cela ?… Que voulez-vous dire ?

      – Hier soir en descendant de son coupé, à sa porte, il est tombé si malheureusement qu’il s’est cassé la jambe.

      Chapitre 16

      On est riche, on a voiture, chevaux, cocher…, et quand on passe étalé sur les coussins, on recueille plus d’un regard d’envie.

      Mais voilà que le cocher qui a bu un coup de trop verse l’équipage, ou bien les chevaux s’emportent et brisent tout, ou encore l’heureux maître, en un moment de préoccupation, manque le marche-pied et se fracasse la jambe à l’angle du trottoir.

      Tous les jours de pareils accidents arrivent, et même, leur longue liste doit être, pour les humbles piétons, une raison de bénir leur modeste fortune, qui les met à l’abri СКАЧАТЬ