Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ quand il eut expliqué quelles raisons l’avaient fait agir, et le parti qu’on pouvait tirer de ses précautions :

      – Ah ! vous avez raison ! s’écria M. Segmuller, il se peut que nous ayons là un moyen de déconcerter toutes les dénégations du prévenu… C’est, certes, de votre part, un trait de surprenante sagacité.

      Il fallait que ce fût ainsi, car Goguet, le greffier, approuva.

      – Saperlote !… murmura-t-il, je n’aurais pas trouvé celle-là, moi !…

      Tout en causant, M. Segmuller avait fait disparaître dans un vaste tiroir toutes les pièces de conviction, qui ne devaient apparaître qu’en temps et lieu.

      – Maintenant, dit-il, je possède assez d’éléments pour interroger la veuve Chupin. Peut-être en tirerons-nous quelque chose.

      Il allongeait la main vers un cordon de sonnette, Lecoq fit un geste presque suppliant.

      – J’aurais, monsieur, dit-il, une grâce à vous demander.

      – Laquelle ?… parlez.

      – Je m’estimerais bien heureux s’il m’était permis d’assister à l’interrogatoire… Il faut si peu, quelquefois, pour éveiller une heureuse inspiration.

      La loi dit que « l’accusé sera interrogé secrètement par le juge assisté de son greffier, » mais elle admet cependant la présence des agents de la force publique.

      – Soit, répondit M. Segmuller, demeurez.

      Il sonna, un huissier parut.

      – A-t-on, selon mes ordres, amené la veuve Chupin ? demanda-t-il.

      – Elle est là, dans la galerie, oui, monsieur.

      – Qu’elle entre.

      L’instant d’après, la cabaretière faisait son entrée, s’inclinant de droite et de gauche, avec force révérences et salutations.

      Elle n’en était plus à ses débuts devant un juge d’instruction, la veuve Chupin, et elle n’ignorait pas quel grand respect on doit à la justice.

      Aussi s’était-elle parée pour l’interrogatoire.

      Elle avait lissé en bandeaux plats ses cheveux gris rebelles et avait tiré tout le parti possible des vêtements qu’elle portait. Même, elle avait obtenu du directeur du Dépôt qu’on lui achetât, avec l’argent trouvé sur elle lors de son arrestation, un bonnet de crêpe noir et deux mouchoirs blancs, où elle se proposait de « pleurer toutes les larmes de son corps » aux moments pathétiques.

      Pour seconder ces artifices de toilette, elle avait tiré de son répertoire de grimaces, un petit air innocent, malheureux et résigné, tout à fait propre, selon elle, à se concilier les bonnes grâces et l’indulgence du magistrat dont son sort allait dépendre.

      Ainsi travestie, les yeux baissés, la voix mielleuse, le geste patelin, elle ressemblait si peu à la terrible patronne de la Poivrière que ses pratiques eussent hésité à la reconnaître.

      En revanche, rien que sur la mine, un vieux et honnête célibataire lui eût proposé vingt francs par mois pour se charger de son ménage.

      Mais M. Segmuller avait démasqué bien d’autres hypocrisies, et l’idée qui lui vint fut celle qui brilla dans les yeux de Lecoq.

      – Quelle vieille comédienne !…

      Sa perspicacité, il est vrai, devait être singulièrement aidée par quelques notes qu’il venait de parcourir. Ces notes étaient simplement le dossier de la veuve Chupin adressé à titre de renseignement au parquet par la Préfecture de police.

      Son examen achevé, le juge d’instruction fit signe à Goguet, son souriant greffier, de se préparer à écrire.

      – Votre nom ?… demanda-t-il brusquement à la prévenue.

      – Aspasie Clapard, mon bon monsieur, répondit la vieille femme, veuve Chupin, pour vous servir.

      Elle esquissa une belle révérence, et ajouta :

      – Veuve légitime, s’entend, j’ai mes papiers de mariage dans ma commode, et si on veut envoyer quelqu’un….

      – Votre âge ?… interrompit le juge.

      – Cinquante-quatre ans.

      – Votre profession ?…

      – Débitante de boissons, à Paris, tout près de la rue du Château-des-Rentiers, à deux pas des fortifications.

      Ces questions d’individualité sont le début obligé de tout interrogatoire.

      Elles laissent au prévenu et au juge le temps de s’étudier réciproquement, de se tâter pour ainsi dire, avant d’engager la lutte sérieuse, comme deux adversaires qui, sur le point de se battre à l’épée, essaieraient quelques passes avec des fleurets mouchetés.

      – Maintenant, poursuivit le juge, occupons-nous de vos antécédents. Vous avez déjà subi plusieurs condamnations ?…

      La vieille récidiviste était assez au fait de la procédure criminelle pour n’ignorer pas le mécanisme de ce fameux casier judiciaire, une des merveilles de la justice française, qui rend si difficiles les négations d’identité.

      – J’ai eu des malheurs, mon bon juge, pleurnicha-t-elle.

      – Oui, et en assez grand nombre. Tout d’abord, vous avez été poursuivie pour recel d’objets volés.

      – Mais j’ai été renvoyée plus blanche que neige. Mon pauvre défunt avait été trompé par des camarades.

      – Soit. Mais c’est bien vous qui, pendant que votre mari subissait sa peine, avez été condamnée pour vol à un mois de prison une première fois, et à trois mois ensuite.

      – J’avais des ennemis qui m’en voulaient, des voisins qui ont fait des cancans…

      – En dernier lieu, vous avez été condamnée pour avoir entraîné au désordre des jeunes filles mineures….

      – Des coquines, mon bon cher monsieur, des petites sans cœur… Je leur avais rendu service, et après elles sont allées conter des menteries pour me faire du tort … j’ai toujours été trop bonne.

      La liste des malheurs de l’honnête veuve n’était pas épuisée, mais M. Segmuller crut inutile de poursuivre.

      – Voilà le passé, reprit-il. Pour le présent, votre cabaret est un repaire de malfaiteurs. Votre fils en est à sa quatrième condamnation, et il est prouvé que vous avez encouragé et favorisé ses détestables penchants. Votre belle-fille, par miracle, est restée honnête et laborieuse, aussi l’avez-vous accablée de tant de mauvais traitements que le commissaire du quartier a dû intervenir. Quand elle a quitté votre maison, vous vouliez garder son enfant… pour l’élever comme son père, sans doute.

      C’était, pensa la vieille, le moment de s’attendrir. Elle sortit de sa poche son mouchoir СКАЧАТЬ