La main froide. Fortuné du Boisgobey
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Название: La main froide

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ serait une enquête à faire, répondit Bardin. Je m’en chargerais et je vous réponds qu’elle serait poussée à fond. Vous me connaissez d’assez longue date pour savoir que je ne transige pas sur ce qui touche à l’honneur.

      – Je le sais, mon ami, et je me fierais à vous comme à moi-même, mais je crains bien que vous n’ayez jamais l’occasion de me donner votre avis sur cette héritière… introuvable.

      Est-il indiscret de vous demander d’où vous sont venus ces renseignements?

      – D’un de mes anciens confrères du barreau de Montpellier avec lequel je suis en correspondance depuis plus de trente ans. Il m’a écrit tout récemment et à plusieurs reprises pour me demander de le seconder dans ses recherches. Il a été jadis l’avocat de la famille de la demoiselle qui s’intéressait à l’orpheline et qui l’a tirée de la misère. Aussi met-il beaucoup d’ardeur à poursuivre cette affaire. Il se propose, si elle n’aboutit pas prochainement, de venir à Paris tout exprès, quoique, à son âge, le voyage l’effraie un peu… Il a soixante-quinze ans, cet excellent Lestrigou. S’il se décide, je vous demanderai la permission de vous le présenter.

      – Comment donc!… je compte bien qu’il nous fera le plaisir de dîner chez moi avec vous… et avec Paul qui ce jour-là, je l’espère, ne se fera pas attendre.

      – Je jure d’être exact! dit solennellement Paul.

      – Oui, je te connais, beau masque, répliqua le père Bardin. Tu arriveras à l’heure si tes amis et connaissances ne s’arrêtent pas en route. Mais, j’y pense!… tu ne nous a pas dit pourquoi tu as laissé brûler le rôti… Il était bon tout de même, mais il faut convenir qu’il était trop cuit.

      Paul n’avait garde de dire la vérité. Il parla vaguement d’amis qui l’avaient retenu et d’une interminable partie de billard qu’il ne pouvait pas quitter parce qu’il gagnait.

      Paul savait que Bardin ne haïssait pas le billard et qu’il fulminait volontiers contre le baccarat.

      – Gageons, dit le vieil avocat, que tu étais avec ton inséparable… ce grand casseur d’assiettes qui se promène au quartier dans des costumes de carnaval. Mauvaise compagnie, mon garçon!

      – Mais, non, je vous assure. Il aime les tenues excentriques, mais il est très comme il faut, quand il veut l’être. Il est noble, du reste, et il pourrait prendre le titre de comte que son père portait. Il s’appelle Jean de Mirande.

      – Joli nom, à mettre dans une comédie. Et il fait son droit, ce gentilhomme? Il veut donc entrer dans la basoche?

      – Je ne crois pas. Il s’est fait étudiant pour s’amuser à sa façon et contre la volonté de tous ses proches. Je crois du reste qu’il commence à en avoir assez et qu’il finira par s’engager dans un régiment d’Afrique. Il est né batailleur et il ira où on se bat.

      – Grand bien lui fasse! De quel pays est-il?

      – Du Languedoc. Son oncle habite un château près du Vigan.

      – Ah! il est du Languedoc. Demande-lui donc, quand tu le verras, s’il connaît la famille de Marsillargues.

      – Je n’y manquerai pas. Puis-je savoir en quoi cette famille de

      Marsillargues vous intéresse?

      – La protectrice dont je viens de te parler était une demoiselle de Marsillargues.

      – Quel nom baroque!

      – Plus il est baroque, mieux tu le retiendras.

      – Mais elle ne le porte plus, puisqu’elle est mariée.

      – A un mauvais sujet qui la rend, dit-on, très malheureuse. Lestrigou, dans ses lettres, a oublié de m’apprendre comment s’appelle son mari. Lestrigou me parle toujours d’elle sous son nom de demoiselle. C’est celui-là que ton ami doit connaître, puisqu’il est Languedocien. Du reste, dans sa prochaine, mon correspondant m’apprendra l’autre nom et je te le dirai.

      – Bon! vous pouvez compter que votre commission sera faite ce soir.

      – Ce soir?… c’est donc que tu comptes finir ta soirée à Bullier; car un dimanche, ton Mirande ne peut pas passer la sienne ailleurs.

      – Mais je vous assure que…

      – Oh! ne t’en défends pas!… j’y ai dansé jadis à Bullier.

      – Ça devait être drôle, pensa Paul Cormier qui ne voyait pas bien le vieil avocat exécutant une tulipe orageuse.

      Madame Cormier ne soufflait plus mot. Elle rêvait à ce mariage fantastique, mis sur le tapis par un homme en qui elle avait pleine confiance et elle se promettait de ne pas laisser tomber dans l’eau ce projet séduisant. Mais, pour y revenir, elle attendait d’être seule avec Bardin. Elle voulait en parler à cœur ouvert et la présence de son fils l’aurait gênée.

      Bardin, qui devina son intention, lui vint en aide.

      Le dîner avait marché plus vite que de coutume. On en était au café qu’on prenait à table, et Paul venait de vider son quatrième verre d’un remarquable cognac, de la même provenance que le vin de Xérès, servi après le potage.

      – Tu grilles d’envie de fumer, hein? lui demanda l’avocat.

      – Oh! je sais que ça gêne maman, dit Paul. Je fumerai dans la rue, en rentrant chez moi.

      – Et le plus tôt sera le mieux, n’est-ce pas?… Eh! bien, je lis sur la figure de ton indulgente mère qu’elle te permet de lever la séance. Quand tu seras parti, nous ferons tranquillement notre cent de piquet jusqu’à dix heures et je serai encore couché avant toi, car je demeure à deux pas d’ici.

      Le bonhomme habitait la rue des Arquebusiers, une rue dont peu de Parisiens connaissent le nom et qui va, en faisant un coude, du boulevard Beaumarchais à la rue Saint-Claude.

      – Et d’ici à Bullier, il y a une trotte!… il est vrai que tu vas en carrosse, toi… Dame! quand on a des amis dans la noblesse!…

      Paul s’était levé pour embrasser sa mère et il ne fit pas semblant d’entendre, mais l’impitoyable Bardin, reprit:

      – Parions que tu portes toute ta fortune dans ta poche.

      – Pourquoi ça? balbutia Paul, un peu décontenancé, car c’était vrai; qui vous fait croire?

      – Le geste!… le geste révélateur!

      – Quel geste?

      – Pendant tout le dîner, tu n’as fait que tâter avec ta main la poche de poitrine de ta redingote. Je ne m’y trompe jamais à ce geste-là. Ton portefeuille doit être bien garni.

      – Maman m’a remis, hier, mon mois. N’est-ce pas, mère?

      La veuve fit signe que: oui, et pendant que M. Bardin riait d’aise d’avoir été si perspicace, le jeune homme s’empressa de lui serrer la main et de partir.

      Il en avait assez des malices de ce jurisconsulte en retraite et de ses histoires matrimoniales.

      – Décidément, СКАЧАТЬ