La main froide. Fortuné du Boisgobey
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Название: La main froide

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ bien, reprit le père Bardin, vous voyez qu’il ne lui est rien arrivé. Il a oublié l’heure, voilà tout.

      – Brigitte!… tu peux servir! cria madame Cormier, toute joyeuse.

      Paul l’avait oubliée, en effet, l’heure du dîner de sa mère et il ne s’en était souvenu qu’après avoir cherché longtemps aux Champs-Elysées la marquise disparue. Elle ne s’était pas montrée et il avait eu quelque mérite à se rappeler qu’on l’attendait rue des Tournelles, car son étrange aventure l’occupait tout entier.

      Elle lui apparaissait maintenant sous des aspects nouveaux et il ne lui déplaisait pas trop d’y être engagé. L’erreur d’un domestique l’avait mis dans une fausse situation, mais la marquise l’aiderait certainement à en sortir. Elle s’était abstenue de l’attendre aux environs de l’hôtel de son amie, mais elle ne manquerait pas de lui donner bientôt de ses nouvelles. Tout s’éclaircirait. Il resterait à Paul l’espoir de lui plaire et de remplacer effectivement ce mari dont il avait joué le rôle pendant deux heures. Il lui restait aussi huit bons billets de mille francs qui gonflaient son portefeuille, sans compter huit autres que le vicomte lui devait.

      Il les avait loyalement gagnés à un gros joueur qui se consolerait facilement de les avoir perdus et il n’était pas fâché de les tenir, mais il faut lui rendre cette justice que ce gain inattendu le touchait moins que la joie d’avoir fait connaissance avec une femme charmante qui avait bien l’air d’appartenir au meilleur monde.

      Il débarquait, tout plein de son sujet, dans le paisible appartement de la rue des Tournelles et s’il l’eût osé, il aurait volontiers raconté à sa mère et au vieil avocat sa bonne fortune. Mais il n’osait pas, sachant qu’il les affligerait tous les deux.

      – Te voilà, méchant garçon! lui dit en l’embrassant tendrement madame

      Cormier. D’où viens-tu?

      – J’ai été retardé au dernier moment, balbutia Paul.

      – Dis donc que tu piochais ton quatrième examen, lui souffla le père

      Bardin qui riait sous cape.

      – S’il y a du bon sens de dîner à huit heures!… tu t’abîmeras l’estomac.

      La bonne dame ne pensait qu’à la santé de ce fils qui venait de les faire souffrir, elle et son vieil ami, accoutumés à la régularité des repas.

      – A table!… voici la soupe! s’écria Bardin.

      Il n’y avait qu’à obéir à cette invitation. Paul n’eut même pas la peine d’inventer une excuse.

      Les trois convives avaient grand’faim et Paul plus que les deux autres. Rien ne creuse comme les émotions, quand on est jeune. Il n’avait pas encore atteint l’âge où elles coupent l’appétit.

      Il en résulta que le commencement du dîner fut silencieux. On n’entendait que le bruit des cuillers heurtant le fond des assiettes.

      Après le potage, un verre de vieux Xérès, qui avait mûri dans les caves du Faisan argenté, délia la langue de l’avocat, qui se mit à parler de son unique rejeton, son Charles, le magistrat modèle, pour lequel il rêvait une brillante carrière. A ce savant, à ce laborieux, il ne manquait, pour sortir de la foule, que d’être chargé d’instruire une de ces affaires retentissantes qui mettent en lumière les talents d’un juge d’instruction.

      Bardin souhaitait à son fils un accusé comme Campi, cet assassin anonyme, dont le procès venait de passionner Paris.

      A quoi madame Cormier répondait qu’elle souhaitait qu’il n’y eût jamais de criminels à juger et qu’elle espérait bien que Paul n’aurait jamais à demander la tête de personne, attendu qu’il n’entrerait pas dans la magistrature.

      Paul n’avait garde de se prononcer sur ce point, car il n’était pas du tout à la conversation. Son esprit vagabondait à une lieue de la rue des Tournelles et du dîner, auquel, pourtant, il faisait grand honneur, car en dépit de ses préoccupations, il ne perdait pas un coup de dent. Il pensait qu’à cette heure la marquise de Ganges dînait peut-être seule dans le magnifique hôtel qu’elle devait habiter, et que la baronne Dozulé, qui avait des invités ce soir-là, leur parlait peut-être du jeune Monsieur qu’elle avait pris pour le mari de la marquise.

      Il s’était acquitté d’un devoir en venant s’asseoir à la table maternelle, mais il méditait de filer après le dîner vers le quartier latin où Jean de Mirande était resté. Il était à peu près sûr de l’y trouver, au bal de la Closerie des Lilas ou à la brasserie de la Source, et il éprouvait le besoin de le revoir; non pas pour lui raconter son aventure— il avait juré à madame de Ganges de n’en rien dire à son ami— mais pour se retremper au contact de ce joyeux compagnon qui prenait si gaiement l’existence et qui jonglait avec les soucis.

      Madame Cormier finit par s’apercevoir que son cher fils n’écoutait pas et Bardin, qui s’en était aperçu depuis longtemps, lui dit en clignant de l’œil:

      – Je parie qu’il est amoureux.

      Cette fois, Paul entendit et affecta de sourire en haussant les épaules.

      – Oh! ne t’en défends pas! reprit le vieil avocat. Ça vaut mieux que d’aller au café.

      – Oui, s’il était amoureux pour le bon motif, rectifia sagement la mère qui n’aspirait qu’à marier son garçon de bonne heure, pour le mettre à l’abri des dangers du célibat prolongé.

      – C’est encore un peu tôt, dit Bardin. Et puis vous savez… pour faire un civet, il faut un lièvre… eh! bien, pour se marier, il faut une femme… j’entends une femme aussi bien dotée par ses parents que par la nature… et dame!… ces lièvres-là, ça ne court pas les champs… ni même les rues de Paris.

      Paul continuait à jouer de la fourchette, sans lever les yeux. Sa mère, qui aurait voulu l’entendre manifester des velléités conjugales, dut se contenter de répondre à Bardin:

      – Vous devriez lui trouver ça.

      Et Bardin, qui ne restait jamais court, répliqua sans broncher:

      – Autrefois, je n’aurais pas dit: non… du temps où je voyais tant de gens défiler dans mon cabinet. Maintenant je ne donne plus de consultations qu’à des amis. J’ai remercié ma clientèle… un peu à contre-cœur… j’y ai renoncé à cause de Charles… le père d’un magistrat ne doit pas recevoir d’honoraires du premier venu.

      – Mais vous avez gardé d’excellentes relations avec vos anciens clients et, dans le nombre, il doit s’en trouver qui ont des filles à marier. Paul aura six cent mille francs après moi, et je lui en donnerai la moitié le jour de la signature du contrat.

      – Avec ça et ses qualités physiques et morales, il ne tiendra qu’à lui d’épouser une héritière… car il est plein de qualités, ce mauvais garnement…

      – Vous êtes bien bon, monsieur Bardin, murmura Paul, en souriant.

      – Je te dis tes vérités, voilà tout. Le diable c’est que, pour le moment, je ne connais pas d’héritières…

      – Oh! je ne suis pas pressé.

      – Je СКАЧАТЬ