La main froide. Fortuné du Boisgobey
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Название: La main froide

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et involontairement; nous sommes ici chez la Baronne Dozulé. On ne voit pas le baron. Il faut croire qu’elle est veuve.

      – Désirez-vous prendre la banque, Monsieur le marquis? lui demanda l’entêté vicomte qui tenait absolument à cartonner avant dîner.

      Le baccarat lui tenait lieu d’apéritif.

      – Du tout!… du tout!… s’empressa de répondre Paul, qui n’était pas même décidé à ponter.

      – Alors, je vous remercie de me la laisser. Je ne fais que perdre depuis quinze jours et j’ai besoin de me refaire. Venez-vous, messieurs?

      Personne ne répondit, mais tout le monde suivit et l’étudiant fit comme les autres.

      L’autel avait été préparé par les soins de la prévoyante baronne Dozulé. Rien n’y manquait: ni les jeux de cartes paquetés, ni les jetons de différentes couleurs, destinés à servir de monnaie fiduciaire, au cas où les pontes voudraient jouer sur parole.

      En un clin d’œil, les places furent prises autour de la table, et le vicomte, à qui personne ne disputait la banque, déclara tout d’abord que les fiches représenteraient un louis et les plaques rondes cent francs, attendu qu’il s’agissait d’une toute petite partie.

      Paul, qui n’en avait jamais vu de si grosse, fut violemment tenté de se lever. Une fausse honte le retint et aussi le désir de se tenir loin du cercle féminin jusqu’au moment où madame de Ganges prendrait congé. Il comptait que pour jouer son rôle jusqu’au bout, elle n’oserait pas s’en aller sans son mari, qu’ils sortiraient ensemble et qu’une fois dehors, elle ne refuserait pas de lui expliquer ce qu’il ne comprenait pas.

      Il resta donc assis et il se trouva placé de telle sorte qu’il lui tournait le dos et que, par conséquent, il ne pouvait pas la voir.

      Il ne tarda guère, d’ailleurs, à oublier qu’elle était là.

      M. de Servon le pria de lui dire combien il voulait de jetons représentatifs et Paul demanda la permission de jouer or sur table. Elle lui fut gracieusement accordée et il aligna modestement devant lui les vingt-cinq louis qui constituaient toute sa fortune.

      – Quand je les aurai perdus, je m’en irai, pensait-il. J’en serai quitte pour demander à maman une avance sur le mois prochain; et comme ça je ne m’emballerai pas.

      Et il fit mentalement le serment de ne pas risquer un sou sur parole.

      Cette prudence venait de lui être suggérée par un soupçon qui lui avait traversé l’esprit. Cette maison ouverte à tout venant, cette baronne sans baron, ces gentilshommes qui parlaient de cent louis comme il aurait parlé de cent sous, cette table de baccarat qui se trouvait là comme par hasard; tout ce monde et toute cette mise en scène lui étaient tout à coup devenus suspects.

      Il était un peu tard pour s’en aviser et si ses soupçons étaient fondés, la blonde aux yeux noirs devait être une aventurière qui ne l’avait racolé au Luxembourg que pour l’amener dans un tripot.

      Il lui répugnait trop de croire cela et d’ailleurs, il avait fait d’avance le sacrifice de la somme qu’il possédait.

      Il ne tenait qu’à la faire durer le plus longtemps possible.

      C’est pourquoi, au profond étonnement des autres pontes, et surtout du vicomte, il attaqua d’un louis une banque de dix mille francs.

      Le vicomte aurait dû s’en féliciter, car il perdit cinq fois de suite et comme Paul retirait un louis à chaque coup:

      – A ce jeu-là, vous ne vous ruinerez pas, monsieur le marquis, lui dit ironiquement le financier qui venait de le complimenter sur le succès de ses entreprises en Turquie.

      Paul eut honte. Il fit paroli et il gagna encore.

      Était-ce Jacqueline qui lui portait bonheur, cette Jacqueline emmarquisée, dont le petit nom, qu’il savait être faux, ne lui sortait pas de la tête? Paul était tenté de le croire.

      Il se disait pourtant qu’une petite veine, au début d’une partie, n’est souvent que l’avant-coureur d’un désastre.

      Il voulut en avoir le cœur net, au risque d’arriver trop tôt à la fin de son capital, et il laissa ses quatre louis qui furent doublés en un clin d’œil, après un triomphant abatage.

      Sa masse grossissait, mais elle n’était pas encore bien menaçante pour le banquier, lequel gagnait d’ailleurs à tous les coups sur l’autre tableau.

      Il souriait toujours ce grand flandrin de vicomte et cependant il était préoccupé, non pas d’avoir perdu une dizaine de pièces de vingt francs, mais un de ces pressentiments dont aucun joueur n’est exempt l’avertissait que la chance se dessinait contre lui et que la partie allait mal tourner.

      Paul était lancé maintenant et nul ne pouvait prévoir où il s’arrêterait.

      Les seize louis se doublèrent, puis les trente-deux. Son gain dépassait déjà le billet de mille.

      Et tout cela sur la main du financier complimenteur qui jouait du même côté que Paul Cormier et qui encaissait une part du butin. Il n’avait pas encore perdu un seul coup..

      Il n’était plus tenté de rire de la façon de ponter du marquis de

      Ganges.

      Le vicomte non plus ne riait pas. Il devenait même de plus en plus sérieux, surtout quand Paul eut gagné encore le paroli de soixante-quatre louis et, immédiatement après, celui de cent vingt-huit.

      Jamais, de mémoire de ponte, pareille série ne s’était vue nulle part. Les coups se suivaient avec une régularité désespérante. Quand le banquier abattait huit, le marquis abattait neuf; quand le marquis avait le point de un, le banquier avait baccarat.

      Heureusement, Paul ne tenait pas les cartes, car on aurait pu croire qu’il les changeait en les relevant sur le tapis.

      On l’aurait soupçonné lui qui tout à l’heure avait un instant soupçonné la baronne et ses invités.

      Il avait maintenant plus de cinq mille francs et à la banque aux abois, il restait tout juste de quoi tenir le coup.

      – Combien faites-vous, marquis? demanda familièrement Servon, qui avait payé assez cher le droit de ne plus dire: «Monsieur le marquis».

      Paul mourait d’envie de répondre: «Dix louis» et d’empocher les autres. Cinq mille francs! il ne les avait jamais eus à la fois. C’était de quoi faire les frais de la campagne amoureuse qu’il allait ouvrir; c’était aussi de quoi se consoler d’un échec, si la marquise lui échappait.

      – Pas plus que la banque, reprit le vicomte.

      – Je fais le reste, après ces messieurs, dit Paul, résolu à en finir.

      Le banquier donna les cartes, regarda les siennes et annonça qu’il en donnait. Paul s’y tint. Il avait sept et le banquier n’avait que six.

      Ce fut le coup de grâce. La banque sautait.

      Le vicomte, beau joueur, ne sourcilla point, mais il déclara en avoir assez, et, tirant de sa poche un paquet de dix billets de mille qui répondaient des jetons qu’il СКАЧАТЬ