La main froide. Fortuné du Boisgobey
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Название: La main froide

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ des Lilas. C’est assez canaille, ce bastringue, mais on y découvre quelquefois des femmes nouvelles…

      – Pas souvent, murmura Paul qui savait à quoi s’en tenir sur ce point.

      – Je vois, monsieur le marquis, que vous connaissez l’établissement…

      – J’y suis venu autrefois, comme tout le monde.

      – Oh! je pense bien que vous ne le fréquentez plus. Madame de Ganges s’y opposerait et… vous perdriez trop au change. Moi qui n’ai pas le bonheur d’être marié à une femme charmante, j’y viens de temps à autre avec des amis… et il m’est arrivé d’y faire des trouvailles… il y a encore ici quelques jolies filles qui ont sur les horizontales de la rive droite l’avantage d’être jeunes… on en est quitte pour les décrasser avant de les lancer.

      Cormier s’apercevait que le vicomte était un viveur à outrance et il s’en réjouissait, parce qu’il espérait que ce chercheur de débutantes allait bientôt le quitter pour se mettre en chasse.

      – Je viens d’en suivre une qui en valait la peine, reprit M. de Servon. Elle m’a planté là pour se pendre au bras d’un grand diable qui porte des bottes molles, un pantalon collant et un chapeau pointu. Il paraît qu’ici c’est le suprême chic.

      Paul était sur les épines, car à ce signalement, il avait reconnu son ami Jean et il tremblait que Jean ne vînt déranger son colloque avec le vicomte et patauger à travers son marquisat de carton, comme un éléphant dans un magasin de porcelaines.

      Mais Jean était sans doute occupé à abreuver dans la salle couverte ses invitées de chez Foyot, et M. de Servon continua ainsi:

      Mes deux amis du club sont partis sur une autre piste. Je ne sais s’ils auront plus de chance que moi, mais je les attends ici et je serai bien heureux, monsieur le marquis, de vous les présenter.

      Cela ne faisait pas du tout l’affaire de Paul Cormier qui balbutia:

      – Je serais charmé, moi aussi, de connaître ces messieurs, mais…

      – Eux, vous connaissent de réputation. Ils savent qu’après avoir mené la grande vie, vous avez abordé les affaires à l’âge où d’autres perdent encore leur temps au club et au foyer de la danse. Et les grandes affaires vous ont réussi, comme elles réussissent toujours aux hommes intelligents et hardis. Vous pouvez songer maintenant à jouir de vos succès… votre place est marquée dans notre monde parisien où jusqu’à présent vous vous êtes peu répandu, je crois.

      – Oh! très peu! dit vivement Paul, enchanté du prétexte que lui fournissait le vicomte pour expliquer son ignorance des hommes de ce monde-là.

      – J’ai bien vu, chez la baronne, que vous vous trouviez sur un terrain nouveau pour vous, reprit obligeamment le vicomte. Vous ne la connaissiez pas, je crois, cette chère baronne?

      – Pas du tout, et elle m’a accueilli comme si j’étais de ses amis.

      – Oh! c’est une excellente femme, et d’ailleurs elle est liée avec madame de Ganges que tout le monde aime et respecte.

      Paul s’inclina par politesse, mais au fond, il n’était pas fâché d’apprendre qu’on respectait sa Jacqueline.

      – Quand vous connaîtrez madame Dozulé, vous verrez qu’elle n’a pas sa pareille pour former un salon… car madame de Ganges, qui s’abstenait de recevoir pendant que vous étiez loin de Paris, va certainement ouvrir sa maison, l’hiver prochain. J’avoue que nous y comptons un peu… et ce serait vraiment dommage de ne pas utiliser votre bel hôtel de l’avenue Montaigne, qui semble avoir été construit tout exprès pour y donner des fêtes.

      – Il paraît que j’ai un hôtel, avenue Montaigne, se dit Paul, c’est bon à savoir. Je ne serai plus embarrassé pour retrouver Jacqueline, si elle ne me donne pas de ses nouvelles.

      – Voici mes amis du club, dit tout à coup M. de Servon. Ils reviennent bredouille, je crois… Mais non, ma foi!… ils sont suivis de près par deux jeunes personnes qui m’ont tout l’air d’avoir accepté un souper au café Anglais.

      – Ça les changera… mais je me reprocherais de vous retenir…

      – Oh! je serai de la fête… le temps de vous mettre en relations avec ces messieurs et je vous demanderai la permission de vous quitter. Voulez-vous seulement venir avec moi à leur rencontre?

      Paul, qui voyait avec joie arriver le moment de la séparation, suivit le vicomte, qui l’amena en face des deux clubmen et procéda immédiatement aux présentations, en commençant par ses amis:

      – Monsieur le comte de Carolles!… Monsieur Henri de Baffé!…

      Puis, presque aussitôt:

      – Monsieur le marquis de Ganges, reprit-il en élevant la voix, comme pour mieux marquer l’importance du personnage.

      Cette cérémonie, assez inusitée au bal Bullier, se passait non loin de l’entrée de la salle couverte et tout près d’une espèce de tonnelle de feuillage où étaient attablés un monsieur et trois femmes qui, à en juger par leur tenue et leurs allures, devaient être des dévergondées de la pire espèce.

      Le monsieur, au contraire, avait l’air d’un homme du monde, mais il était complètement ivre.

      La table, couverte de bouteilles vides, attestait qu’il ne s’était pas grisé seulement de paroles et de bruit.

      Au moment où M. de Servon venait de présenter le faux marquis, ce monsieur se leva, en montrant le poing au groupe des clubmen. Une de ses tristes invitées le força à se rasseoir en le tirant par le pan de sa redingote, mais il continua de gesticuler en criant:

      – Qu’est-ce qu’il dit? Est-ce à moi qu’il en a?

      Le présenteur et les présentés ne firent aucune attention à ce pochard qui, à la Closerie, n’était pas seul de son espèce. Ils échangèrent de brèves politesses avant de se séparer et le vicomte prit congé de Paul en lui disant:

      – A l’honneur de vous revoir, monsieur le marquis.

      Ces messieurs venaient de s’éloigner avec leurs deux recrues féminines, lorsque Jean de Mirande déboucha de la salle de bal, en nombreuse compagnie.

      Tout tournait au gré des désirs de Paul qui ne craignait rien tant que de se trouver pris entre son vieil ami du quartier et ses nouveaux amis du club.

      – Marquis! persistait à grommeler l’ivrogne; je vais t’en donner, moi, du marquis de Ganges!

      Paul Cormier n’entendit pas cette menace qui se confondit avec un grognement et il ne se douta nullement qu’elle s’adressait à lui.

      Il était tout à la joie d’avoir évité l’explication qui eût été la conséquence forcée de la rencontre avec Jean, si Jean était survenu une minute plus tôt.

      Il arrivait, ce brave Jean, escorté de ce qu’il appelait sa maison civile et militaire, c’est-à-dire des quatre donzelles qu’il venait de régaler chez Foyot et d’une demi-douzaine d’étudiants recrutés dans le bal et largement abreuvés à ses frais.

      Lui aussi, il était non pas ivre, car il СКАЧАТЬ