La main froide. Fortuné du Boisgobey
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Название: La main froide

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ moment où, après avoir tourné court, elle franchit le seuil d’une porte cochère ouverte, il put la rejoindre sous la voûte, sans qu’elle sentît qu’il était presque sur ses talons.

      La maison avait l’air d’être un hôtel particulier et la blonde y avait ses entrées,– soit qu’elle l’habitât, soit qu’elle y fût déjà venue souvent— car elle poussa tout droit jusqu’à une tapisserie mobile qui barrait le vestibule et qu’elle écarta avec sa main, cette main qu’elle avait refusée à Paul en le congédiant.

      Paul, qui serrait de près sa traîtresse, arriva juste au moment où apparaissait un superbe valet de pied, placé là pour recevoir les visiteurs et pour crier leurs noms.

      Ce domestique ne connaissait pas Cormier, mais il connaissait la dame et, comme ils entraient ensemble, il annonça sans hésiter:

      – Monsieur le marquis et madame la marquise de Ganges!

      Paul avait réussi au-delà de ce qu’il espérait. Il était entré dans la place, avant que la dame se fût aperçue de sa présence. Il venait même d’apprendre son véritable nom qu’elle tenait tant à lui cacher. Mais ces succès inattendus le gênaient énormément.

      Il avait deviné sans peine que le valet de pied l’avait pris pour le mari de la femme qu’il avait l’air d’escorter. Il prévoyait donc que cette annonce saugrenue allait faire sourire ceux qui l’avaient entendue et mettre en colère la prétendue Jacqueline, marquise de Ganges.

      Il aurait bien voulu battre en retraite, mais il n’était plus temps.

      Paul était tombé au beau milieu d’une de ces réunions mondaines que les Anglais appellent: five o’clock tea, et ce thé de cinq heures se tenait dans la cour de l’hôtel, une cour pleine de fleurs et couverte d’un velum en soie, destiné à préserver les invités des ardeurs du soleil printanier.

      Il y avait là une douzaine de visiteurs des deux sexes, groupés autour de la maîtresse du logis qui offrait à la ronde des tasses de thé et tous les yeux étaient braqués sur le couple nouveau venu.

      Évidemment, un orage allait tomber sur l’intrus qui se permettait de s’introduire ainsi dans un cercle d’intimes où personne ne le connaissait.

      A la grande stupéfaction de Paul, cet orage n’éclata pas.

      Il y eut des chuchotements, mais pas la moindre manifestation hostile et les regards fixés sur Paul étaient plutôt bienveillants.

      La marquise, seule, rougit et lui lança un coup d’œil, chargé de reproches, mais non pas de menaces.

      Elle aussi avait deviné la méprise du domestique et le prodigieux fut qu’elle s’abstint de la rectifier.

      Se résignait-elle à en subir les conséquences pour éviter une explication qui n’aurait pas tourné à son avantage, si Paul se fût avisé de raconter comment il se trouvait là, après une course en fiacre? Il était tenté de le croire et il ne répugnait pas à se prêter à cette comédie de salon, mais il se demandait comment la dame allait se tirer de la situation qu’elle paraissait disposée à accepter.

      Les invités qui la connaissaient devaient connaître aussi son mari et probablement ce mari ne ressemblait guère à Paul Cormier, qui n’avait pas du tout, comme on dit au théâtre, le physique de l’emploi.

      Mais les figures n’exprimaient pas d’autre sentiment que la curiosité— une curiosité décente qui n’avait rien de blessant pour celui qui en était l’objet.

      On l’observait à la dérobée, comme on observe un monsieur dont on a souvent entendu parler et qu’on n’a jamais vu.

      La dame qui donnait ce thé vint droit à Paul Cormier et lui dit gracieusement:

      – Soyez le bienvenu chez moi, monsieur le marquis. Cette chère Marcelle ne vous attendait que la semaine prochaine. Je la remercie de ne pas avoir perdu un seul jour pour vous amener ici. Vous êtes arrivé, hier, je pense?

      A cette question qu’il aurait dû prévoir, Paul ne sut que répondre et il serait resté bouche bée; mais la blonde aux yeux noirs se chargea d’y répondre.

      – Ce matin, par l’orient-express, dit-elle, en regardant fixement son prétendu mari.

      – C’est fort aimable à vous et surtout à M. de Ganges d’être venus, reprit la maîtresse de la maison: car il doit être horriblement fatigué après un si long voyage.

      Paul se contenta de sourire. C’était le meilleur moyen de ne pas se compromettre; mais il ne pourrait pas toujours se tirer d’affaire avec des sourires et il n’imaginait pas comment finirait la scène.

      Elle commençait du reste à l’amuser et il reprenait peu à peu son aplomb, fort dérangé au début.

      – Permettez-moi, monsieur le marquis, continua la dame, qui était une fort belle personne, un peu mûre, mais d’aspect agréable; permettez-moi de vous présenter mes amis, après vous avoir présenté à mes amies, qui sont aussi les amies de Marcelle et que vous aurez l’occasion de revoir, puisque vous comptez faire un assez long séjour à Paris.

      Cette fois Paul se contenta de s’incliner et les présentations commencèrent.

      Ce n’étaient que comtesses et baronnes, marquis et vicomtes, tout un annuaire de la noblesse où le véritable marquis de Ganges se serait trouvé dans son élément.

      La marquise y était certainement. Elle les connaissait tous et toutes. Elle aussi s’était remise d’un trouble passager et elle manœuvrait maintenant avec une aisance parfaite, sur ce terrain devenu difficile pour elle, depuis l’erreur du valet de pied.

      – Vous offrirai-je une tasse de thé?

      Et comme l’étudiant, qui trouvait le thé fade, hésitait à accepter:

      – Vous n’êtes pas forcé, reprit gaiement la dame qui recevait. Mon thé est laïque et gratuit, mais pas obligatoire. Vous saurez que chez moi la liberté complète est à l’ordre du jour. On n’est même pas tenu de s’occuper des femmes. Nous nous suffisons très bien à nous-mêmes… et vous allez nous permettre d’accaparer cette chère Marcelle pour causer chiffons pendant qu’avec ces messieurs vous parlerez politique, si le cœur vous en dit.

      Parler politique, Paul Cormier n’y tenait pas, mais il était enchanté de profiter de la permission de s’éloigner du groupe féminin, en attendant qu’il se présentât une occasion de disparaître à l’anglaise, car pour le moment il ne songeait qu’à couper court à un imbroglio des plus scabreux.

      Il laissa donc ces dames s’emparer de la marquise et la faire asseoir avec elles autour de la table sur laquelle chantait sa chanson le samovar, cette théière en cuivre que les Russes ont importée à Paris.

      Quoiqu’en eût dit la maîtresse de la maison, les messieurs ne paraissaient pas tous disposés à faire bande à part. Madame de Ganges fut très entourée et très complimentée par des cavaliers qui cherchaient certainement à lui plaire.

      Paul n’avait pas le droit d’être jaloux, mais il lui passa par l’esprit que sa présence était pour quelque chose dans ces empressements. Ces beaux gentilshommes avaient l’air de se dire: «Le mari est revenu. La marquise va ouvrir son salon, fermé pour cause de veuvage momentané. C’est le vrai moment de lui faire la cour».

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