Название: François de Bienville: Scènes de la Vie Canadienne au XVII siècle
Автор: Joseph Marmette
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066082611
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Depuis lors donc, malgré les conspirations des tribus indiennes, dont les cris de guerre retentirent souvent jusqu'à ses portes, la capitale de la Nouvelle-France s'accrut si bien, qu'elle était devenue ville avant 1690. Comme cette époque seule doit m'occuper dans ce récit, je ne fais que mentionner les rudes secousses que firent ensuite éprouver à notre ville les sièges de 1759 et de 1760 et celui de 1775.
Maintenant encore, Québec est le seul vrai rempart qui défende efficacement le pays. Viennent de nouvelles luttes, et l'on verra ses nombreux canons allonger de nouveau leur cou de bronze par-dessus les murs, et tenir en échec un ennemi vainqueur, peut-être, sur tous les autres points de la contrée. Sera-ce alors que, selon les prédictions, un immense ouragan de feu dévorera notre ville? Est-ce criblée par les boulets, calcinée par les obus incendiaires, qu'elle doit s'envelopper et se coucher dans un glorieux suaire de cendres fumantes? Si c'est la suprême destinée qui t'attend, ô Québec, ta fin sera digne de ton passé; et tes pierres noircies diront un jour à l'étranger qui viendra, pensif, s'asseoir sur un débris de tes murailles, que tes habitants ne pouvaient être que des héros.
Mais toi, fastueuse et superbe Montréal, est-il donc vrai que tu doives, au dire de certaine prédiction, périr dans un immense débordement des eaux? Oh! alors, comme tu auras froid dans le linceul de limon dont les flots du grand fleuve couvriront tes restes, en s'enfuyant rapides vers l'Océan et l'oubli!
Bien que le petit établissement de Champlain, commencé en 1608, fût une ville en 1690, le lecteur n'en doit cependant point conclure qu'il peut juger du Québec de la fin du dix-septième siècle par celui d'aujourd'hui. Exposés aux soudaines attaques des Iroquois, et instruits par l'expérience, ses habitants avaient groupé leurs demeures autour des fortifications, et à la portée immédiate d'un refuge ou de prompts secours. Ainsi un grand nombre des habitations se trouvaient à la basse ville, sous les canons du fort Saint-Louis. Bien que détruite par l'incendie de 1682, la ville basse était tout à fait rebâtie à l'époque du siège de la place par Phipps. Mais elle n'était pas comme aujourd'hui l'entrepôt presque exclusif du commerce; la plupart des principaux citoyens et les plus riches marchands y demeuraient avec leur famille.7
Note 7: (retour) On se souvient encore que notre aristocratie logeait à la basse ville, il n'y a pas plus de soixante ans. A cette époque, le quartier, si fashionable aujourd'hui, du Cap, était habité par des charrons, des forgerons et des laitiers.
L'espace de terre qu'occupent aujourd'hui les faubourgs, ne consistait alors qu'en de vastes champs, qui s'étendaient à partir des portes jusqu'à perte de vue.
Il n'y avait au Palais, sur les bords de la rivière Saint-Charles, que le palais de M. l'intendant et ses dépendances, lesquels, au dire de La Potherie, étaient composés "de quatre-vingts toises de bâtiments qui semblaient former une petite ville."8 C'était le lieu de réunion du conseil, l'intendant y demeurait, et on y avait placé les magasins du Roi, depuis l'incendie de 1682; car, avant ce désastre, ils étaient à la basse ville, près d'un quai défendu par des pièces d'artillerie, et qu'on appelait alors la plate-forme.9
Note 8: (retour) On peut voir encore les ruines de cette résidence en arrière de la brasserie de M. Boswell et dans le Parc. Ce nom vient de ce que ce terrain, alors couvert en grande partie de bois de haute futaie, était la propriété des intendants, qui en avaient fait leur parc.
Note 9: (retour) C'est maintenant le quai de la Reine.
Quant à la haute ville, elle était presque toute occupée par les communautés religieuses; à l'exception toutefois du Château et de quelques rares maisons disséminées le long des rues Saint-Louis, Buade, de la Fabrique, du Palais et Saint-Jean.
On venait de rebâtir le monastère des Ursulines, détruit par un incendie en 1686. En 1689, M. de Frontenac avait fait élever, dans le jardin de cette communauté, une palissade fortifiée, avec un corps de garde, pour défendre la ville du côté des plaines ou des champs, comme on les appelait alors.
Venait, à côté, le couvent des Jésuites. Converti en caserne depuis la conquête, cet édifice offre maintenant à peu près le même aspect qu'alors; à l'exception cependant du "grand jardin," d'un "petit bois" et de l'église qui ont disparu.10 L'espace de terre compris entre l'Hôtel-Dieu--qui ne consistait alors qu'en un bâtiment de pierre de taille avec deux pavillons--et le Séminaire, et qui comprend aujourd'hui les rues Couillard, Saint-Joseph, Sainte-Famille, Saint-George, etc., était désert et inhabité.
Note 10: (retour) Le couvent des Jésuites, qui depuis longtemps menaçait ruine, fut démoli en 1877.
Quant aux édifices du Séminaire, ils se composaient d'un corps principal, qui regardait le fleuve, de deux pavillons, et d'une aile à gauche, où était la chapelle. Cette dernière, malheureusement détruite depuis, devait être belle; car La Potherie, qui venait d'Europe, en fait beaucoup d'éloges.11 Le jardin de la communauté s'étendait librement jusqu'au rempart de palissades plantées sur la cime du cap qui domine la rue Sault-au-Matelot de plus de cent pieds. La petite batterie de canons qui défendait la ville en cet endroit, se trouvait dans le jardin, où les artilleurs avaient la permission de se tenir pour le service des pièces. Sur les plans et les cartes de cette époque, on remarque une grande croix plantée près de la palissade, dans le jardin, à peu près là où l'on voit maintenant sur la grande batterie une demi-lune défendue par un canon de trente-deux.
Note 11: (retour) Cette chapelle devait se trouver à la jonction de l'aile avec la vieille façade, à peu près au lieu où se trouvent maintenant les deux salles d'étude. Elle avait quarante pieds de long. La Potherie vante beaucoup le maître autel, qui était d'architecture corinthienne, les lambris, les sculptures qui ornaient les murailles et la voûte, et qui, faites par des séminaristes, étaient estimées dix mille écus. Cette chapelle a été depuis longtemps détruite par le feu.
Après la cathédrale et la rue Buade, en remontant, se trouvait la place d'armes, qui devait voir s'élever, trois ans plus tard (en 1693), le couvent et l'église des Récollets.
En face de la place d'armes, assis sur le bord du cap, et arrêté par les fondations qui servent encore à soutenir l'ancienne partie de la terrasse, était le château du Fort ou château Saint-Louis. Pour ne point allonger la partie purement descriptive de ce chapitre, nous donnerons plus loin une esquisse assez détaillée de cette résidence de nos anciens gouverneurs.
Maintenant descendons vers l'évêché, pour nous rapprocher du lieu qui verra se développer la partie la plus émouvante de ce roman.
Le palais épiscopal était alors bâti à l'endroit où s'élève, modestement, l'édifice de notre parlement provincial. C'était un grand bâtiment de pierre de taille, dont le principal corps de logis avec la chapelle, placée au milieu, regardait la côte de la Montagne. Une aile de soixante-douze pieds de long, avec un pavillon formant au bout un avant-corps du côté de l'est, allait rejoindre à angle droit la côte. La pointe de terre qui faisait face à cette aile et descend vers la côte de la Montagne СКАЧАТЬ