François de Bienville: Scènes de la Vie Canadienne au XVII siècle. Joseph Marmette
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Название: François de Bienville: Scènes de la Vie Canadienne au XVII siècle

Автор: Joseph Marmette

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066082611

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СКАЧАТЬ dire au chevalier de Vaudreuil que je le voudrais voir immédiatement; il était ici quand je suis arrivé.

      Le valet s'inclina, sortit et revint quelques moments après, annonçant au gouverneur que le chevalier était reparti, mais qu'on l'allait quérir.

      --Monseigneur est servi, dit au même instant un second serviteur.

      Se tournant alors avec quelque vivacité vers la table où fumaient force plats, tout propres à faire venir l'eau à la bouche:

      --Allons! messieurs, s'écria gaîment le gouverneur, à table! à table!

      Quoiqu'il sût se priver au besoin, M. de Frontenac aimait la bonne chère, et, la preuve, c'est qu'il avait littéralement mangé son patrimoine. Dame! on ne vivait pas piètrement, de son temps, à l'armée ou à la cour du roi magnifique; et d'ailleurs, la caisse d'épargne n'était pas encore inventée. Un jour vint où le comte, pour avoir vécu trop joyeusement, se trouva réduit à la cape et à l'épée. Louis XIV l'envoya en Canada, beaucoup pour ses talents, et un peu pour se refaire. M. de Frontenac s'y couvrit de gloire, mais demeura pauvre d'écus, grâce à la modicité de ses appointements.

      Cela ne l'empêchait pourtant pas d'avoir bonne table en son château Saint-Louis, et d'y bien traiter ses hôtes. Que le lecteur en juge par lui-même.

      Composé de quatre services, le repas consistait en maints plats succulents qui attestaient l'habileté du cuisinier.

      A l'avant-garde des entrées, on apercevait d'abord de grands et petits potages au bouillon et au poulet; puis venaient un rosbif de mouton garni de côtelettes, et deux pâtés chauds, l'un de chevreuil et l'autre de venaison de choix, dont la croûte, soulevée en paillettes dorées, devait faire trouver bien doux le mignon péché de gourmandise.

      Entre les pièces de rôt, vous auriez certainement remarqué trois bassins de bécassines, de perdreaux et de pluviers rôtis à la broche; je ne parle de certains chapelets d'alouettes servies enfilées par six ou douze sur les petites broches de bois qui les avaient vues rôtir, que pour vous faire entendre combien le joyeux Rabelais aurait aimé d'y réciter un rosaire.

      Les succulents petits plats qui suivaient, ressortaient de la foule des entremets, ou troisième service: d'abord, c'étaient des salades sucrées et salées, puis une omelette parfumée, suivie de beignets, de tourtes à la moelle, de blancs-mangers et de crèmes brûlées, pour hors-d'œuvres.

      Nos dignes gentilshommes, dont l'appétit était en harmonie avec la bonne ordonnance du repas, mangèrent quelque temps en silence pour étourdir la grosse faim. Alors le major, qui venait de battre en brèche et avec grand succès un second bastion de pâté, s'adressant au gouverneur:

      --Je dois vous apprendre, monsieur le comte, lui dit-il, que j'ai donné ordre aux milices des deux rives, en bas de la ville, de se rendre à Québec avec la plus grande diligence.

      --Fort bien, major. Et qu'avez-vous fait pour la défense de la place? demanda M. de Frontenac, tout en suçotant avec délices un aileron de pluvier.

      --Voici, monsieur le comte. J'ai fait planter des palissades depuis le palais de M. l'intendant, en remontant jusqu'à la cime du cap. Ces ouvrages sont défendus aux extrémités et au centre par trois petites batteries. Nous n'avons, comme vous savez, que douze gros canons; j'en ai mis neuf en batterie à la haute ville, réservant les trois autres pour défendre les quais de la basse ville, qui sont aussi protégés par plusieurs pièces de petit calibre. En outre, vous avez vu, en arrivant, que la montée du port à la rue Buade est traversée par trois lignes de barriques remplies de terre et de pierres, et garnies de chevaux de frise.

      --Bravo! major; Vauban ne ferait pas mieux! Mais savez-vous, messieurs, que c'eût été mille fois tant pis pour nous, si les Anglais étaient arrivés ici trois jours plus tôt?

      --Oui, d'autant plus que nous avons commencé nos travaux de fortification seulement avant-hier.

      M. de Frontenac venait de se verser du bon vieux vin, comme l'attestait une respectable couche de poussière qui régnait sur la bouteille par droit de très haute prescription.

      --Messieurs, je bois à votre santé, faites-moi raison, dit-il en portant à ses lèvres un gobelet d'or, gravé à ses armes, selon la coutume du temps.

      On annonça le chevalier de Vaudreuil.

      --Salut à vous! monsieur le chevalier, lui dit le gouverneur.

      Le nouveau venu s'inclina, et parut attendre les ordres du comte.

      --Approchez un peu par ici, lui dit M. de Frontenac, et versez-vous de ce chablis, afin que nous en prenions tous ensemble à la gloire de la France, pour le service de laquelle je vous ai fait mander. A la gloire de nos armes!

      --A la gloire de nos armes! répétèrent les convives.

      --Cette nuit même, monsieur le comte?

      --Sur-le-champ; et aussitôt que la flotte se mettra en mouvement, venez nous l'annoncer. Inutile d'ajouter, je crois, que vous ferez le coup de feu si vous rencontrez l'Anglais dans l'île, ou s'il tente d'y faire une descente.

      Le chevalier salua profondément et sortit.

      Leur repas terminé, le gouverneur et ses deux hôtes reprirent place auprès du feu.

      Le major, désirant apprendre l'état des affaires à Montréal, et voyant le comte en colloque avec ses réflexions, s'adressa au jeune Bienville, qui ne demandait pas mieux que de se délier un peu la langue après un bon repas.

      --Monsieur de Bienville, lui dit le major, parlez-moi donc du général Winthrop et de son expédition contre Montréal.

      --Oh! Winthrop n'est pas beaucoup à craindre par le temps qui court.

      --Comment cela?

      --Eh bien! major, vous savez qu'à la première nouvelle du projet d'incursion des Anglais, monseigneur le gouverneur était monté à Montréal pour ordonner la levée générale des troupes et des milices. Nous étions donc douze cents hommes réunis à la Prairie-de-la-Magdeleine, tous brûlants du désir de nous escrimer СКАЧАТЬ