François le Bossu. Comtesse de Ségur
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Название: François le Bossu

Автор: Comtesse de Ségur

Издательство: Bookwire

Жанр: Книги для детей: прочее

Серия:

isbn: 4064066089283

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СКАЧАТЬ DE CÉMIANE

      —Pauvre garçon! C'est affreux!

      M. DE NANCÉ

      —Malheureux jeune homme! Etre ainsi sans parents, sans patrie, sans fortune! Mais il faut avoir courage. Tout s'arrangera avec l'aide de Dieu; ayons confiance en lui, mon cher monsieur. Courage! Vous voyez que vous voilà chez Mme de Cémiane sans savoir comment. C'est un commencement de protection. Tout ira bien; soyez tranquille.

      Le pauvre Paolo regarda M. de Nancé d'un air sombre et ne répondit pas; il ne parla plus jusqu'au retour au château.

      Les enfants restèrent un peu en arrière pour ne pas se trouver trop près de ce Paolo qui inspirait aux petites filles une certaine terreur.

      —Qu'est-ce qu'il disait donc des Autrichiens? demanda Christine. Il avait l'air si en colère.

      GABRIELLE

      —Il disait que les Italiens brûlaient des Autrichiens, et que ses soeurs battaient... leurs habits, je crois; et puis qu'ils tuaient tout, même les parents et les maisons.

      CHRISTINE

      —Qui tuait?

      GABRIELLE

      —Eux tous.

      CHRISTINE

      —Comment, eux tous? Qu'est-ce qu'ils tuaient? Et pourquoi les soeurs battaient-elles les habits? Je ne comprends pas du tout.

      GABRIELLE

      —Tu ne comprends rien, toi. Je parie que François comprend.

      FRANÇOIS

      —Oui, je comprends, mais pas comme tu dis. C'est les Autrichiens qui tuaient les pauvres Italiens, et qui brûlaient tout, et qui ont tué les parents et les soeurs de l'homme et ont brûlé sa maison. Comprends-tu, Christine?

      CHRISTINE

      —Oui, très bien; parce que tu le dis très bien; mais Gabrielle disait très mal.

      GABRIELLE

      —Ce n'est pas ma faute si tu es bête et que tu ne comprends rien. Tu sais bien que ta maman te dit toujours que tu es bête comme une oie.

      Christine baissa la tête tristement et se tut. François s'approcha d'elle et lui dit en l'embrassant:

      —Non, tu n'es pas bête, ma petite Christine. Ne crois pas ce que te dit Gabrielle.

      CHRISTINE

      —Tout le monde me dit que je suis laide et bête, je crois qu'ils disent vrai.

      GABRIELLE, l'embrassant.

      —Pardon, ma pauvre Christine, je ne voulais pas te faire de peine; j'en suis fâchée; non, non, tu n'es pas bête; pardonne-moi, je t'en prie.

      Christine sourit et rendit à Gabrielle son baiser. La cloche sonna pour le dîner, et les enfants coururent à la maison pour se nettoyer et arranger leurs cheveux. Le dîner se passa gaiement, grâce à l'aventure de l'Italien, que Mme de Cémiane avait présenté à son mari, et à l'appétit vorace du pauvre Paolo, qui ne se laissait pas oublier. Quand le rôti fut servi, il n'avait pas encore fini l'énorme portion de fricassée de poulet qui débordait son assiette. Le domestique avait déjà servi à tout le monde un gigot juteux et appétissant, pendant que Paolo avalait sa dernière bouchée de poulet; il regardait le gigot avec inquiétude; il le dévorait des yeux, espérant toujours qu'on lui en donnerait. Mais, voyant le domestique s'apprêter à passer un plat d'épinards, il rassembla son courage, et, s'adressant à M. de Cémiane, il dit d'une voix émue:

      —Signor conté, voulez-vous m'offrir zigot, s'i vous plait?

      —Comment donc! très volontiers, répondit le comte en riant.

      Mme de Cémiane partit d'un éclat de rire; ce fut le signal d'une explosion générale. Paolo regardant d'un air ébahi, riait aussi, sans savoir pourquoi et mangeait tout en riant; excité par la gaieté, par les rires des enfants, il rit si fort qu'il s'étrangla; une bouchée trop grosse ne passait pas. Il devint rouge, puis violet; ses veines se gonflaient; ses yeux s'ouvraient démesurément. François, qui était à sa gauche, voyant sa détresse, se précipita vers lui, et, introduisant ses doigts dans la bouche ouverte de Paolo, en retira une énorme bouchée de gigot. Immédiatement tout rentra dans l'ordre; les yeux, les veines, le teint reprirent leur aspect ordinaire, l'appétit revint plus vorace que jamais. Les rires avaient cessé devant l'angoisse de l'étranglement; mais ils reprirent de plus belle quand Paolo, se tournant la bouche pleine vers François, lui saisit la main, la baisa à plusieurs reprises.

      —Bon signorino! Pauvre petit! tou m'as sauvé la vie, et moi zé té ferai grand comme ton père. Quoi c'est ça? ajouta-t-il en passant sa main sur la bosse de François. Pas beau, pas zoli. Zé souis médecin, tout partira. Sera droit comme papa.

      Et il se mit à manger sans plus parler à personne; il se garda bien de rire jusqu'à la fin du dîner. Bernard avait aussi fait connaissance avec François pendant le dîner.

      —Je suis bien fâché de n'avoir pas pu rentrer plus tôt, dit Bernard. J'étais chez le curé; j'y vais tous les jours prendre une leçon.

      FRANÇOIS

      —Et moi aussi, je dois aller chez le curé pour apprendre le latin. Je suis bien content que tu y ailles; nous nous verrons tous les jours.

      BERNARD

      —J'en suis bien aise aussi; nous ferons les devoirs probablement.

      FRANÇOIS

      —Je ne crois pas; quel age as-tu?

      BERNARD

      —Moi, j'ai huit ans.

      FRANÇOIS

      —Et moi dix ans.

      BERNARD

      —Dix ans! Comme tu es petit!

      François baissa la tête, rougit et se tut. Peu de temps après qu'on fut sorti de table, on vint annoncer à Christine que sa bonne venait la chercher pour la ramener à la maison. Christine lui fit demander si elle pouvait rester encore un quart d'heure, pour emporter sa poupée vêtue de la robe que lui faisait Gabrielle; mais, habituée à la sévérité de sa bonne, elle se disposa à partir et à dire adieu à sa tante et à son oncle.

      GABRIELLE

      —Attends un peu, Christine; je vais finir la robe dans dix minutes.

      CHRISTINE

      —Je ne peux pas; ma bonne attend.

      GABRIELLE

      —Qu'est-ce que ça fait? elle attendra un peu.

      CHRISTINE

      —Mais maman me gronderait et ne me laisserait СКАЧАТЬ