Brancas; Les amours de Quaterquem. Assollant Alfred
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Brancas; Les amours de Quaterquem - Assollant Alfred страница 7

Название: Brancas; Les amours de Quaterquem

Автор: Assollant Alfred

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085797

isbn:

СКАЧАТЬ de l'esprit?

      —Trop.

      —Comment trop!

      —Eh! oui, rien ne l'étonne.

      —Ah! tu aimes mieux le mystère et les petites filles qui baissent modestement les yeux et regardent les hommes à travers leurs doigts écartés. À ton aise, mon ami, la province est pleine de ces ingénues. Va en province.

      —J'y vais.

      —Ainsi, tout est rompu?

      —Vous m'entendez mal, cher oncle. Rita est tout à fait séduisante, mais....

      —Mais elle ne te séduit pas.

      —Oui, elle me plaît beaucoup; mais je la trouve trop raisonnable, trop gaie; j'ai pour elle beaucoup d'amitié, je n'aurai jamais d'amour.

      —Jamais d'amour! ô douleur! Tu comptais donc sur un mariage d'amour?

      —Pourquoi non?

      —Très-bien, mon ami. Ce pourquoi non? est sublime. Est-ce que l'amour est de ton âge? L'amour, c'est l'Inconnu. Quand on a pénétré cet Inconnu, tout est fini. Toutes les femmes se ressemblent. Les grimaces changent un peu, le son de voix est plus doux ou plus rude, la feuille de figuier est plus ou moins bien taillée, mais le fond est toujours le même. Cléopatre ou Goton, c'est tout un. Oh! si tu n'avais jamais aimé, je comprendrais ton désir.

      —J'ai aimé.

      —Qui?

      —Ni Goton ni Cléopatre assurément, mais de fort aimables créatures qui m'ont été tantôt cruelles, tantôt compatissantes, suivant l'humeur du jour ou les conseils de la nuit, je vous jure qu'aucune d'elles ne m'a ennuyé ni fait voir deux fois le même spectacle. L'amour est infini et varié comme ce vaste univers. Cher oncle, vous n'entendez plus rien à ces questions. Vous êtes comme un brave vétéran qui a cent fois affronté le feu dans sa jeunesse, mais qui ne connaît plus la manoeuvre.

      —En résumé, dois-je demander la main de Mlle Oliveira, ou faut-il attendre qu'un rayon d'amour t'illumine?

      —Demandez toujours, cher oncle. Vous pourriez avoir une pire nièce.»

      Deux jours après, Brancas partit pour Vieilleville. En ce temps-là, qui déjà pour nous se confond avec celui où Noé jeta l'ancre sur le mont Ararat, les convois du chemin de fer s'arrêtaient à Orléans, et toute la France qui est entre la Loire et les Pyrénées ne connaissait qu'en peinture cette manière de voyager. Il fallut donc monter en diligence à Orléans. Il était minuit, et Brancas, un manteau sous le bras et les mains dans les poches, attendait patiemment dans le bureau que le conducteur donnât le signal du départ. À ce moment, deux dames entrèrent suivies de onze malles, caisses et cartons à chapeau. Cette vue fit blasphémer le facteur, qui croyait son travail terminé. Le conducteur leva les épaules, et Brancas regarda les dames. La plus âgée paraissait avoir cinquante ans et n'avait rien de remarquable qu'une maigreur assez rare et des grâces pleines d'affectation. Ce n'était pas de quoi séduire le voyageur. En revanche la plus jeune avait les plus beaux yeux noirs qu'on pût voir, et son visage régulier et doux, mais un peu altier, était de ceux qu'on n'oublie pas. Le Parisien en fut ébloui, et se rangea respectueusement pour lui faire place près du bureau. Elle le remercia par un salut et un demi-sourire auquel Brancas, fin connaisseur en sourires, devina qu'elle avait le sentiment de sa propre supériorité.

      «Parbleu! se dit-il, en sortant du bureau de la diligence, voilà une petite personne à qui il ne doit pas être facile de baiser le bout des doigts. Mais qu'elle est belle! Rita est à cent piques au-dessous.»

      Sur cette réflexion, il fit le tour de la place du Martroi, en regardant les étoiles, et revint à la diligence au moment où le conducteur, ayant déjà terminé l'appel des voyageurs, criait à tue-tête:

      «Monsieur Brancas! en voiture!»

      Il se hâta de monter dans le coupé, où déjà les deux dames l'avaient précédé, et s'installa dans un coin avec le soin d'un homme qui remplit scrupuleusement tous ses devoirs envers lui-même. Le postillon fit claquer son fouet, et les quatre chevaux s'élancèrent au galop sur la route de Vieilleville.

      Le temps était sombre et pluvieux. La dame maigre, qui occupait l'autre coin du coupé, avança bientôt la tête, et dit d'une voix cadencée:

      «Monsieur, voulez-vous avoir la bonté de relever le carreau de votre côté? ma poitrine est si délicate qu'elle ne peut supporter la fraîcheur de l'air ambiant.»

      Le Parisien, déjà plongé dans les délices du premier sommeil, ne répondit rien. La dame irritée se pencha vers lui de nouveau.

      «Monsieur, dit-elle avec aigreur, voulez-vous relever le carreau?»

      Brancas ouvrit les yeux.

      «Plaît-il, madame? que désirez-vous?

      —Monsieur, dit poliment la jeune dame, ma mère qui est malade, vous prie de vouloir bien relever le carreau.»

      L'avocat s'empressa de s'excuser et d'obéir. Il est des voix fortes, il en est de sourdes, de claires, d'agréables, de discordantes, d'harmonieuses; il en est qui vont au coeur, il en est qui déchirent le tympan, il en est qui donnent envie de bâiller, il en est qui donnent envie de rire, il en est qui commandent, il en est qui supplient; celle de la jeune dame était mélodieuse et souple, mais un peu saccadée, signe certain d'un esprit pénétrant et gracieux, et d'une rare fierté. Après quelques instants de silence, Brancas regarda sa voisine à la clarté de la lune qui commençait à dissiper les nuages, et s'aperçut qu'elle dormait. Une respiration calme soulevait à intervalles égaux son sein, et de toute sa personne s'exhalait ce divin parfum que donnent la jeunesse, la santé et la grâce. L'avocat se sentit ému.

      «Diable! pensa-t-il, deviendrais-je par hasard amoureux de ma compagne de voyage! Ce serait curieux, à la veille d'épouser Rita. Ne faisons pas cette folie.»

      Cette sage résolution dura quelques minutes, mais la belle dormeuse fut bientôt la plus forte, et Brancas reprit le cours de ses rêveries.

      «Est-elle mariée? Non.... Son mari ne la laisserait pas voyager ainsi. D'ailleurs, elle est bien jeune. On n'est pas plus belle! Voilà une main ravissante.»

      Il faut dire que la main était exposée en pleine lumière, blanche, fine, transparente, un peu longue et d'une beauté parfaite.

      Un grave accident mit fin aux réflexions sentimentales de l'avocat. La diligence descendait alors le long d'une côte escarpée; le conducteur dormait, et le postillon, ivre ou maladroit, poussait aveuglément ses chevaux. La route, bordée d'un côté par la montagne, de l'autre par un précipice, tournait brusquement vers le milieu de la descente. Tout à coup les chevaux s'emportèrent, prirent le mors aux dents et se précipitèrent au galop. Les deux premiers, dans leur élan, franchirent le parapet peu élevé qui servait de garde-fou le long du précipice, et la diligence elle-même demeura comme suspendue et prête à se jeter dans l'abîme. Le postillon, renversé par le choc, tomba de son siège; les voyageurs poussaient des cris, cherchant à ouvrir les portières et s'embarrassant mutuellement dans leurs efforts. Tout paraissait perdu.

      Seul, l'avocat gardait son sang-froid. Sans s'émouvoir du tumulte et aussi libre d'esprit que s'il eût été dans СКАЧАТЬ