Brancas; Les amours de Quaterquem. Assollant Alfred
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Название: Brancas; Les amours de Quaterquem

Автор: Assollant Alfred

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085797

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СКАЧАТЬ sans oublier pour cela les livres du bon Rollin et la métaphysique de Schelling; enfin j'envoyais des rébus au journal de Vieilleville. J'acquis en peu de temps la réputation d'un savant et d'un esprit bizarre, incapable de faire fortune dans les citations, notifications et significations.

      «Je fus mis à la porte de l'huissier et perdis ainsi le pain et le saucisson. Le soir même je reçus la malédiction de mon père et l'ordre de m'enrôler dans l'armée française. J'avais alors dix-huit ans, nulle ressource et un appétit féroce. Qu'auriez-vous fait à ma place?

      —J'aurais obéi, dit le conseiller d'État et porté le sac avec résignation.

      —Et vous, monsieur?

      —Je ne sais, répondit Brancas; peut-être aurais-je essayé de planter des choux.

      —On voit bien que vous n'avez jamais été exposé à cette infortune. Pour moi, qui sentais mon génie, être ouvrier ou soldat, c'était la mort. Un vieux professeur de latin, sous qui j'avais déchiffré Tite-Live, me donna vingt francs et le Prodomus philosophiæ instaurandæ, de Campanella, qui était son auteur favori. Muni de ces deux viatiques, j'entrai dans Paris le 8 décembre 1819.

      —Voilà un magnifique présent, dit en riant le conseiller d'État.

      —C'étaient toutes les économies du vieux latiniste, et la moitié de sa bibliothèque, dont un Anacréon d'Henri Estienne formait l'autre moitié. Il vivait de pain et d'eau, comme presque tous ses confrères, en comparaison de qui les ânes et les chameaux du désert de Mésopotamie sont des goinfres. Du reste, gai et sans souci, comme s'il eût été propriétaire des mines de Potosi. Je voulus le remercier—«Prends donc, me dit-il brusquement, à quoi ces vingt francs peuvent-ils me servir? C'est trop peu pour jouir, c'est assez pour entreprendre.» J'embrassai tendrement le vieux latiniste et je partis nu-pieds pour ménager mes souliers.

      —C'est avec le Prodomus philosophiæ instaurandæ que vous avez fait fortune?

      —Oui, messieurs, dit Oliveira. Rappelez-vous le cordier des Mille et une Nuits. On lui donna un morceau de plomb. Ce morceau de plomb servit à raccommoder le filet d'un pêcheur; le pêcheur prit un esturgeon et le donna au cordier; l'esturgeon avait avalé un diamant qui valait cent mille pièces d'or, et le cordier devint l'un des plus riches seigneurs de Bagdad. C'est mon histoire. En quinze jours je dépensai mes vingt francs, et me retrouvai seul avec mon Campanella, sans travail et sans asile. Le seizième jour, j'errais à jeun le long des quais, feuilletant tous les bouquins et mesurant de l'oeil la profondeur de la Seine. Tout en feuilletant et en soufflant dans mes doigts, car il faisait grand vent, je fus remarqué d'un bouquiniste, petit vieillard très-vert, au nez pointu, aux lèvres minces et serrées, au front rejeté en arrière, assez semblable au célèbre portrait que David a laissé de Robespierre.

      «C'est un Campanella que vous tenez sous le bras, me dit-il d'un air de convoitise.

      —Oui, monsieur, c'est le Prodomus philosophiæ instaurandæ, livre rare, édition princeps.

      —Oh! moins rare que vous ne croyez,» me dit-il.

      À ce trait, je reconnus un acheteur, et je me tins sur mes gardes.

      «Cela vaut bien trente sous, continua-t-il en mettant la main dans son gousset.

      —Trente sous! m'écriai-je en riant avec mépris, une édition princeps!

      —Trois francs si vous voulez, dit-il, et n'en parlons plus».

      Je haussai les épaules et je fis mine de partir.

      «Mon livre n'est pas à vendre». Il me saisit le bras, et, d'un air suppliant:

      «Voyons c'est une fantaisie ruineuse, mais enfin c'est une fantaisie, voilà trente francs, laissez-moi le livre».

      Je lui donnai le Prodomus.

      «Bon! lui dis-je, j'ai de quoi vivre trois semaines».

      Il se retourna stupéfait.

      «Comment! c'est votre dernière ressource, et vous avez su m'arracher trente francs! Jeune homme, vous avez le génie du commerce, restez avec moi, je vous formerai, et vous ne me quitterez que pour devenir millionnaire».

      J'acceptai. Le petit vieillard ne mentait pas. En peu de temps, je connus tous les secrets du métier, et je commençai à rêver d'autres destinées. Une fois, je vis représenter un vaudeville, et je m'écriai, comme le Corrége: Moi aussi je suis peintre! Six mois après, mes vaudevilles se comptaient par douzaines, et par douzaines aussi mes succès. À vingt francs cinquante centimes de droit d'auteur par représentation, le théâtre ne se ruinait pas, et je commençais à faire fortune. Je n'ai jamais eu moins de trente ou quarante représentations. J'avais trouvé la recette du vaudeville. Vous la connaissez, je pense?

      —Assurément, dit le conseiller d'État, mais nous serons bien aises de l'apprendre d'un maître de l'art.

      —Mon Dieu! reprit modestement Oliveira, ce n'est pas plus difficile que de faire du cassis ou du sirop de groseilles. Voyez plutôt: Un homme met son paletot sur une table et sort: un autre arrive, qui est maître de la maison et marié. Ce paletot lui donne à penser. Voilà, dit-il naturellement, un paletot qui est l'amant de ma femme. Le paletot, le mari, la femme, la servante, le petit clerc si le mari est avoué, entrent, sortent, se croisent, s'expliquent, se querellent, se choquent, se heurtent pendant un, deux ou trois actes au gré de l'auteur. Quelques-uns ont poussé jusqu'à cinq actes, mais c'est une témérité qui réussit rarement. Ajoutez-y des couplets, des grimaces et des calembours, et extirpez soigneusement toute trace de bon sens, vous aurez un excellent vaudeville.

      «À ce métier, j'amassai promptement une dizaine de mille francs, et je renvoyai à mon vieux professeur ses vingt francs et une pipe turque garnie d'argent ciselé qui venait de feu Baraïctar, Grand vizir de la Sublime-Porte. Devinez je vous prie, quelle fut la réponse du bonhomme.

      —Il refusa net?

      —Non. Il garda la pipe du vizir et renvoya les vingt francs avec cette réponse.

      «Mon cher enfant, ces vingt francs ne peuvent appartenir ni à moi qui les ai donnés, ni à toi qui n'en as plus besoin. Donne-les au premier pauvre diable que tu rencontreras, à condition qu'il les donnera lui-même à un autre, et cet autre à un troisième, dès qu'il sera sorti d'embarras. Par là, nous serons, toi et moi, bienfaiteurs à bon marché jusqu'à la fin des siècles. Adieu, porte-toi bien, ne fais pas trop de vaudevilles, car il n'est pas toujours sain de faire rire le public; ne t'enrichis pas trop vite, et si tu trouves quelques pincées de bon tabac d'Argos pour bourrer la pipe du seigneur Baraïctar, n'oublie pas ton vieil ami.»

      En ce moment, un domestique s'approcha d'Oliveira et lui dit quelques mots à voix basse. Oliveira sortit.

      «Eh bien! que penses-tu de ton beau-père? dit le conseiller d'État.

      —Ses cigares sont excellents, dit l'avocat, mais son récit était un peu long.

      —Il aime à se vanter. Les parvenus d'autrefois cachaient leur origine comme le Nil cache ses sources. Ceux d'aujourd'hui mettraient volontiers dans leurs armes les savates qu'ils ont raccommodées. Tout est vanité, comme dit Salomon. Au reste, Oliveira ne s'en fait pas trop accroire. Il a fait des journaux, il a fait la banque, il a fait le commerce des СКАЧАТЬ