Les compagnons de Jéhu. Alexandre Dumas
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Название: Les compagnons de Jéhu

Автор: Alexandre Dumas

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066088774

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СКАЧАТЬ moi vous dire ceci: vous avez la main malheureuse.

      Et, saluant Roland et son témoin avec une exquise politesse, il retourna près du cadavre de son ami.

      — Et vous, milord, reprit Roland, que dites-vous?

      — Je dis, répliqua sir John avec une espèce d'admiration forcée, que vous êtes de ces hommes à qui le divin Shakespeare fait dire d'eux-mêmes: «Le danger et moi sommes deux lions nés le même jour: mais je suis l'aîné.»

      V — ROLAND

      Le retour fut muet et triste; on eût dit qu'en voyant s'évanouir ses chances de mort, Roland avait perdu toute sa gaieté.

      La catastrophe dont il venait d'être l'auteur pouvait bien être pour quelque chose dans cette taciturnité; mais, hâtons-nous de le dire, Roland, sur le champ de bataille, et surtout dans sa dernière campagne contre les Arabes, avait eu trop souvent à enlever son cheval par-dessus les cadavres qu'il venait de faire, pour que l'impression produite sur lui par la mort d'un inconnu l'eût si fort impressionné.

      Il y avait donc une autre raison à cette tristesse; il fallait donc que ce fût bien réellement celle que le jeune homme avait confiée à sir John. Ce n'était donc pas le regret de la mort d'autrui, c'était le désappointement de sa propre mort.

      En rentrant à l'hôtel du Palais-Royal, sir John monta dans sa chambre pour y déposer ses pistolets, dont la vue pouvait exciter dans l'esprit de Roland quelque chose de pareil à un remords; puis il vint rejoindre le jeune officier pour lui remettre les trois lettres qu'il en avait reçues.

      Il le trouva tout pensif et accoudé sur sa table.

      Sans prononcer une parole, l'Anglais déposa les trois lettres devant Roland.

      Le jeune homme jeta les yeux sur les adresses, prit celle qui était destinée à sa mère, la décacheta et la lut.

      À mesure qu'il la lisait, de grosses larmes coulaient sur ses joues.

      Sir John regardait avec étonnement cette nouvelle face sous laquelle Roland lui apparaissait.

      Il eût cru tout possible à cette nature multiple, excepté de verser les larmes qui coulaient silencieusement de ses yeux.

      Puis, secouant la tête et sans faire le moins du monde attention à la présence de sir John, Roland murmura:

      — Pauvre mère! elle eût bien pleuré; peut-être vaut-il mieux que cela soit ainsi: des mères ne sont pas faites pour pleurer leurs enfants!

      Et, d'un mouvement machinal, il déchira la lettre écrite à sa mère, celle écrite à sa soeur, et celle écrite au général Bonaparte.

      Après quoi, il en brûla avec soin tous les morceaux.

      Alors, sonnant la fille de chambre:

      — Jusqu'à quelle heure peut-on mettre les lettres à la poste? demanda-t-il.

      — Jusqu'à six heures et demie, répondit celle-ci; vous n'avez plus que quelques minutes.

      — Attendez, alors.

      Il prit une plume et écrivit:

      «Mon cher général,

      «Je vous l'avais bien dit, je suis vivant et lui mort. Vous conviendrez que cela a l'air d'une gageure.

      «Dévouement jusqu'à la mort.

      «Votre paladin.»

      Puis il cacheta la lettre, écrivit sur l'adresse: Au général Bonaparte, rue de la victoire, à Paris, et la remit à la fille de chambre en lui recommandant de ne pas perdre une seconde pour la faire mettre à la poste.

      Ce fut alors seulement qu'il parut remarquer sir John et qu'il lui tendit la main.

      — Vous venez de me rendre un grand service, milord, lui dit-il, un de ces services qui lient deux hommes pour l'éternité. Je suis déjà votre ami; voulez-vous me faire l'honneur d'être le mien?

      Sir John serra la main que lui présentait Roland.

      — Oh! dit-il; je vous remercie bien beaucoup. Je n'eusse point osé vous demander cet honneur; mais vous me l'offrez… je l'accepte.

      Et, à son tour, limpassible Anglais sentit s'amollir son coeur et secoua une larme qui tremblait au bout de ses cils.

      Puis, regardant Roland:

      — Il est très malheureux, dit-il, que vous soyez si pressé de partir; j'eusse été heureux et satisfait de passer encore un jour ou deux avec vous.

      — Où alliez-vous, milord, quand je vous ai rencontré?

      — Oh! moi, nulle part, je voyageais pour désennuyer moi! J'ai le malheur de m'ennuyer souvent.

      — De sorte que vous n'alliez nulle part?

      — J'allais partout.

      — C'est exactement la même chose, dit le jeune officier en souriant. Eh bien, voulez-vous faire une chose?

      — Oh! très volontiers, si c'est possible.

      — Parfaitement possible: elle ne dépend que de vous.

      — Dites.

      — Vous deviez, si j'étais tué, me reconduire mort à ma mère, ou me jeter dans le Rhône?

      — Je vous eusse reconduit mort à votre mère et pas jeté dans le

       Rhône.

      — Eh bien, au lieu de me reconduire mort, reconduisez-moi vivant, vous n'en serez que mieux reçu.

      — Oh!

      — Nous resterons quinze jours à Bourg; c'est ma ville natale, une des villes les plus ennuyeuses de France; mais, comme vos compatriotes brillent surtout par l'originalité, peut-être vous amuserez-vous où les autres s'ennuient. Est-ce dit?

      — Je ne demanderais pas mieux, fit l'Anglais; mais il me semble que c'est peu convenable de ma part.

      — Oh! nous ne sommes pas en Angleterre, milord, où l'étiquette est une souveraine absolue. Nous, nous n'avons plus ni roi ni reine, et nous n'avons pas coupé le cou à cette pauvre créature qui sappelait Marie-Antoinette, pour mettre Sa Majesté l'Étiquette à sa place.

      — J'en ai bien envie, dit sir John.

      — Vous le verrez, ma mère est une excellente femme, d'ailleurs fort distinguée. Ma soeur avait seize ans quand je suis parti, elle doit en avoir dix-huit; elle était jolie, elle doit être belle. Il n'y a pas jusqu'à mon frère Édouard, un charmant gamin de douze ans, qui vous fera partir des fusées dans les jambes et qui baragouinera l'anglais avec vous; puis, ces quinze jours passés, nous irons à Paris ensemble.

      — J'en viens, de Paris, fit СКАЧАТЬ