Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ cela ne pouvait s'accorder avec leur système de stabilité inerte. Ce que les Romains n'avaient point fait, en cela comme en beaucoup d'autres choses, les constructeurs de l'époque romane le tentèrent. Ils voulurent entourer les sanctuaires de leurs églises de portiques ou bas-côtés concentriques à la courbe de l'abside, et ajourer autant que possible ces portiques en supportant par des colonnes isolées les voûtes qui les devaient couvrir. Primitivement, comme par exemple dans les églises de l'Auvergne et du Poitou, ils se contentèrent d'un berceau sur plan circulaire, pénétré par les arcs bandés d'une colonne à l'autre. Pour contre-butter la poussée de ces berceaux à l'intérieur, ils comptèrent d'abord sur la charge qui pesait sur les colonnes, puis sur la forme circulaire de l'abside, qui opposait à ces poussées une grande résistance. Ainsi sont voûtés les collatéraux des absides des églises de Notre-Dame-du-Port à Clermont, d'Issoire, de Saint-Nectaire, de Saint-Savin près Poitiers, etc. La figure 35 explique ce mode sans qu'il soit nécessaire de plus grands développements 6.

      Mais lorsque, pendant le XIIe siècle, les constructeurs eurent introduit le système de voûtes en arcs d'ogive, ils voulurent naturellement l'appliquer partout, et ne pensèrent pas, avec raison, qu'il fût possible de conserver dans le même édifice le mode des voûtes d'arêtes romaines à côté du nouveau système. Autant il était facile de poser sur le tailloir barlong des chapiteaux A les sommiers B taillés de façon à recevoir une voûte d'arête simple, autant cela devenait difficile lorsque la voûte d'arête comportait des arcs doubleaux et des arcs ogives. Cette difficulté n'était pas la seule.

      Si nous nous représentons une tranche du plan de l'abside de l'église de Notre-Dame-du-Port avec son collatéral (36), nous voyons que les pénétrations des demi-cylindres A et B dans le berceau circulaire CC' donnent en projection horizontale les deux lignes croisées EF, GH. Observons que, le portique étant sur plan circulaire, l'ouverture HF est plus grande que l'ouverture EG; que si nous élevions un plein cintre sur HF et un autre sur EG, ce dernier aurait sa clef beaucoup plus bas que le premier; que la pénétration du demi-cylindre dont le diamètre est EG dans le berceau circulaire CC' tracerait en projection horizontale la ligne E'LG', et que, par conséquent, il n'y aurait pas voûte d'arête, mais simplement pénétration d'un petit cylindre dans un grand. Pour obtenir une voûte d'arête EFGH, les constructeurs ont donc relevé le plein cintre tracé sur EG, ainsi que l'indique le rabattement IKM, en prenant une flèche NM égale à la flèche OP. Ainsi, les tailloirs des quatre colonnes accolées et isolées RSTV étant au même niveau, les deux clefs MP se trouvaient sur la même ligne horizontale, laquelle commandait la longueur de la flèche du berceau CC'. L'idée de surélever les pleins cintres bandés sur les colonnes isolées TV n'était donc pas un caprice, une fantaisie de barbares, encore moins une imitation orientale, comme on l'a quelquefois prétendu, mais le résultat d'un calcul bien simple de constructeur.

      Ce premier pas fait, voyons maintenant comment les architectes du XIIe siècle, inaugurant la voûte en arcs d'ogive sur plan circulaire, essayèrent d'aller plus loin. N'oublions pas qu'un des motifs qui avaient fait adopter la voûte en arcs d'ogive, c'était le désir de s'affranchir de certaines nécessités gênantes imposées par la voûte d'arête antique, le besoin d'indépendance qu'éprouvaient les constructeurs. Mais l'indépendance, en construction comme en toute chose, ne s'acquiert qu'à la suite de tentatives avortées. Les architectes du XIIe siècle sentaient bien que leurs principes étaient fertiles en application, qu'ils les conduiraient à surmonter sans effort les difficultés de la construction des grands édifices: toutefois, comme il arrive toujours, ces principes, à la fois si simples et si souples, les embarrassaient cruellement dans l'application immédiate; pour y rester fidèles, ils compliquaient leurs constructions, ils ne pouvaient se débarrasser totalement des vieilles traditions, et, voulant les concilier avec leurs nouvelles idées, ils tombaient dans des difficultés infinies. Loin de se décourager cependant, ils s'attachaient, après chaque tentative, à ces idées nouvelles avec l'ardeur et la persistance de gens convaincus. Nous allons les voir à l'oeuvre dans la cathédrale de Langres, l'un des monuments les plus fertiles en enseignements de la France, et certainement l'un des mieux construits. Là, les traditions antiques ont une puissance considérable; Langres est une ville romaine dans un pays couvert, il y a quelques siècles encore, de nombreux édifices romains à peu près intacts. Arrivons au fait qui nous occupe particulièrement, aux voûtes en arcs d'ogive bandées sur le collatéral du sanctuaire.

      La colonne monocylindrique, qui, même dans les édifices purement gothiques, persista si tard, est employée dans le choeur de la cathédrale de Langres. Ces colonnes ont les proportions de la colonne corinthienne romaine, et leur chapiteau est quasi-romain; mais (37) leur tailloir est déjà disposé en vue de ce qu'il doit porter: deux de ses côtés ne sont point parallèles, et forment coin afin d'éviter les surfaces gauches à l'intrados des archivoltes A qu'ils portent; du côté du collatéral, ce tailloir donne une ligne brisée pour offrir un point d'appui saillant à l'arc doubleau B. En X, nous donnons la projection horizontale de ces tailloirs. Sentant la nécessité de dégager les arcs doubleaux, de laisser une place à la naissance des arcs ogives, et craignant l'action de la poussée des voûtes sur les colonnes, malgré la forme circulaire de l'abside, l'architecte a surmonté ce tailloir d'une saillie en encorbellement C. Ainsi que le fait voir notre figure, les arcs ogives D trouvent difficilement leur naissance; cependant l'instinct de l'artiste lui a fait orner cette naissance afin de dissimuler sa maigreur. Il y a trois sommiers l'un sur l'autre: les deux premiers EF ont leurs lits horizontaux, le troisième G porte les coupes normales aux courbes des arcs. Alors ces arcs parviennent, non sans peine, à se dégager du plan carré; et même l'arc ogive doit s'incruster entre les claveaux des archivoltes et arcs doubleaux. Mais le constructeur veut déjà doubler son archivolte A d'un second arc I qui vient pénétrer l'arc ogive, car le mur qui surmonte ces archivoltes est épais; il porte une voûte en cul-de-four. Ce n'est donc qu'au-dessus de l'arc ogive et lorsque celui-ci se dégage des sommiers que l'on a pu bander ce second arc I. Ce n'est pas tout: ces voûtes étant rayonnantes, l'architecte a tracé ses arcs ogives en projection horizontale, ainsi que l'indique la figure 38; la surface KLMN étant un trapèze, et le constructeur ne supposant pas encore qu'il fût possible de tracer des arcs ogives formant, en projection horizontale, des lignes brisées, la clef O est plus rapprochée de la ligne MN que de la ligne KL. L'arc KL ayant son sommet à un niveau plus élevé que celui de l'arc MN (car on n'a pas osé surélever celui-ci), la ligne RS est inclinée de R en S.

      Notre fig. 37 fait assez comprendre cette disposition, et la coupe (39) l'explique mieux encore. D'ailleurs, une construction de ce genre, soit qu'elle eût été préconçue, soit qu'elle eût été donnée par le hasard, présentait des avantages: elle permettait de faire plonger les jours pris sous les formerets des voûtes des collatéraux au milieu du sanctuaire; elle ne perdait pas inutilement la hauteur du rampant du comble A; l'inclinaison de ce comble et celle de la voûte donnaient la place de la galerie B; de plus, elle offrait une grande résistance, en ce qu'elle reportait une partie considérable des charges et poussées sur le demi-cylindre intérieur qui, formant voûte, ne risquait pas de se séparer par tranches et de s'écarter du centre. À Notre-Dame-du-Port, les tailloirs des chapiteaux (fig. 36) donnent des parallélogrammes en plan, de manière à offrir une assiette assez épaisse au mur du sanctuaire; il en résulte que les arcs surélevés sur ces tailloirs présentent des surfaces gauches et des cônes plutôt que des demi-cylindres. À la cathédrale de Langres, les tailloirs des chapiteaux sont tracés, ainsi que nous l'avons fait observer, en forme de coins, afin de conserver à l'intrados des archivoltes des surfaces courbes qui sont exactement des portions de cylindres. On évitait ainsi une difficulté d'appareil et des surfaces gauches désagréables pour l'oeil, mais les tailloirs en forme de coins rendaient les chapiteaux disgracieux: vus parallèlement aux diagonales, ils donnaient, du СКАЧАТЬ



<p>6</p>

Bas-côté du choeur de Notre-Dame-du-Port, à Clermont.