Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ ou de moellon piqué.

      Les constructeurs du XIIe siècle apportèrent quelques modifications à ces premières méthodes. Bâtissant des édifices plus vastes comme étendue et plus élevés que ceux de la période romane, cherchant à diminuer l'épaisseur des points d'appui intérieurs et des murs, il leur fallait, d'une part, trouver un mode de construction plus homogène et résistant; de l'autre, éviter, dans des monuments d'une grande hauteur déjà, la dépense de main-d'oeuvre que le montage de matériaux d'un fort volume eût occasionnée. Ils renoncèrent dès lors à l'emploi du grand appareil (sauf dans des cas particuliers ou dans quelques édifices exceptionnels), et préférèrent la construction de petit appareil, tenant du moellon bien plutôt que de la pierre de taille. Autant que possible, la majeure partie des pierres employées alors, formant parements, claveaux d'archivoltes, d'arcs doubleaux et d'arcs ogives, sont d'un assez faible échantillon pour pouvoir être montées à dos d'homme et posées par un maçon comme notre moellon ordinaire. La méthode admise, ce petit appareil est fort bien fait, très-judicieusement combiné: c'est un terme moyen entre la construction romaine de grand appareil et celle de blocages revêtus de briques ou de moellon. En adoptant le petit appareil dans les grands édifices, les constructeurs du XIIe siècle avaient trop de sens pour poser ces assises basses et peu profondes, à joints vifs, comme certaines constructions romanes; au contraire, ils séparèrent ces assises par des lits et joints de mortier épais (de 0,01 c. à 0,02 c.), afin que ces lits établissent une liaison entre le massif intérieur et les parements. Cette méthode était la méthode romaine, et elle est bonne. On comprendra en effet que si (30) on pose des assises à joints vifs devant un massif en blocaille et mortier, le massif venant à tasser par l'effet de la dessiccation des mortiers sous la charge, et les assises de pierres posées à crû les unes sur les autres ne pouvant diminuer de volume, il se déclarera une rupture verticale AB derrière le parement, qui ne tardera pas à tomber. Mais si (30 bis) nous avons eu le soin de laisser entre chaque assise de pierre un lit de mortier épais, non-seulement ce lit soudé au massif retiendra les assises de pierre, mais encore il permettra à celles-ci de subir un tassement équivalent au tassement des blocages intérieurs.

      Les constructeurs romans primitifs, surtout dans les contrées où l'on peut se procurer de grandes pierres dures, comme dans la Bourgogne, en Franche-Comté et en Alsace, sur la Saône et le Rhône, n'ont pas manqué de singer l'appareil romain, en posant, à joints vifs, des carreaux larges et hauts, des dalles, pour ainsi dire, devant les blocages; mais aussi payèrent-ils cher ce désir de faire paraître leurs constructions autres qu'elles ne sont. Il se déclara dans la plupart de ces édifices des ruptures entre les parements et les blocages, des lézardes longitudinales qui occasionnèrent chez presque tous des désordres sérieux pour le moins la ruine souvent. Ces effets étaient d'autant plus fréquents et dangereux que les édifices étaient plus élevés. Mieux avisés, et instruits par l'expérience, les architectes du XIIe siècle, autant par une raison d'économie et de facilité d'exécution que pour éviter ce défaut d'homogénéité entre les parements et les massifs, adoptèrent la construction par assises très-basses et séparées par des lits épais de mortier. Ces lits n'avaient pas seulement l'avantage de tasser et de relier les parements aux massifs: faits de mortier de chaux grasse, ils ne prenaient de consistance que lentement, et, en attendant la solidification parfaite, les constructions avaient le temps de s'asseoir, de subir même certaines déformations, sans occasionner des brisures dans la maçonnerie.

      Les édifices élevés, de 1140 à 1200, dans l'Île-de-France, le Beauvoisis, le Soissonnais, la Picardie, la Champagne et la Normandie, sont d'une petitesse d'appareil qui ne laisse pas de surprendre; car déjà ces édifices sont vastes, d'une structure compliquée et cependant fort légère. Employer le moellon taillé dans de pareilles constructions, comme moyen principal, c'était une grande hardiesse; réussir était le fait de gens fort habiles. Si l'on examine avec soin l'appareil des portions appartenant au XIIe siècle des cathédrales de Noyon, de Senlis, et d'un grand nombre d'églises de l'Oise, de la Seine, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de la Marne, de la Seine-Inférieure, etc., on s'étonne que des constructeurs aient osé monter des monuments d'une assez grande hauteur et très-légers avec des moyens qui semblent si faibles; et cependant la stabilité de ces édifices est assurée depuis longtemps, et si quelques-uns d'entre eux ont subi des altérations sensibles, cela tient presque toujours à des accidents particuliers, tels que les incendies, le défaut d'entretien ou des surcharges postérieures. De tous ces monuments, l'un des plus parfaits et des mieux conservés est la cathédrale de Noyon, bâtie de 1150 à 1190. Sauf les colonnettes, les gros chapiteaux, les sommiers et quelques morceaux exceptionnels, toute la bâtisse n'est en réalité composée que de moellon peu résistant.

      On prendra une idée de ce qu'est cette construction par notre fig. 31, qui donne une partie des travées intérieures jumelles de la nef. Les colonnettes isolées de la galerie du premier étage, celles du petit triforium supérieur, celles séparant les fenêtres hautes, sont des monolythes de pierre dure posés en délit. Quant aux colonnettes triples A qui, avant la reconstruction des voûtes au XIIIe siècle, recevait l'arc doubleau d'intersection des arcs ogives et les formerets, elles sont composées de grands morceaux en délit retenus de distance en distance par des crampons à T. Mais ces colonnettes ont été posées après que la construction avait subi son tassement, et par le fait elles ne sont qu'une décoration et ne portent rien, l'assise de chapiteau et le sommier dont les queues s'engagent dans, la maçonnerie suffisant pour soutenir les claveaux de cet arc doubleau. Nous avons indiqué en B la naissance des anciens arcs ogives des grandes voûtes et en C le formeret derrière les arcs ogives. On remarquera qu'ici, comme dans la plupart des églises bâties à cette époque dans les provinces voisines de l'Île-de-France, et notamment dans le Beauvoisis, les piles qui portent les retombées des arcs ogives et arcs doubleaux sont beaucoup plus fortes que celles supportant seulement l'arc doubleau de traverse. En d'autres termes (voy. le plan), les piles D se composent d'un faisceau de colonnes, tandis que les piles intermédiaires E ne sont que des colonnes monocylindriques à rez-de-chaussée surmontées du faisceau de colonnettes A. L'extrême légèreté d'une pareille construction, la facilité avec laquelle tous les matériaux qui la composent pouvaient être taillés, montés et posés, expliquent comment, même avec de faibles ressources, on pouvait songer à bâtir des édifices d'une grande étendue et fort élevés au-dessus du sol. Aujourd'hui que nous avons pris l'habitude d'employer des masses énormes de pierre d'un fort volume dans nos édifices les moins considérables, de mettre en oeuvre des forces dix fois plus résistantes qu'il n'est besoin, nous n'oserions pas entreprendre de bâtir une cathédrale de la dimension de celle de Noyon avec des moyens en apparence aussi faibles, et nous dépenserions des sommes fabuleuses pour exécuter ce qu'au XIIe siècle on pouvait faire avec des ressources comparativement minimes. Nous trouvons ces constructions dispendieuses, parce que nous ne voulons pas employer les procédés alors en usage. Cependant la cathédrale de Noyon est debout depuis sept siècles, et pour peu qu'elle soit entretenue convenablement, elle peut durer encore cinq cents ans: or douze cents ans nous paraissent être une durée raisonnable pour un édifice, les grandes révolutions sociales auxquelles est soumise l'humanité prenant le soin de les détruire s'ils sont faits pour traverser une plus longue période.

      Outre les avantages de l'économie, de la facilité d'approvisionnement et d'exécution, les constructions en petits matériaux convenaient d'ailleurs parfaitement au système adopté par les architectes du XIIe siècle. Ces bâtisses légères, ne donnant en plan par terre qu'une surface de pleins peu considérable eu égard à celle des vides, soumises à des pressions obliques et à des lois d'équilibre remplaçant les lois romaines de stabilité inerte, exigeaient dans tous les membres qui les composaient une certaine élasticité. Là où les constructeurs, moins pénétrés des nouveaux principes alors admis, cherchaient à reproduire les formes que les artistes laïques du XIIe siècle avaient adoptées, sans en connaître exactement la raison d'être, en employant des matériaux d'une grande dimension, il se produisait dans les constructions des déchirements tels que СКАЧАТЬ