Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 18

СКАЧАТЬ qu'autant que les arcs sont montés sur des pieds-droits d'une hauteur égale pour ces arcs différents et qui n'ont pas plus d'une fois et demie le diamètre ou la base de ces arcs. Il est probable que les architectes gothiques primitifs s'étaient fait des règles très-simples pour les cas ordinaires; mais il est certain qu'ils s'en rapportaient à leur seul jugement toutes les fois qu'ils avaient quelque difficulté nouvelle à résoudre. Comme s'ils eussent défini les lois des pressions des arcs, ils s'arrangèrent pour concentrer sur le parcours de ces lignes de pression les matériaux résistants, et, conduisant ainsi les poussées du sommet des voûtes sur le sol, ils arrivèrent successivement à considérer tout ce qui était en dehors comme inutile et à le supprimer.

      Nous voulons être compris de tout le monde: nous ne nous en tiendrons donc pas aux définitions. Nous prenons un exemple. Soit (33) une voûte romaine en berceau plein cintre; soit AB la courbe de pression des voussoirs, BC la poussée; si le mur qui supporte ce berceau a la hauteur FD, son épaisseur devra être CD. Toute la charge oblique de la voûte se portant sur le point C, à quoi sert le triangle de constructions EDF? Supposons maintenant que nous ayons une voûte gothique (34) en arcs d'ogive: la résultante des trois pressions obliques BA, CA, DA, en plan, se résoudra en une ligne AE; en coupe, en une ligne GH. Le sentiment du constructeur lui indiquant ce principe, il fera toute sa construction d'appareil en décharge; c'est-à-dire que, retraitant le point d'appui vertical IO, il posera un chapiteau M dont la saillie épousera la direction de la poussée GH. En O, il aura encore un corbeau et en I un chapiteau en décharge, de manière à rapprocher autant que possible l'axe P de la colonne inférieure du point H, point d'arrivée de la poussée GH. Mais, étant forcé, dans les édifices à trois nefs, de laisser ce point H en dehors de l'axe P de la colonne, il ne considère plus celle-ci que comme un point d'appui qu'il faut maintenir dans la verticale par l'équilibre. Il annule donc tout effet latéral en construisant l'arc-boutant K. Mais, objectera-t-on, pourquoi conserver un appareil en décharge du moment que la poussée de la grande voûte est neutralisée par la pression de l'arc-boutant? C'est là où perce la subtilité du constructeur. Cette poussée GH est neutralisée, mais elle existe; c'est une force combattue, mais non supprimée. L'arc-boutant arrête les effets de cette poussée; c'est son unique fonction: il ne soutire pas cette action oblique. N'oublions pas qu'il existe une voûte inférieure L dont la poussée ne peut avoir d'action que sur la colonne P, et que cette poussée ne peut être supprimée que par la charge verticale exercée par la construction de R en S; que cette charge verticale aura d'autant plus de puissance qu'elle sera augmentée de la poussée de la grande voûte, et que la rencontre de ces deux forces verticales et obliques se faisant en S en un seul point sur le chapiteau, elle viendra précisément contre-butter la poussée exercée par LS.

      Définir ces actions par des calculs serait un travail en pure perte, car ces calculs devraient varier à l'infini en raison des hauteurs ou des largeurs des vides, des épaisseurs des pleins, de la qualité des matériaux, de leur résistance, des hauteurs d'assises, etc. Mais toujours le sentiment humain, lorsqu'il est aiguisé, est plus subtil que le calcul; de même qu'il n'est pas de machine, si parfaite qu'elle soit, qui atteigne la délicatesse de la main et la sûreté du coup d'oeil. Dans ce cas, le sentiment des premiers constructeurs gothiques les servait bien: car toutes les nefs élevées sur des colonnes monocylindriques, disposées ainsi que l'indique notre coupe (fig. 34), se sont rarement déformées d'une manière sensible; tandis que la plupart de celles où les piles, composées de faisceaux de colonnettes engagées, montent de fond, se sont courbées plus ou moins au droit de la poussée des voûtes inférieures. Mais nous aurons l'occasion de revenir plus tard là-dessus.

      Ce premier point éclairci, venons maintenant aux détails de l'exécution; cela est nécessaire. La construction gothique procède (s'il est permis de se servir de cette comparaison) d'un système organique beaucoup plus compliqué que celui de la construction romaine. «Tant pis, disent les uns, c'est une marque d'infériorité.»--«Tant mieux, disent les autres, c'est une preuve de progrès.» Progrès ou décadence, c'est un fait qu'il nous faut reconnaître et étudier. Déjà notre fig. 34 fait voir que la combinaison au moyen de laquelle les poussées des voûtes sont maintenues dans la construction gothique primitive n'est rien moins que simple. Or, toute construction partant d'un principe compliqué entraîne une suite de conséquences qui ne sauraient être simples. Rien n'est impérieusement logique comme une bâtisse élevée par des hommes raisonnant ce qu'ils font; nous allons le reconnaître tout à l'heure. Le choeur de Saint-Remy de Reims fut rebâti vers 1160, au moment où on construisait celui de la cathédrale de Paris. Cette construction, très-habilement conçue dans son ensemble, ne montre dans les détails qu'une suite de tâtonnements; ce qui indique une école avancée déjà théoriquement, mais fort peu expérimentée quant à l'exécution. Les principes de pondération et d'équilibre que nous avons tracés plus haut y sont appliqués avec rigueur; mais évidemment les bras et les chefs de chantier manquaient à ces premiers architectes gothiques; ils n'avaient eu ni le temps ni le moyen de former des ouvriers habiles; on ne les comprenait pas. Au surplus, le choeur de Saint-Remy de Reims dut exciter avec raison l'admiration des constructeurs de la fin du XIIe siècle, car les méthodes adoptées là sont suivies en Champagne à cette époque, et notamment dans la reconstruction du choeur de l'église Notre-Dame de Châlons-sur-Marne.

      Mais d'abord traçons en quelques mots l'histoire de ce charmant édifice. L'église de Châlons-sur-Marne fut bâtie pendant les premières années du XIIe siècle: elle se composait alors d'une nef avec bas-côtés; la nef était couverte probablement par une charpente portée sur des arcs doubleaux, comme beaucoup d'églises de cette époque et de la Champagne; les collatéraux étaient voûtés au moyen d'arcs doubleaux séparant des voûtes d'arêtes romaines. Le choeur se composait d'une abside sans bas-côtés avec deux chapelles carrées s'ouvrant dans les transsepts, sous deux clochers, ainsi que la cathédrale de la même ville. Vers la fin du XIIe siècle (quoique ce monument fût élevé dans d'excellentes conditions et que rien ne fasse supposer qu'il eût souffert), ces dispositions n'étaient plus en harmonie avec les idées du temps: on voulait alors des nefs voûtées, des collatéraux et des chapelles rayonnantes autour du sanctuaire. On fit donc subir à cette église un remaniement complet: le mur circulaire de l'abside fut remplacé par des colonnes isolées; on éleva un bas-côté donnant issue dans trois chapelles ou absidioles circulaires; on conserva les deux clochers qui flanquaient l'abside, mais on creva le mur du fond des chapelles carrées disposées sous ces tours, et elles servirent de communication avec le bas-côté du chevet. La nef fut surélevée et complétement voûtée; à la place des voûtes romaines des bas-côtés, on fit des voûtes en arcs d'ogive. Quelques chapiteaux provenant des démolitions furent replacés, notamment dans le collatéral de l'abside. Cet historique sommaire fait voir combien, alors, on était disposé à profiter de toutes les ressources que présentait le nouveau système d'architecture à peine ébauché. La construction de l'abside de l'église Notre-Dame de Châlons-sur-Marne est de très-peu postérieure à celle du choeur de Saint-Remy de Reims, mais déjà elle est plus savante; on y sent encore bien des tâtonnements, et cependant le progrès est sensible.

      Nous devons ici reprendre les choses de plus haut. Nous avons décrit la voûte d'arête simple élevée entre des murs parallèles, et nous avons indiqué les premiers efforts des architectes pour la construire et la maintenir sur ses piles. Il nous faut revenir sur nos pas et examiner les variétés de ces voûtes.

      Dès le XIe siècle, on avait entouré déjà les sanctuaires des églises de collatéraux avec ou sans chapelles rayonnantes (voy. ARCHITECTURE RELIGIEUSE). Cette méthode, étrangère au plan de la basilique primitive, avait causé aux constructeurs plus d'un embarras. L'antiquité romaine ne laissait rien de pareil. Certainement les Romains avaient fait des portiques sur plan circulaire; mais ces portiques (s'ils étaient voûtés) se composaient de piles épaisses supportant un berceau dans lequel pénétraient des demi-cylindres formant les voûtes d'arêtes, ou une suite de berceaux rayonnants posés sur des arcs ou СКАЧАТЬ