La Nation canadienne. Ch. Gailly de Taurines
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Название: La Nation canadienne

Автор: Ch. Gailly de Taurines

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ target="_blank" rel="nofollow" href="#n39" type="note">39.

      C'étaient là des mesures insuffisantes pour satisfaire une population que son loyalisme et son accroissement numérique lui-même rendaient exigeante. Dès la fin du dix-huitième siècle, elle s'élevait à 30,000 âmes, et ce n'étaient plus seulement des concessions et des droits qu'elle réclamait, mais-comme race conquérante-des privilèges, des faveurs et la domination de la population française.

      La situation des gouverneurs était assez délicate, obligés qu'ils étaient de favoriser ces sujets-loyaux au point d'avoir abandonné leurs foyers pour demeurer fidèles à la couronne-et de ménager ces Canadiens dont la conduite venait de conserver à l'Angleterre une grande partie du continent.

      Le gouvernement anglais sentait parfaitement que le concours de chacune de ces populations lui était également nécessaire, et dans l'impossibilité de les concilier, il essaya de les séparer tout à fait.

      Le grand ministre, William Pitt, prit l'initiative d'un projet consistant à diviser le territoire canadien en deux provinces, ayant chacune son gouvernement et son administration distincts. Le 4 mars 1791, il présentait ce plan à la Chambre des communes et en démontrait les avantages: «La division en deux gouvernements, disait-il, mettra un terme à cette rivalité entre les émigrants anglais et les anciens habitants français, qui occasionne tant d'incertitude dans les lois et tant de dissensions. J'espère qu'elle pourra se faire de façon à assurer à chaque peuple une grande majorité dans la partie du pays qu'il occupe, car il n'est pas possible de tirer une ligne de séparation parfaite40

      Le projet de Pitt comportait non seulement la séparation des provinces, mais-très libéral encore en ce point-il accordait à chacune d'elles ce gouvernement représentatif cher à tout citoyen anglais, en quelque partie du monde qu'il se trouve jeté par le destin.

      C'était une faveur qu'il eût été difficile de refuser aux Anglais du Haut-Canada. Ces libres institutions, ne voyaient-ils pas les Américains, leurs concitoyens d'hier, en jouir? était-il juste que leur loyauté les privât de privilèges que leur eût assurés une conduite moins fidèle?

      Sans réclamer d'une façon aussi pressante des institutions contre lesquelles ils avaient même un peu la méfiance de l'inconnu, – car le régime français ne les leur avait guère enseignées, – les Canadiens tenaient à ne pas être traités d'une façon différente; ils voulaient recevoir en même temps que leurs voisins tout ce que ceux-ci recevraient. C'est ainsi qu'ils furent, eux aussi, dotés d'un gouvernement représentatif.

      La constitution préparée par Pitt fut votée sans difficulté par le Parlement. Dans la province française, elle confiait le pouvoir législatif à deux Chambres, l'une composée de cinquante membres et élective, l'Assemblée législative, l'autre composée de quinze membres choisis par le gouverneur, la Chambre haute ou Conseil législatif.

      Cette constitution de 1791 donna aux Canadiens une autonomie et une liberté qu'ils n'auraient jamais obtenues s'ils étaient demeurés sous la domination de leur ancienne patrie: par intérêt, l'Angleterre agissait envers eux d'une façon plus libérale que la France ne l'eût jamais fait par amitié.

      Son habile politique lui valut de précieux dévouements, et le clergé, entièrement rallié, n'eut plus que des éloges pour un gouvernement si libéral et si bienveillant: «Nos conquérants, disait, en 1794, dans une oraison funèbre M. Plessis, plus tard évêque de Québec, nos conquérants, regardés d'un œil ombrageux et jaloux, n'inspiraient que de l'horreur; on ne pouvait se persuader que des hommes étrangers à notre sol, à notre langue, à nos lois, à nos usages et à notre culte, fussent jamais capables de rendre au Canada ce qu'il venait de perdre en changeant de maîtres. Nation généreuse qui nous avez fait voir avec tant d'évidence combien nos préjugés étaient faux; nation industrieuse qui avez fait germer les richesses que cette terre renfermait dans son sein; nation exemplaire qui, dans ce moment de crise, enseignez à l'univers attentif en quoi consiste cette liberté après laquelle tous les hommes soupirent, et dont si peu connaissent les justes bornes; nation compatissante qui venez de recueillir avec tant d'humanité les sujets les plus fidèles et les plus maltraités de ce royaume auquel nous appartînmes autrefois; nation bienfaisante qui donnez chaque jour au Canada de nouvelles preuves de votre libéralité; – non, non, vous n'êtes pas nos ennemis, ni ceux de nos propriétés que vos lois protègent, ni ceux de notre sainte religion que vous respectez! Pardonnez donc ces premières défiances à un peuple qui n'avait pas encore le bonheur de vous connaîtr41

      Ces éloges, tout exagérées dans leur forme lyrique qu'ils puissent nous paraître aujourd'hui, le gouvernement anglais les méritait véritablement. Par la séparation des deux provinces, par l'octroi de la constitution de 1791, il venait, pour ainsi dire, de prendre lui-même la défense de la nationalité canadienne contre les attaques des populations anglaises. Les précautions prises pour séparer les rivaux étaient conformes à tout ce que pouvait prévoir la prudence humaine; elles furent cependant encore insuffisantes à contenir la haine atroce dont les Anglais du Canada poursuivirent les Canadiens, et dont nous allons voir bientôt les sanglants résultats.

      CHAPITRE VI

      GAULOIS CONTRE SAXONS.

      LA RÉVOLTE DE 1837

      L'hostilité sans trêve des colons anglais contre les Canadiens contrastait, d'une façon singulière, avec la générosité véritable et l'équité, désormais sincère, du gouvernement. Par la constitution de 1791, Pitt avait essayé de séparer les rivaux, mais, comme il le craignait, cette séparation n'avait pu être si rigoureuse, que quelques groupes de population anglaise ne se fussent trouvés compris dans les limites de la province française. C'était enfermer le loup dans la bergerie.

      Malgré la prudence du grand homme d'État, un conflit inévitable se préparait.

      Minime par le nombre, le parti anglais était, dans la province française de Québec, encombrant par les prétentions. Il apportait dans les luttes politiques une arrogance de conquérant. Ses représentants n'osèrent-ils pas, lors de la première réunion de l'Assemblée, eux les mandataires d'une infime minorité de citoyens, demander que la langue française, unique langage de la grande masse du peuple, fût exclue des délibérations! Audacieuse et vaine tentative qui ne servit qu'à mettre en pleine évidence leur haine et leur injustice!

      L'égalité avec les Canadiens, ce n'est pas ce qu'ils avaient souhaité. La constitution de 1791 était bien loin de les satisfaire. Leurs amis et défenseurs l'avaient eux-mêmes, lors de la discussion, déclaré devant la Chambre des communes: «Cette loi, disait un de ses membres, ne satisfera pas ceux qui ont sollicité un changement; car elle ne met pas les choses dans la situation qu'ils avaient en vue

      Ce qu'ils avaient en vue, c'était l'oppression des Canadiens. Leurs journaux ne se cachaient pas pour le déclarer bien haut, et l'un d'eux, le Mercury, osait écrire: «Que nous soyons en guerre ou en paix, il est essentiel que nous fassions tous nos efforts, par tous les moyens avouables, pour nous opposer à l'accroissement des Français et de leur influence42

      Dominer, c'est ce que voulait la petite oligarchie anglaise, et elle s'étonnait que la métropole mît obstacle à ce qu'elle regardait comme l'exercice d'un droit. Et pourtant, la part qui lui était faite dans le gouvernement local était bien plus grande que celle que lui eût donnée son importance par le nombre et par le talent.

      Les gouverneurs, pour la plupart, lui étaient ouvertement favorables. Large et libérale en Angleterre, la politique demeurait, sur place, étroite et partiale, et tandis que les Canadiens trouvaient toujours СКАЧАТЬ



<p>40</p>

Cité par Garneau.

<p>41</p>

Oraison funèbre de Mgr Briand, prononcée le 26 juin 1794.

<p>42</p>

Cité par Garneau, t. III, p. 114.