La Nation canadienne. Ch. Gailly de Taurines
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Название: La Nation canadienne

Автор: Ch. Gailly de Taurines

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la domination protestante43?», à Québec les gouverneurs réservaient aux Anglais toutes les places et toutes les faveurs. En 1834, sur 209 fonctionnaires, 47 seulement étaient Français, pour une population trois fois plus nombreuse que la population anglaise! Un conflit était inévitable; comment croire que tous ces hommes, qui depuis quarante ans se formaient dans les assemblées électives aux luttes oratoires et à la discussion des affaires publiques, les Papineau, les Vigier et tant d'autres, consentiraient longtemps encore à rester, dans leur propre pays, au milieu de leurs compatriotes, en une sorte d'humiliant ostracisme? Écartés du pouvoir, mis dans l'impossibilité de devenir des hommes de gouvernement, ils devaient nécessairement devenir des hommes d'opposition. C'est ce qui arriva.

      Dans l'Assemblée législative, issue du suffrage populaire, dominait l'élément canadien; dans le Conseil législatif, nommé par les gouverneurs, régnait uniquement l'élément anglais. Entre ces deux parties de la Législature, c'est une lutte de race qui s'engagea en même temps qu'une lutte politique. Pendant longtemps l'orage alla s'amoncelant de plus en plus, jusqu'à ce qu'il éclatât en sanglants conflits en 1838.

      Déjà, dans la session de 1834, le plus éloquent des tribuns canadiens, Papineau, avait exposé devant l'Assemblée toutes les protestations de ses compatriotes, contre cette sorte d'exil à l'intérieur, dans lequel ils étaient tenus. Les «92 résolutions» restées célèbres dans l'histoire parlementaire du Canada, étaient comme la liste de tous les griefs d'une population froissée dans son amour-propre et dans ses intérêts.

      L'année suivante, Papineau continua son agitation: «J'aime et j'estime les hommes sans distinction d'origine, s'écriait-il, mais je hais ceux qui, descendants altiers des conquérants, viennent dans notre pays nous contester nos droits politiques et religieux.

      «S'ils ne peuvent s'amalgamer avec nous, qu'ils demeurent dans leur île!.. On nous dit: «Soyez frères.» Oui, soyons-le. Mais vous voulez tout avoir: le pouvoir, les places et l'or. C'est cette injustice que nous ne pouvons souffrir44

      Voilà les sentiments qui firent germer la révolte de 1837.

      Il ne manquait plus qu'un prétexte, un drapeau autour duquel on pût rallier le peuple. C'est le gouverneur lui-même qui le fournit en prétendant lever, de sa propre autorité, des impôts qu'avait refusé de voter l'Assemblée populaire.

      Le gouvernement de Londres, toujours conciliant, eut beau envoyer aux Canadiens, en 1835, un gouverneur général, lord Gosford, la bouche pleine de flatteries et de paroles mielleuses; ce gouverneur eut beau s'efforcer de calmer les rancunes et de rapprocher les partis; il eut beau s'écrier en ouvrant la session de 1835: «Considérez le bonheur dont vous pourriez jouir sans vos dissensions. Sortis des deux premières nations du monde, vous possédez un vaste et beau pays, vous avez un sol fertile, un climat salubre et l'un des plus grands fleuves de la terre!..» Ces belles paroles restèrent sans écho: le feu était aux poudres, il fallait qu'il éclatât.

      Au mois de novembre 1837, le tocsin sonna dans les villages du district de Montréal; quelques centaines de Canadiens prirent les armes. Ils remportèrent d'abord sur les troupes anglaises des succès partiels, et léguèrent à l'histoire d'admirables traits d'abnégation et de courage. Mais la révolte avait des chefs politiques et peu de soldats, l'agitation n'avait pas pénétré dans la masse du peuple. Le clergé l'avait tenu en garde contre des nouveautés qu'il considérait comme dangereuses. «Nous ne vous donnerons pas, avait dit dans un mandement l'évêque de Montréal, notre sentiment comme citoyen sur cette question purement politique: qui a droit ou tort dans les diverses branches du pouvoir souverain, ce sont des choses que Dieu a laissées à l'appréciation des hommes. Mais la question morale, de savoir quels sont les devoirs d'un catholique à l'égard de la puissance civile établie dans chaque État, cette question morale, dis-je, est de notre compétence…

      «Ne vous laissez pas séduire si quelqu'un voulait vous engager à la rébellion contre le gouvernement établi, sous prétexte que vous faites partie du peuple souverain. La trop fameuse Convention nationale de France, quoique forcée d'admettre la souveraineté du peuple, puisqu'elle lui devait son existence, eut bien soin de condamner elle-même les insurrections populaires, en insérant dans la Déclaration des droits, en tête de la constitution de 1795, que la souveraineté réside non dans une partie, ni même dans la majorité du peuple, mais dans l'universalité des citoyens… Or, qui oserait dire que dans ce pays la totalité des citoyens veut la destruction de son gouvernement45

      Maintenue par le clergé, la masse du peuple resta calme, et les agitations suscitées par les hommes politiques ne le remuèrent, pour ainsi dire, qu'à la surface. La révolte était excusable; la population n'avait-elle pas été poussée à bout par cinquante ans de tracasseries d'une minorité hautaine et encombrante? Les Canadiens rencontrèrent en Angleterre de nombreux défenseurs. La loi par laquelle le gouvernement demandait, à titre de répression, la suspension de la constitution de 1791, fut combattue dans les deux Chambres par des voix éloquentes. Lord Brougham, dans la Chambre des lords, trouva des accents pathétiques pour justifier, devant un auditoire anglais, la conduite des Canadiens: «Vous vous récriez, dit-il, contre leur rébellion, quoique vous ayez pris leur argent sans leur agrément, et anéanti les droits que vous vous faisiez un mérite de leur avoir accordés…

      «Toute la dispute, dites-vous, vient de ce que nous avons pris 20,000 livres sans le consentement de leurs représentants!..

      «Vingt mille livres sans leur consentement! eh bien, ce fut pour vingt schellings qu'Hampden résista, et il acquit par sa résistance un nom immortel… Si c'est un crime de résister à l'oppression, de s'élever contre un pouvoir usurpé et de défendre ses libertés attaquées, quels sont les plus grands criminels? n'est-ce pas nous-mêmes qui avons donné l'exemple à nos frères américains46

      La magnanimité et la clémence ne l'emportèrent pas cette fois. Malgré l'avis de ces éloquents défenseurs des Canadiens, la constitution de 1791 fut suspendue par un vote du Parlement, et lord Durham fut envoyé comme gouverneur, avec les pouvoirs les plus étendus, et la mission de faire une enquête sur le nouveau régime à adopter.

      Lord Durham commença par exiler sans jugement quelques-uns des chefs de la révolte. Répression trop douce aux yeux de l'oligarchie anglaise: le sang des Canadiens n'eût pas été de trop pour satisfaire sa fanatique vengeance; elle réclamait des gibets, la presse de Montréal ne se faisait pas faute de le proclamer bien haut. Ces haines furent satisfaites l'année suivante.

      Une prise d'armes sans importance, organisée sur le territoire des États-Unis par les réfugiés politiques, et dirigée sans succès contre la frontière canadienne, fournit un prétexte à une répression sanglante.

      Sir John Colbourne, le nouveau gouverneur, qui venait de remplacer lord Durham accusé de modération, s'appliqua à ne pas mériter les reproches adressés à son prédécesseur. Il promena la torche et l'incendie à travers les villages suspects, et obéit de la façon la plus complaisante aux vœux des pires ennemis des Canadiens.

      Les Anglais ne reculaient pas devant les excitations les plus haineuses ni devant les plus froides cruautés: «Pour avoir la tranquillité, disait le Hérald, il faut que nous fassions la solitude. Balayons les Canadiens de la surface de la terre!» Et quel lugubre tableau des atrocités qu'il avait conseillées et qu'il se félicitait de voir accomplies: «Dimanche soir, tout le pays en arrière de Laprairie présentait le spectacle funèbre d'une vaste nappe de flammes livides, et l'on rapporte que pas une maison de rebelle n'a été laissée debout. Dieu sait ce que deviendront les Canadiens qui n'ont pas péri, ainsi que leurs femmes et leurs enfants, pendant l'hiver qui approche; ils n'ont plus devant les yeux que les horreurs du froid СКАЧАТЬ



<p>43</p>

Cité par Garneau, t. III, p. 270.

<p>44</p>

Cité par Garneau, t. III, p. 316.

<p>45</p>

Garneau, t. III, p. 340.

<p>46</p>

Garneau, t. III, p. 354.