La Nation canadienne. Ch. Gailly de Taurines
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La Nation canadienne - Ch. Gailly de Taurines страница 12

Название: La Nation canadienne

Автор: Ch. Gailly de Taurines

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ de l'empire soit respectée, et que la paix, la prospérité soient assurées aux Anglais même au prix de l'existence de la nation canadienne française tout entière47

      Sir John Colbourne n'était que trop porté à suivre ces sanglants conseils. A la lugubre joie de ces conseillers de haine, il dressa des gibets: «Nous avons vu, disait encore le Hérald du 19 novembre 1838, la nouvelle potence faite par M. Browson, et nous croyons qu'elle sera dressée aujourd'hui en face de la prison. Les rebelles sous les verrous pourront jouir d'une perspective qui, sans doute, aura l'effet de leur procurer un sommeil profond avec d'agréables songes. Six à sept à la fois seraient là tout à l'aise, et un plus grand nombre peut y trouver place dans un cas pressé!»

      Douze des condamnés périrent sur l'échafaud, sous les yeux de leurs ennemis, accourus pour jouir de ce spectacle, un triomphe pour eux! Les malheureux subirent leur sort avec fermeté. On ne peut lire sans émotion les dernières lettres de l'un d'eux, Thomas Chevalier de Lorimier, à sa femme, à ses parents, à ses amis, lettres dans lesquelles il proteste avec de nobles accents de la sincérité de ses convictions.

      Ces barbares exécutions eurent des effets bien contraires à ceux qu'en attendaient les ennemis des Canadiens. En étouffant dans le sang la rébellion, ils croyaient anéantir la nation canadienne. La rébellion fut étouffée en effet, mais de ces supplices la nation sortit plus fière d'elle-même, plus enthousiaste et plus forte.

      La persécution ne servit jamais qu'à exalter les sentiments de ceux qui la subissent; à une cause proscrite, elle suscite de sublimes dévouements. Les Canadiens venaient de recevoir de la main du bourreau anglais des héros à révérer et à chérir; ils avaient désormais leurs martyrs politiques comme ils avaient eu leurs martyrs religieux!

      Insignifiante en elle-même, si on ne regarde que ses résultats immédiats, la révolte de 1837-1838 eut de grandes conséquences pour l'avenir, et influa puissamment sur les destinées canadiennes. Le sang répandu, loin d'affaiblir cette nation qu'on voulait «balayer de la surface de la terre», fut pour elle une rosée féconde, source de nouvelle vigueur.

      Ce rameau de l'arbre français, que nous avions si inconsciemment abandonné en Amérique, et que depuis nous avions si totalement oublié, se montrait tout à coup à nos yeux comme un arbre vigoureux; plein de sève, il prospérait et s'accroissait jusque sous une domination étrangère, en dépit des orages qui l'assaillaient de toutes parts.

      Pour la première fois la presse française s'occupait du Canada, que sa révolte venait pour ainsi dire de lui révéler; pour la première fois, elle commençait à parler en termes émus de ces frères d'Amérique qui gardaient un souvenir si persistant d'une si oublieuse patrie.

      Toutes les nuances politiques s'accordaient pour louer leur fidélité au sentiment français, et tandis qu'un journal libéral avait, durant l'insurrection, proposé la formation d'une légion de volontaires pour voler au secours de nos frères d'Amérique, la grave Gazette de France parlait, avec un attendrissement classique, du courage des Canadiens à défendre «cette nationalité que les émigrants français ont transportée avec eux au nord de l'Amérique, de même qu'Énée, selon la Fable, emporta avec lui ses dieux, les mœurs d'Ilion et ses pénates».

      La révolte de 1838 avait révélé les Canadiens à l'Europe, la répression sanglante qu'ils subirent les révéla à eux-mêmes, exalta leur sentiment national et leur enthousiasme.

      La suppression elle-même de cette liberté relative que leur avait donnée l'autonomie de leur province tourna à leur avantage. Leur enlever des droits, c'était leur donner un drapeau; ils gagnaient en force morale ce qu'ils perdaient en influence politique.

      Un drapeau est souvent plus fort qu'une constitution; celui que le martyre des victimes de 1838 venait de déployer au-dessus des Canadiens leur permit de traverser victorieusement le nouveau régime, savamment combiné pour anéantir leur influence, auquel on allait les soumettre.

      CHAPITRE VII

      MALGRÉ LA RÉPRESSION, LES CANADIENS PROGRESSENT.

      RÉGIME DE L'UNION DES PROVINCES (1840-1867)

      Si, à l'encontre de sir John Colbourne, lord Durham, homme sensible à la pitié, avait été bénin dans la répression matérielle, il s'était montré fort sévère envers les Canadiens dans les conclusions du rapport dont il avait été chargé.

      Elles étaient entièrement conformes, quant à l'organisation politique à adopter, aux idées et aux désirs des ennemis les plus acharnés des Français: «Fixer pour toujours le caractère national de la Province, lui imprimer celui de l'Empire britannique, celui de la nation puissante qui, à une époque peu éloignée, dominera dans toute l'Amérique septentrionale!» Tel était le but qu'il fallait viser. Le moyen c'était: «la nécessité de confier l'autorité supérieure à la population anglaise,» le Bas-Canada devant être «gouverné par l'esprit anglais48». En un mot, c'était l'asservissement politique des Canadiens!

      Le projet de constitution soumis au Parlement anglais fut entièrement rédigé selon ces vues. Il décrétait:

      La réunion des deux provinces sous un seul gouvernement;

      Égalité de représentation pour chacune d'elles dans le Parlement provincial;

      Partage des dettes; et usage de la langue anglaise seul admis dans la procédure parlementaire.

      Chacun des articles de cette constitution était une injustice voulue envers les Canadiens.

      Injustice l'égalité de représentation de deux provinces si inégales par le chiffre de leur population! La province française comptant 600,000 âmes tandis que sa rivale n'en avait que 400,000.

      Injustice encore cette proscription de la langue française dans une Assemblée dont la moitié des membres pouvait ignorer l'anglais.

      Injustice suprême enfin, sous son apparence d'équité, ce prétendu partage des dettes. Singulier euphémisme que ce terme de partage, quand la dette de la province anglaise s'élevait à 27 millions de francs, tandis que l'autre n'en avait aucune! Partager, c'était en réalité dépouiller la province française, c'était prendre l'argent canadien pour solder les dépenses anglaises49.

      Ce projet inique fut voté par le Parlement anglais, mais non sans y rencontrer, surtout dans la Chambre des lords, de généreuses oppositions.

      Lord Ellenborough trouvait que «c'était mettre la grande majorité du peuple du Bas-Canada, sous la domination absolue de la majorité des Haut-Canadiens; c'était punir toute une population pour la faute d'une petite portion de cette population». Il ajoutait: «Si l'on veut priver les Canadiens français d'un gouvernement représentatif, il vaudrait mieux le faire d'une manière ouverte et franche, que de chercher à établir un système de gouvernement sur une base que tout le monde s'accorde à qualifier de fraude électorale. Ce n'est pas dans l'Amérique du Nord qu'on peut en imposer aux hommes par un faux semblant de gouvernement représentatif.»

      Lord Gosford, qui connaissait les Canadiens, puisqu'il avait été leur gouverneur en 1836, considérait l'union des provinces, telle qu'elle était proposée, «comme un acte des plus injustes et des plus tyranniques». Il lui reprochait «de livrer, en la noyant, la population française à ceux qui, sans cause, lui ont montré tant de haine». Il déclarait enfin que tant qu'il vivrait il espérait «n'approuver jamais une mesure fondée sur l'injustice50».

СКАЧАТЬ



<p>47</p>

Cité par Garneau, t. III, p. 367.

<p>48</p>

Voy. dans Garneau, Histoire du Canada, t. III, p. 372 et suiv., de longs extraits de ce rapport.

<p>49</p>

En 1840, le revenu du Bas-Canada s'élevait à 166,000 livres sterling; il n'avait pas de dette.

Le revenu du Haut-Canada était de 75,000 livres sterling seulement avec une dette de 5 millions 458 mille DOLLARS, qu'il avait contractée en exécutions de grands travaux publics. Voilà le fardeau que le Bas-Canada était appelé à partager avec la province sœur. Partage vraiment fraternel en effet!

<p>50</p>

Longs extraits de ces discours, dans Garneau, t. III, p. 383 et suiv.