Amitié amoureuse. Lecomte du Noüy Hermine Oudinot
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Название: Amitié amoureuse

Автор: Lecomte du Noüy Hermine Oudinot

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ à Philippe

Nimerck, 6 août.

      C'est vrai. Je ne vous ai pas écrit. Vous êtes si étrange!

      Mon ami, deux fois, pendant votre séjour parmi nous, vous m'avez bouleversé le cœur.

      La première fois, c'était le soir où Hélène regardant avec nous le coucher de soleil empourprer l'horizon, et suivant des yeux le vol des oiseaux qui semblaient vouloir s'y perdre, s'écriait: «Oh! le ciel est si beau que les oiseaux vont le caresser!» – Vous souvenez vous? Vous l'avez prise dans vos bras et l'avez embrassée si passionnément que ma fille troublée, murmura: «Mère, mère…» Et vous, fol ami, dites alors si désespérément: «Je vous aime, je vous aime…»

      Puis, un autre soir, je chantais. Après chaque Lied de Schumann vous murmuriez: «Encore!» – Ainsi, j'ai chanté longtemps ses amours, ses désespoirs. Quand je me suis arrêtée, vous pleuriez; si triste, si solitaire, si amère semblait votre douleur! Debout près du piano, sans oser vous consoler, aller vers vous, j'attendais. Alors, vous avez dit: «Partez, laissez-moi seul… partez!» – Je vous ai obéi. Mais votre trouble m'a troublée, j'en suis restée endolorie et ne sais plus où nous allons…

      Vos pensées sont maladives, énervantes. Elles m'enfoncent doucement dans l'inconnu coupable; le rêve est le mal des âmes qui finissent et s'effondrent. Je me suis affinée auprès de vous, mais j'ai déjà perdu un peu de ma droiture et de ma force. Mon ami, il ne faut plus nous voir, ne plus nous écrire, au moins de quelque temps.

      Je vous quitte donc, cher, affaiblie, énervée, assez maîtresse de moi encore pour reprendre ma vie de labeur, d'action, de développement. Je reste dans la solitude éducatrice plus mâle. Elle m'armera de plus saines pensées.

      XLV

      Philippe à Denise

7 août.

      Ainsi, l'heure est venue… Je l'ai retardée jusqu'ici de toute ma volonté; j'ai vécu dans un désir fou, douloureux comme un mal physique. J'attendais je ne sais quelle occasion d'avoir à vous prouver à quel point je vous suis attaché, à quel point mon cœur, ma vie, sont à vous. J'avais peur de hâter d'une manière vulgaire cet instant. Tentant une épreuve au-dessus de mes forces, j'ai demeuré près de vous dans la solitude; alors, vous avez connu mon cœur.

      J'étais pris d'une telle angoisse à l'idée qu'en parlant je vous perdrais peut-être… Ah! ces matins, ces jours, ces soirées où ma vie frôlait la vôtre… Que ce temps de voluptés indécises enfuies à jamais m'était cher! J'épiais, fiévreux, l'instant où votre âme entraînée par mon âme s'allait fondre en elle… j'attendais l'impossible rêve.

      Oui, je vous aime. Vos yeux, votre voix si harmonieuse, exercent sur moi une irrésistible fascination… ce timbre limpide, grave et doux de votre voix, comme il me possède! Il donne à vos paroles, lorsqu'un émoi le voile légèrement, je ne sais quoi de caressant, de modulé, de mystérieux, qui fait tressaillir ma pensée, me fait m'extasier de désir pour vos lèvres où passent ces sons. On vous aime dès qu'on vous entend parler. Votre voix, malgré votre volonté, effleure de caresses.

      Je vous aime; pouvais-je vivre au contact de ce cœur charmant, de cet esprit fin, enjoué, qui attire, retient, enlace si étroitement d'une magnétique, d'une pénétrante chaleur, sans l'aimer?

      Je vous aime; je ne puis plus vivre loin de vous, chère tendresse éclairée qui me guide, vigilante, et a su m'animer par sa chaude aimantation.

      Je vous aime, pour la droiture de vos pensées, pour la réserve de vos gestes, pour l'immobilité fascinatrice de vos attitudes.

      Je vous aime, parce que vous êtes naturelle, vraie et bonne, ce qui est le suprême charme.

      Je vous aime, parce que vous êtes grande, svelte, pâle; parce que vous êtes résolue et forte dans vos décisions; parce que ayant si bien deviné votre âme, je suis curieux de vous, toute. Je vous aime parce que je vous aime, voilà la seule vraie raison.

      Denise, je veux sentir la douceur de vos lèvres sur mes lèvres, je veux être le maître de votre âme, je veux vous voir défaillir pour vous consoler et être à cette seule minute toute votre force, toute votre espérance…

      Mon amie, soyez clémente; ne me replongez pas dans le néant d'où vous m'avez tiré. Je serai longtemps encore ce qu'il vous plaira que je sois; mais gardez-moi, car je vous aime.

      XLVI

      Denise à Philippe

Nimerck, 9 août.

      Quelle lettre!.. J'en ai le cœur apitoyé et tremblant. Je vous remercie de cette franchise; elle convient à vous, parlant à moi.

      Vous vous révélez si loyal, si droit, au milieu de tout ce trouble, que je vous propose ceci: Je vais demeurer ici jusqu'à ce que vous soyez guéri.

      Vous comprenez, n'est-ce pas, que je ne puis revenir à Paris près de vous, cet automne, pour vous faire souffrir? Vous vous désaccoutumerez de moi, vous y emploierez toute la force de votre intelligence et vous y arriverez. Personne de nos amis, de notre entourage, n'aura vu ce drame de votre cœur et alors, seulement alors, nous nous reverrons.

      J'ai l'air de vous fuir; peut-être allez-vous croire que c'est parce que je me sens susceptible de faiblir? Quelque durs que soient les mots que je vais vous dire, ils sont la vérité même sur l'état de mon cœur: Je ne vous aime pas.

      Si nous restions l'un près de l'autre, j'aurais peut-être de vagues coquetteries – n'en ai-je pas déjà eu? – elles pourraient vous induire à croire que je vous aime. Et puis, qui sait? peut-être me prendrais-je à la mélodie de vos mots et arriverais-je à faillir par contagion? Cela ne serait pas l'amour comme je le comprends, comme je l'excuse. Ma faute serait de la surprise et de la lâcheté; car c'est une chose triste et curieuse: quand un homme nous dit «Je vous aime,» – si peu solides que nous apparaissent les bases, les principes, les causes premières de ce sentiment exprimé, quelque chose d'irraisonné, d'irraisonnable, nous pousse à accepter pour vrai ce phénomène. Ce quelque chose n'est peut-être que la recherche de la sensation douce et flatteuse que l'on a à se dire: Je suis aimée, – mots dont se leurre le cœur, toujours.

      Vous voyez: non seulement je vous pardonne de m'aimer, mais je suis un peu orgueilleuse que vous m'aimiez. Cela doit me faire pardonner à mon tour ce qu'involontairement je vous fais souffrir. Adieu.

      XLVII

      Philippe à Denise

10 août.

      Denise, Denise, n'ayez pas cette cruauté! quittez Nimerck, venez!.. Avec quelle froide décision vous me rejetez loin de vous, hors de votre vie! C'est à peine si je puis le comprendre et le croire… Je n'étais donc rien pour vous qu'un remplissage de vos heures vides? J'avais cru pourtant… Tenez, je vous le promets; je reprendrai du courage, de la force, à l'avenir; mais mourir ainsi à tous ses sentiments, à tous ses souvenirs, c'est un horrible effort. J'ai un tel nuage de douleur autour de moi que je ne sais plus ce que j'écris.

      XLVIII

      Denise à Philippe

11 août.

      Pauvre cher, je me sens aussi bien malheureuse. Pouvais-je penser que ce doux et maternel enveloppement n'était pas sans péril pour vous? Dans votre amour naissant je n'ai vu qu'un intérêt fraternel. Mon indigence intellectuelle me faisait si petite fille auprès de vous! J'apprenais СКАЧАТЬ