Amitié amoureuse. Lecomte du Noüy Hermine Oudinot
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Название: Amitié amoureuse

Автор: Lecomte du Noüy Hermine Oudinot

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de Paul, et l'écœurement où nous étions, mère, moi et une autre jeune femme qui avait mis imprudemment ce sujet délicat entre ces bouches profanes.

      Pour le coup j'ai formulé cet axiome: le remariage est un adultère posthume.

      Quand j'ai passé une heure, par force, en compagnie de ces gens de la grosse espèce, je rentre chez moi en hâte, je prends un bain, et je voudrais arracher de mon cerveau toutes les pensées qui l'ont traversé; elles me semblent souillées. Comme Hamlet j'ai envie de m'écrier: «to sleep… to dream!»

      XXX

      Philippe à Denise

14 avril.

      Peut-être avez-vous raison; au moins mes princes sont princes. Que j'aime donc vos lettres! Je me réjouis de dîner ce soir avec vous. J'espère que l'instinctive madame Ravelles aura l'esprit de me mettre auprès de vous. Je vous préviens obligeamment que si elle ne le fait pas, je serai d'une humeur de dogue.

      Et puis, n'allez pas prendre des airs effarouchés, n'est-ce pas, parce que j'aime votre âme qui est bien la plus jolie et la plus droite que je connaisse?

      XXXI

      Denise à Philippe

14 avril.

      Voyez-vous cela?.. Comme je suis très bonne, voici ma réponse à votre petit bleu pour le cas où je serais séparée de vous à ce dîner; mot: fiche de consolation – et aussi pour que vous ne fassiez pas une mine si triste que, du coup, pour en combattre le déplorable effet, je doive devenir d'aspect très gai. O diplomatie!.. Et tout ça pour rien: «Rodrigue, qui l'eût cru?»

      Je crois simplement, monsieur mon ami, que mon âme est douce, clairvoyante et ferme, tendre un peu, surtout éprise d'un certain idéal de fierté et de respect de soi. Il ne faut pas m'en savoir trop de gré. Maupassant disait un peu paradoxalement: «Le génie, c'est un bon estomac.» Moi je dis: «L'organisation d'un être, c'est son caractère, et le caractère c'est la fatalité.» L'éducation nous donne un peu d'hypocrisie, c'est tout.

      Et prouvez-moi le contraire? Notre organisme est un enchevêtrement inextricable de mélanges de races, et c'est l'hérédité cruelle qui nous fait ce que nous sommes. Voilà pourquoi la fille de mon papa, que je suis, n'est pas muette, au contraire de l'amoureuse de Molière. J'ai eu une arrière grand'mère très vive et très bavarde; il en résulte que de langue en langue, comme de fil en aiguille, j'aime non parler, mais écrire.

      Monsieur, j'ai bien l'honneur de vous dire bonsoir par la présente. Ah! cher nonchalant, vous devez avoir eu une marmotte, vous, parmi vos aïeux.

      XXXII

      Philippe à Denise

16 avril.

      Hélène vous a-t-elle dit que je l'ai rencontrée aux Champs-Élysées et que, sous l'œil vigilant de miss May très correcte, nous avons entamé un petit flirt? Elle était divinement jolie, votre fille, dans sa toilette de velours bleu et cette fourrure pelucheuse gris-pâle de chinchilla. Elle m'a dit sur ses «petits amis les pauvres» et sur le froid, des choses divines.

      Je vous préviens, madame, qu'elle m'a invité à dîner pour demain soir avec ses amies et sa chère grand'mère de Nimerck, et que je viendrai si vous ne me décommandez pas, car j'ai promis de faire une représentation avec le grand guignol.

      Yours always.

      XXXIII

      Denise à Philippe

17 avril.

      Hélène? c'est une enfant soyeuse, douce et tendre, quiète et recueillie, pâle, estompée, une enfant de rêve, un coin du ciel dans ma vie.

      Venez. Depuis ce matin on prépare à votre intention une partie du salon. Votre théâtre y est déjà et les marionnettes pendent languissamment sur un bras de fauteuil, attendant que vous leur donniez la vie. Que d'âmes de femmes sont ainsi qui s'éveillent entre les mains délicatement caressantes de l'homme qui les aime…

      Hélène m'a conté votre promenade et je dois vous dire que vous avez aussi une petite place dans ce cœur-là. Oui, n'est-ce pas, elle est un peu divine, ma fille? J'aime la laisser vivre dans l'engourdissement de ses doux instincts; elle séduit, captive, parce que j'ai respecté cette fleur d'enfance qui la fait si naïve dans ses huit ans, si loin des choses pratiques de la vie. De là viennent ces finesses de pensées qui vous enchantent.

      En dehors de cela, il y a en elle une source de poésie. Elle est vraiment belle, physiquement et moralement. Mon Dieu! quand je songe qu'il me faudra un jour donner ce cher trésor à un homme qui peut-être ne comprendra rien à toutes les exquises et fines choses qu'elle représente!.. Le pire des maris n'est pas celui qui bat, trompe, boit; c'est celui qui ne croit pas en nous, qui nous dédaigne poliment, nous juge inférieure à lui et nous fait souffrir dans nos élans, dans toutes les choses bonnes, fines et tendres que nous croyons devoir lui offrir.

      Oh! les morts vivants! ceux qui nous méprisent parce qu'avant nous la foule des vulgaires pensées, des vulgaires femmes, ont éteint pour jamais leur âme. Ceux que leurs souvenirs déçus hantent, les éteints de la vie que rien ne peut ni ranimer, ni faire croire à quelque chose de bon, de droit, de beau! Ceux-là qui ne nous demandent ou ne nous donnent rien, je les hais.

      L'atrophie du corps n'est rien, l'atrophie de l'âme est tout; de même que la possession est peu de chose tandis que le désir est tout.

      Tenez, Vandérem dans son roman: la Cendre, a fait une étude parfaite, juste et douloureuse, de cet état d'âme de l'homme qui entre dans le mariage en cendres.

      Ne dites pas que cette chose-là n'arrive pas, puisqu'elle m'est arrivée. Je vous jure, c'est le moindre des maux, qu'on nous préfère une maritorne. Mais ce par quoi j'ai passé! Encore étais-je énergique; mais Hélène? tendre, mélancolique, perdue dans le rêve, elle mourrait s'il lui fallait souffrir ce que j'ai souffert. Rien que d'y penser, je déteste déjà mon gendre.

      Il faudra qu'un de ces soirs je vous conte le douloureux drame – si calme, si correct – de ma vie, et que je vous présente un peu ce premier secrétaire d'ambassade qui est mon mari, et de qui me vinrent tous mes désenchantements, à l'éternelle et très grande stupéfaction de ma belle-mère, nature froide, orgueilleuse, assez vulgaire, qui n'y a rien compris. Pour elle, la politesse tient lieu de tout.

      XXXIV

      Philippe à Denise

18 avril.

      Encore profondément troublé de notre conversation d'hier au soir, je vous envoie, ma chère, chère amie, le témoignage de mon respect et de ma tendresse.

      XXXV

      Denise à Philippe

18 avril.

      Comme vous êtes bon, comme cette dépêche m'a fait du bien!

      Après votre départ, je me suis demandé pourquoi je vous avais tout dit; j'ai été prise, malgré moi, d'une honte douloureuse. J'étais seule, brisée par mes souvenirs, pauvre marionnette plus vide et plus molle que celles d'Hélène, traînant éparses sur les meubles. Et voilà que votre mot tendre me montre que vous avez pressenti ce qui devait se passer en moi, l'anéantissement où m'avaient laissée ces confidences.

      Oui, j'ai bien souffert; СКАЧАТЬ