Amitié amoureuse. Lecomte du Noüy Hermine Oudinot
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Название: Amitié amoureuse

Автор: Lecomte du Noüy Hermine Oudinot

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et les plus affectueux. Il est en effet peu probable que je puisse aller à Nimerck, même vous y rejoindre le 14. Les événements ne me semblent pas s'y prêter. Je n'ai cependant pas encore perdu toute chance, et vous pouvez compter que, si je peux m'échapper un instant, j'irai vous baiser la main.

      A bientôt donc, je l'espère. Excusez la désolation de cette épître, n'en veuillez pas à la familiarité de mon affection qui vous transforme déjà en sœur de charité. Soyez convaincue surtout, madame mon amie, que je vous aime très tendrement; c'est ma manière de vous remercier de la bonté et de l'indulgence que vous avez pour moi.

      XXXVIX

      Denise à Philippe

3 juillet.

      Vous souffrez, vous êtes triste, votre lettre m'a touchée. J'y sens un esprit en détresse, d'une de ces détresses morales qui meurtrissent l'âme. Alors j'ai béni la sotte rage de dents qui m'a retenue à Paris et me permet de vous répondre plus vite.

      Oui, le croiriez-vous? toute ma sagesse s'étant réfugiée dans une dent du même nom, elle se trouve probablement si à l'étroit dans ce logis de nacre, que mon très américain dentiste parle de me l'enlever – pas ma sagesse – ma dent!

      Je plaisante, mais c'est du bout des lèvres, je vous jure, car je suis tout attendrie sur votre chagrin. Quel malheur que notre amitié soit si jeune! Je vous dirais: «Je sais peut-être pourquoi vous souffrez», et nous pourrions parler de vos ennuis, sans que cette terrible susceptibilité qu'ont tous les hommes à conter leurs maux, se révolte, sans que cela puisse vous paraître une indiscrétion de la part de votre trop nouvelle amie.

      Non, ce n'est pas votre faute. Pouvons-nous ne pas subir, par instants, pour l'argent, ce vent de folie qui nous pousse tout à coup si fort à l'abîme? Toute résistance nous devient impossible et il faudrait résister, pourtant: pouvons-nous être des sages et ne subir aucun entraînement?

      J'ai beaucoup souffert déjà dans ma courte vie, c'est pourquoi je comprends toutes les souffrances. Mon père avait coutume de dire: «On a fait de l'argent un roi; aussi j'éprouve une certaine satisfaction à le détrôner.» Et il le détrônait si bien que nous avons connu des années aux jours noirs, si tristes, qu'on se demande parfois comment on survit à ces choses.

      Hélène n'aura pas ces douleurs-là; mon pauvre père mort, des héritages nous sont venus; l'avenir de ma fille est assuré; heureusement, car elle me paraît être dans les mêmes idées que son grand-père.

      Il y a quelques jours, je lui demande ce qu'elle a fait d'une assez grande quantité de sous neufs que chacun se plaisait à lui donner.

      – Mes sous d'or? oh! mère, ils étaient devenus tout noirs et si laids! je les ai jetés par la fenêtre.

      Je n'ai pas eu le courage de lui expliquer la faute qu'elle avait commise, tant m'a paru propre et rare, et peu bourgeois, ce mépris des gros sous. Et puis elle n'a pas encore huit ans; il sera temps plus tard.

      Allez, mon ami, les pires souffrances sont celles du cœur. J'ai souffert cruellement dans le mien qu'on a pris plaisir à tenailler, à mettre en lambeaux. Mon mal, peu à peu, s'est fait plus sourd, moins cuisant; il demeure, pourtant.

      Vous voyez, vous pouvez crier misère vers moi: je saurai comprendre vos plaintes, sinon vous guérir. Hélas! si vaillante soit mon amitié vous êtes un homme, je suis une femme. Ces seuls mots ne mettent-ils pas entre nous cette sotte barrière mondaine qui anéantit tous les élans spontanés et généreux des cœurs? Aussi j'ai été bien touchée de votre: «Je vous aime tendrement.» Soyez-en persuadé, je sens toute la droiture, toute l'exquise franchise de votre phrase, et je suis très heureuse d'être aimée par vous de cette façon.

      Je crois avoir trouvé le vrai nom du sentiment qui nous lie, en l'appelant un sentiment sans nom. Tel, l'innommé, je l'aime parce qu'il nous unit.

      Adieu, mon pauvre ami, soyez courageux, soyez fort, soyez confiant dans les inspirations dictées par votre esprit, ne craignez pas d'attaquer de front vos ennuis. Surtout, ayez foi: tous ceux que j'aime et qui m'aiment réussissent.

      Adieu. Commencez par rire de cette folie superstitieuse, et puis envoyez-moi un battement de votre cœur, je vous le rendrai.

DENISE.

      P. – S.– Avec ce retard pour ma dent qu'on soigne, je reste encore deux jours à Paris. Pourquoi ne viendriez-vous pas avec nous à Nimerck? Allons, décidez-vous?

      XL

      Philippe à Denise

4 juillet.

      Votre lettre m'a fait grand bien, vous êtes droite et bonne. Vraiment, je n'ose m'absenter en ce moment. Plus tard les événements me seront plus favorables. Pardonnez-moi ma défection bien involontaire, madame.

      XLI

      Denise à Philippe

5 juillet.

      Monsieur mon ami est bien le plus terrible hésitant que je connaisse. Venez donc puisque, à quelques jours près, vous avez l'espoir de venir. Cela vous remontera. Vous tirerez profit de cette paix que nous donnent les choses ambiantes: Dira-t-on jamais ce que causent de bien au cerveau fatigué le parfum d'un champ de luzerne et l'enivrement des yeux se reposant sur tant de verdure noyée dans tant de bleu? Et la mer si belle, avec son chant rythmé, cette «grande gueuse», comme l'appelait Gustave Flaubert. Et tout, enfin, y compris la réception qu'on vous prépare si amicale.

      Venez!.. Je suis un peu saoule du départ et voudrais vous entraîner. J'ai remué, en préparant mes malles, avec ma lingerie, mes tulles, toute la soie froufroutante des dessous, trop de poudre d'iris; la poussière impalpable du fin parfum s'est répandue partout; c'est lui qui m'enivre.

      Allons, venez! Vous n'avez aucune idée de l'enchantement de Nimerck en cette saison. Venez, cher paresseux: au village, je vous trouverai une chambre (voyez ici l'hommage discret aux convenances!) Enfin je me mettrai en quatre for you. Est-ce assez, mon maître? N'allez pas, ce soir, chez ma belle-sœur me répondre: «Oui, grosse bête!»

      XLII

      Philippe à Denise

20 juillet.

      Encore sous le charme de la beauté de Nimerck, de cette plantureuse et sauvage nature bretonne, de ces bords de la mer retirés et solitaires, je viens vous remercier de m'y avoir entraîné. Je suis heureux de pouvoir vous y suivre en pensée. Je vois tite-Lène entourée des oiseaux sur la pelouse, et vous, et votre chère mère, et tout enfin. J'ai passé là, près de vous trois, des heures inoubliables. Merci!

      XLIII

      Philippe à Denise

4 août.

      Madame mon amie, vous me laissez sans nouvelles, sans lettres, sans rien. Si vous croyez développer ainsi le sentiment sans nom? Y a-t-il rien de si attristant qu'un silence aussi mortel?

      Je me sens tout misérable d'avoir perdu l'horizon. Alors, pour m'en consoler, je cherche comme les fanatiques à être heureux dans la fixation des pensées: les miennes sont toutes à vous, à Hélène la jolie, la délectable.

      Vous le voyez, le tumulte de mes idées se réduit à vous et à ce qui vous entoure. L'horizon n'arrive pas dans mon cœur beau premier comme dans ma lettre. Et, tout simplement, je me souhaite les trois cents lieues de cuisses dont parle je ne СКАЧАТЬ