Amitié amoureuse. Lecomte du Noüy Hermine Oudinot
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Название: Amitié amoureuse

Автор: Lecomte du Noüy Hermine Oudinot

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Que de tendresse, pourtant, je me sens au cœur, et comme j'aurais su aimer, il me semble. Mais il y a des êtres qui vivent ainsi dans un perpétuel inachèvement; c'est fini, jamais rien ne me tirera des limbes où je demeure et dans lesquels mon cœur révolté ne peut pas s'éteindre.

      J'avais vingt-deux ans quand j'ai désespéré de pouvoir continuer ma vie comme le hasard et la société me l'avaient créée; Hélène avait deux ans. J'ai pris ma fille et me suis sauvée. J'ai trente ans bientôt. Pendant ces six ans de séparation consentie de part et d'autre, me sont apparus de jolis commencements d'aventures, mais seulement cela. J'étais en plein arrêt d'enthousiasme au moment où eux s'emballaient; de là des ennuis. Le monde, pour cette raison, me donna quelques amants que je ne pris pas, et il ne sentit pas mon cœur vivre dans toute la pureté ardente et fougueuse d'une tendresse toujours à vide, sans but, un peu exaltée, justement à cause de ce sans but.

      Mettez, avec cela, que j'ai l'esprit coquet; ce qui m'entraîne parfois à donner à des indifférents toutes sortes de petites choses intellectuelles pimpantes, que les fats prennent pour des avances, peut-être? J'ai donc une réputation un peu calomniée. Je ne m'en disculperai pas à vous. Vous savez mieux que tous autres ce qu'est ma vie.

      Mais tout cela vous expliquera pourquoi je suis si heureuse de notre bizarre et fervente amitié, heureuse de passer ces soirées intimes avec vous, dans la joie douce et recueillie d'avoir trouvé un cœur un peu frère du mien.

      XXXVI

      Philippe à Denise

19 juin, minuit.

      Mon amie, les mots me manquent pour vous exprimer la tendresse respectueuse qui me lie chaque jour davantage à vous. Ce soir, vous me parliez, de votre voix douce et basse, contenue, presque sans parole, toute pleine d'émotion. Vous me parliez et j'étais bien ému. Vous m'apparaissiez une chose de résignation, de force, de paix, une chose qui m'est aussi précieuse, aussi rare, aussi chère que peut vous être votre Hélène. Tout, de vous, d'elle, me semble une harmonie. Ne dites pas que je suis fou, ne dites rien, afin que des mots irréparables ne soient pas entre nous, et laissez-moi garder dans mon cœur l'idée de vous ainsi que d'une chose sainte.

      XXXVII

      Denise à Philippe

1er juillet.

      Eh quoi, mon cher clair obscur, vous m'écrivez presque une lettre d'amour pour laquelle je m'apprête à vous bien gronder, puis vous disparaissez: ni lettre, ni visite pendant douze jours!

      Durant ce siècle, vous comprenez bien, ma colère est tombée; ne parlons donc plus de la lettre, je l'ai oubliée. Seulement, comme je quitte Paris dans quelques jours, je viens obligeamment vous le dire, afin qu'un ami un peu bizarre que je possède dans les abords de l'avenue de Messine ne vienne pas frapper à mon huis pour apprendre que j'en suis bien loin… ce qui donnerait peut-être trop d'importance à un léger ressentiment…

      Je devrais même être partie; mais comme j'avais eu l'intention louable de révérender ma vieille tante de Giraucourt avant mon départ pour Nimerck, elle m'a invitée à dîner. Je n'ai pu refuser: cela aurait fait de la peine à ma mère qui, étant donnée la grande différence de leur âge, considère un peu cette sœur aînée comme sa mère.

      C'est cette tante-là que mon frère Gérald, mes cousins et moi, avons irrévérencieusement baptisée: l'habitude des cours. Et ce que ce nom lui sied bien! une merveille! Elle sait, je crois le Gotha par cœur, et c'est à peine si elle ne libelle pas ses invitations: d'ordre de la baronne de Giraucourt, etc., etc.

      Elle a un tempérament de ralliée. Elle était royaliste – de par les sentiments paternels, – mais elle n'a pas su résister à l'entraînant second empire; elle deviendrait, je crois, républicaine, si les républicains s'avisaient d'avoir une cour et surtout beaucoup de décorum.

      C'est un type, ma tante. Je vous la ferai connaître. Grande, encore belle sous ses cheveux blancs, généreuse, intelligente et fantasque, elle dépense tous ses revenus en bonnes œuvres. Elle déteste ma belle-mère et l'intimide; c'est curieux et amusant à voir. Quand ses réceptions de famille sont émaillées de quelques étrangers, le maître des cérémonies – lisez valet de chambre – passe discrètement entre les groupes, au salon, avant le dîner, pour remettre une carte sur laquelle est écrit: «Monsieur du Rand» – ma tante ne peut se résoudre à ne pas ennoblir tous les gens qu'elle fréquente – «est prié de se mettre à table à la droite de madame da Borde et d'offrir son bras à madame de Nières».

      Et M. Durand, madame Deborde, madame Danières, l'espagnolisée pour un soir, se troublent, se perdent en lisant trop attentivement leurs petites pancartes; cela amène les confusions les plus drolatiques, tandis que ma tante, très digne, froissée de leurs maladresses, murmure: «Pas l'habitude des cours…» et que nous faisons des efforts surhumains, nous autres jeunes, pour ne pas mourir de fou rire.

      Une idée? Si vous veniez à Nimerck avec nous? Gérald nous quittera là pour aller s'embarquer à Cherbourg.

      Cela distraira un peu ma pauvre maman de son chagrin, d'avoir à s'occuper d'un hôte.

      Je serais ravie de voyager ces quelques heures avec vous; mais ça ne s'arrange pas, hein? Avez-vous remarqué comme rien n'est favorable à nos désirs, à nos joies dans la vie? Quel dommage de passer son temps à dire: quel dommage!

      Adieu; je me fais l'effet d'un Jérémie de poche. Adieu. Vraiment, vous ne pouvez pas partir vendredi?

      Me voilà subissant envers vous une loi d'attraction bien extraordinaire… ne devrais-je pas être un peu fâchée, indiscipliné ami? Adieu, adieu. Ce sentiment peut durer indéfiniment entre nous – je veux dire l'espace d'un matin, ce qui est énorme.

      Adieu, adieu, adieu! cette fois, c'est sérieux. Adieu, monsieur mon ami, pensez, travaillez; ne vous contentez pas de traîner votre nonchalance dans des lieux selects, et d'accrocher des cœurs de femme au bout de vos éperons; ne donnez ni votre âme, ni votre esprit à la foule, cette cohue insupportable, sans cœur, sans bonté, sans distinction et sans joie.

      C'est la grâce que je vous souhaite en vous disant amen et en serrant affectueusement votre main.

      XXXVIII

      Philippe à Denise

2 juillet.

      Madame mon amie,

      Je dis comme vous: quel dommage! J'aurais tant voulu passer ces jours avec vous; j'en avais presque besoin, triste comme je le suis.

      Vous êtes bien heureuse de vous en aller; en vérité, plus je vais et plus je prends en aversion Paris, que j'aimais tant autrefois. Les quelques heures tranquilles et bonnes que j'ai volées à mon mauvais destin, ces dernières années, je les ai passées loin de Paris. Combien sont différentes, plus saines, plus personnelles et plus profondes les émotions qu'on éprouve loin de lui. Dites bien surtout à la mer que je l'adore.

      Je suis accablé d'ennuis de toutes sortes, matériels et moraux, grands et moyens. Je sens monter sur ma pauvre tête un orage épouvantable. Les bonnes gens diront: c'est votre faute. La belle et intelligente consolation! Mon courage et ma résignation sont à bout.

      Dans ces tristes circonstances, votre compagnie, madame, vous si vaillante et si bonne, m'eût été particulièrement précieuse; mais, vous voyez, il faut aussi que j'y renonce. Du moins, j'espère que vous penserez un peu à votre ami et que vous trouverez le temps de lui écrire. Si vous saviez le plaisir que lui donnent vos lettres, vous lui écririez très СКАЧАТЬ